archétype (manuscrit) archi-énonciateur architextualité argument argumentation ars moriendi ars nova art poétique art pour l’art
archétype (manuscrit). En médiévistique comme dans les études anciennes, on appelle archétype le manuscrit, généralement perdu, duquel découlent tous les manuscrits conservés. Ce manuscrit ne se confond pas nécessairement avec l’original écrit ou dicté par l’auteur de l’œuvre : il est seulement la forme la plus ancienne à laquelle on puisse remonter. C’est à partir de lui que les diverses copies s’organisent en familles (voir stemma codicum). Pendant longtemps, le travail d’édition d’un texte médiéval consistait à restituer une forme aussi proche que possible de celle de l’archétype.
archi-énonciateur. On utilise cette notion pour analyser les textes composés d’énoncés attribués à divers locuteurs, comme les répliques de théâtre, les traités sous forme dialoguée, les romans par lettres, etc. L’archi-énonciateur est cette instance qui n’est à l’origine directe d’aucun énoncé, mais assume la totalité du texte en tant que tel, avec ses effets de sens : dans un dialogue, les personnages profèrent les répliques, mais ces répliques forment aussi un tout, auquel on peut prêter un sens global, ce qui donne le sentiment que « quelqu’un derrière le texte » en tire les ficelles. L’archi-énonciateur est, si l’on veut, une figure de l’auteur que se crée le spectateur de théâtre ou le lecteur de dialogue et auquel il prête, par exemple, des intentions démonstratives précises. La polémique sur les dialogues libertins au XVIIe siècle (pouvait-on dire que le texte promouvait les idées qu’avançaient leurs personnages les mieux mis en valeur ?), ou encore sur le sens d’un roman par lettres comme Les Liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos (apologie ou dénonciation de la corruption des mœurs ?), mettait bien en jeu cette « instance muette ».
architextualité. Dans la terminologie de G. Genette, inscription d’un texte dans un genre ou un sous-genre littéraire (là nouvelle d’atmosphère, la comédie de mœurs, le poème lyrique...). La relation architextuelle peut être signalée par une marque paratextuelle (un sous-titre générique, par exemple), mais elle est le plus souvent implicite : on place alors le texte dans une catégorie à partir de certains critères formels ou thématiques (vers, dialogue, ton, imaginaire convoqué...). La reconnaissance du genre conditionne le protocole de lecture du texte : nous ne lisons pas de la même façon un récit romanesque et un récit historique, par exemple ; elle conditionne surtout notre compréhension de la démarche de l’auteur que nous évaluons dans son rapport à une tradition générique qu’il assume ou qu’il conteste : les Nouveaux Romans des années 1950 ne se donnent pas seulement à lire « pour eux-mêmes », ils s’affirment d’abord comme refus du projet romanesque tel qu’il s’est figé depuis le milieu du XIXe siècle.
argument. Sommaire d’un ouvrage, résumé linéaire d’une pièce de théâtre. L’argument présente en général l’intrigue dans son déroulement.
argumentation. C’est le cœur de la rhétorique elle consiste à élaborer les preuves du discours, et ensuite à les disposer de façon cohérente et logique pour emporter l’adhésion du public. Contrairement à la dialectique, qui s’appuie sur des prémisses vraies, l’argumentation part de prémisses vraisemblables, c’est-à-dire qui appartiennent aux croyances partagées par l’auditoire (doxa). Il s’agit donc de construire un ensemble de preuves à partir de la doxa : d’où la nécessité de s’adapter à l’auditoire (c’est la notion latine de décorum}, qu’il faut séduire par l'ethos (l’orateur doit être conforme à une certaine image) et qu’il faut émouvoir par le pathos (c’est-à-dire en suscitant différentes passions dans le public). Le logos est l’agencement rationnel des arguments. L’argumentation a donc partie liée avec la logique (avec les principes de causalité, d’identité, de non-contradiction), mais l’univers dans lequel elle se meut est celui des présomptions acceptées par l’auditoire (la séduction idéologique). Les preuves sont de deux ordres : preuves techniques, c’est-à-dire celles que construit l’art d’argumenter à l’aide de la topique, et qui reposent sur l’usage de l’enthymème ou de 1 exemple, et preuves extratechniques (lois, témoignages, pièces à conviction). On peut distinguer quatre grands types d’arguments : 1. les arguments quasi logiques (qui reposent sur la contradiction ou l’identité), 2. les arguments fondés sur la structure du réel (on suppose une causalité là où on observe une succession, on déduit l’utilité d’un fait par ses conséquences probables), 3. les arguments par l’exemple (on induit une règle générale à partir d’un fait singulier) ou par l’analogie (on prouve quelque chose par la similitude de deux rapports, comme par exemple dans l’expression : « la vieillesse est le soir de la vie »), 4. les arguments par dissociation des notions (on procède en distinguant deux niveaux : apparence/réalité, subjectif/objectif, moyen/fîn, etc.). (E.B.)
ars moriendi (n. m.). Les artes moriendi sont des traités en latin ou en français de la fin du Moyen Age sur l’art de bien vivre et de bien mourir. Ils évoquent le combat que se livrent les anges et les démons autour du lit du mourant, les tentations auxquelles il doit échapper, et invitent le lecteur à mener une vie d’ascèse et de spiritualité sans attendre ses derniers instants pour se convertir. La plupart sont anonymes (Tractatus artis bene moriendi) ; l’humaniste Jean Gerson a rédigé en français sa Médecine de l’âme, également nommée Science de bien mourir (1403).
ars nova. Terme désignant la polyphonie du XIVe siècle, complexe, jouant sur les rythmes et les lignes mélodiques, dont les principales formes sont le motet et les chansons à refrain (rondeau, virelai, ballade). La Messe Nostre-Dame de Guillaume de Machaut appartient à l’ars nova.
art poétique. C’est dans la Poétique d’Aristote, vers 334 av. J.-C., qu’apparaît pour la première fois l’expression art poétique (peri poiètikès technès). C’est en théoricien qu’Aristote se penche sur l’art poétique. En revanche, l'œuvre d’Horace Épître aux Pisons, dite Art poétique, est bien celle d’un poète à propos de son art. Et cette réflexion n’a jamais vraiment cessé, même si elle a pris des formes diverses. La tradition du trobar médiéval, puis les ouvrages d’art poétique sont dus à des poètes qui réfléchissent sur leurs techniques, inventent, précisent, définissent et conseillent des formes aux poètes à qui ils s’adressent. C’est ce que font par exemple Thomas Sébillet en 1548 dont l’Art poétique français, ouvrage théorique en prose, porte pour sous-titre : Pour l’instruction des jeunes studieux et encore peu avancés en la Poésie française, ou encore Joachim Du Bellay avec Défense et Illustration de la langue française (1549). Énumérer tous les ouvrages d’art poétique serait fastidieux. Ajoutons simplement que ces réflexions peuvent s’exprimer de manière diverse : sous forme versifiée (Art poétique de Boileau en 1674, poème de Verlaine intitulé «Art poétique» dans Jadis et naguère, 1884), sous forme de brefs essais (« Crise de vers » de Mallarmé), ou encore de travaux collectifs (OuLiPo : Ouvroir de Littérature potentielle). Jamais les poètes n’ont cessé de réfléchir sur leur art.
art pour l’art. Formule qui résume une doctrine apparue en France au temps du romantisme et souvent reprise jusqu’à la fin du XIXe siècle. Cette doctrine affirme l’autonomie de l’art qui, n’ayant d’autre fin qu’en lui-même, n’a pas à se soumettre aux valeurs du Vrai et du Bien mais seulement à la Beauté. L’art pour l’art s’oppose donc à toutes les formules qui mettent l’art au service d’un engagement politique, social ou humanitaire. Parmi les romantiques, Théophile Gautier s’en fit le défenseur constant, depuis la Préface de Mademoiselle de Maupin (1835) où il s’en prend à l’utilitarisme (« Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien »), jusqu’au poème-préface d'Émaux et Camées (1852). «Le Beau n’est pas le serviteur du Vrai », écrit de son côté Leconte de Lisle. Et Baudelaire : « la Poésie [...] n’a pas d’autre but qu’elle-même ». Dans la préface des Orientales (1829), Hugo avait lui. aussi réclamé le droit d’écrire « un .livre inutile de pure poésie » ; mais en octobre 1859 il écrit à Baudelaire : « Je n’ai jamais dit l’Art pour l’Art ; j’ai toujours dit : l’Art pour le Progrès. » Pour Baudelaire, Flaubert, Banville ou les poètes dits parnassiens, l’art pour l’art ne signifie pas pour autant impassibilité ni même neutralité en face de la société : la formule implique dans leur esprit une opposition aux « Philistins » ou aux « Bourgeois » insensibles à l’art ou partisans d’un art pour le confort.
Art pour l’art. Doctrine selon laquelle l’art n’a pas d’autre fin que lui-même. C’est en réaction contre la liaison entre l’art et les valeurs politiques et sociales affirmée au début du xixe siècle non seulement par les saint-simoniens mais aussi par les romantiques que se déclarent les tenants de l’art pour l’art. Ils s’opposent également au positivisme qui triomphe dans les années 1845-1855. Ils s’expriment dans des revues comme L'Europe littéraire ou L'Artiste. Théophile Gautier dans la préface de Mademoiselle de Maupin (1836) attaque l’art utilitaire et défend «l’autonomie» de l’art: « tout ce qui est utile est laid ». Seule compte la beauté au service de laquelle le poète, comme un peintre ou un sculpteur, doit mettre toutes ses ressources. La forme devient donc l’objet de tous ses soins, comme le montre par exemple le recueil des Emaux et Camées publié en 1852. Théodore de Banville, plus jeune, est l’autre grand représentant de l’art pour l’art. Pour lui, plus encore que pour Gautier, l’art réside dans la perfection de la forme, ce qui entraîne toute une série de virtuosités techniques qui culminent dans les Odes funambulesques publiées en 1857. Son goût pour la technique .apparaît également dans son Petit traité de poésie française (1872). Ces deux poètes ont considérablement influencé les parnassiens, tout comme Leconte de Lisle, qui prône l’«art pur», impersonnel et hautain. Il célèbre néanmoins les civilisations passées, contre sa propre époque qu’il méprise, et son culte de la forme s’accompagne d’un pessimisme complet.
> Parnasse, positivisme, romantisme
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