ABÉLARD Pierre (1079-114)
ABÉLARD Pierre 1079-1142
Philosophe, poète et musicien, né au Pallet, près de Nantes. De l’œuvre du philosophe, aucun livre n’est parvenu à sortir de l’étroit domaine des spécialistes ; mais la méthode de « confrontation » des textes sacrés ou traditionnels proposée par lui en 1130 dans Le Pour et le contre (et jugée alors condamnable) inaugure, en France, une attitude d’esprit déjà relativiste et tolérante, qui sera adoptée avec joie au siècle des Lumières (voir, par exemple, aux articles «Bayle» et «Fontenelle »). Quant au poète et au musicien, le disque nous a fait entendre récemment ses œuvres, en particulier ses hymnes. (Ses chants d’amour n’ont pas été encore retrouvés.) On nous parle parfois à mots couverts dans les classes, à l’occasion de la Ballade des dames du temps jadis, de ce cruel épisode (décrit en mots propres, pourtant, par Villon ci-après) de « [...] la très sage Héloïs / Pour qui fut châtré, et puis moine / Pierre Abeilart à Saint-Denis » (la version scolaire, censurée, dit « pour qui fut châtié »). Ce sont les proches d’Héloïse (nièce du chanoine Fulbert) qui furent les instigateurs de l’émasculation en question ; Héloïse sera encouragée par Abélard à entrer dès lors dans un couvent, comme lui-même ; et c’est d’un couvent à l’autre qu’ils échangent - en latin - ces lettres chaleureuses ou parfois douloureuses, plus naïves et pressantes chez Héloïse, plus raisonnables, plus détachées du côté d’Abélard, comme s’il souhaitait contenir, ou détourner de son but trop « terrestre », un élan passionné qui semble lui faire presque peur. Si bien qu’Héloïse, frustrée sur le terrain de l’amour verbal également, se résout peu à peu (Lettre V, en particulier) à tempérer l’expression de son ardeur et à ne plus attendre d’Abélard qu’une « direction ».
Ces amours malheureuses ont donne lieu d’autre part à plus d’une allusion littéraire. Et Jean-Jacques Rousseau sous-titrera sa Julie (qui est le roman, par lettres, d’un amour impossible) : La Nouvelle Héloïse, surnom qui a survécu de nos jours à la première dénomination.
Théologien, né au Pallet, près de Nantes. De l’œuvre considérable, par le volume, que nous a laissée Abélard en matière de philosophie, rien n’est parvenu à sortir de l’étroit domaine du spécialiste; mais il faut juste dire ici un mot, au passage, de son principe de confrontation des textes, sacrés ou traditionnels, méthode inventée par lui dans le Pour et le Contre (1130) et qui, jugée alors condamnable, inaugure en France une attitude d’esprit déjà relativiste et critique. Toutefois ce n’est pas en cela qu’Abélard reste vivant dans la mémoire des lettrés : bien autrement célèbre est sa correspondance avec Héloïse, la première en date dans la série des « lettres d’amour » qui jalonnent l’histoire de notre littérature. Les manuels scolaires parlent parfois, mais à mots couverts, de ce cruel épisode (décrit en mots propres cependant par Villon, ci-après) de
« ...la très sage Héloïs Pour qui châtré fut, et puis moine, Pierre Abailard à Saint-Denis. »
Nièce du chanoine Fulbert, l’instigateur de l’émasculation en question, Héloïse fut encouragée par Abélard à entrer dès lors dans un couvent, comme lui-même; et c’est d’un couvent à l’autre qu’ils échangent - en latin - ces lettres chaleureuses ou parfois douloureuses : plus naïves et pressantes chez Héloïse; du côté d’Abélard plus raisonnables, plus détachées, comme s’il souhaitait contenir, ou détourner de son but trop « terrestre », un élan passionné qui semble lui faire presque peur. Si bien qu’Héloïse, frustrée sur le terrain de l’amour verbal également, se résout peu à peu (Lettre V en particulier) à tempérer l’expression de son ardeur, et à ne plus attendre d’Abélard qu’une « direction ». Ces amours malheureuses ont donné lieu d’autre part à plus d’une allusion littéraire et Jean-Jacques Rousseau sous-titrera sa Julie (qui est le roman, par lettres, d’un amour impossible) : la Nouvelle Héloïse: surnom qui a survécu de nos jours à la première dénomination.
Œuvres Lettres d’Héloïse et d’Abélard, dans Lettres d’amour, anthologie, prés, par J.-C. Carrière (Flammarion, coll. J’ai lu). Critique E. Gilson, Héloïse et Abélard (Vrin, 1965). - R. Pernoud, Héloïse et Abélard (Albin-Michel, 1970).