Aubier-Montaigne
Aubier-Montaigne Maison d’édition fondée à Paris en 1924 par Fernand Aubier, rachetée par Flammarion en 1975. C’est en 1924 que Fernand Aubier (1876-1961) décide de se lancer dans le métier d’éditeur et fonde, avec l’appui de quelques amis, la société anonyme des Éditions Montaigne, 13, quai de Conti, dans le VIe arrondissement, à Paris, « entre la Monnaie et l’institut », ainsi que le rappelait souvent l’éditeur en forme de boutade. Au départ, il lui faut se constituer une trésorerie, et l’image de marque que l’on retient actuellement de cette maison, la philosophie, les sciences religieuses et l’histoire, ne correspond pas à la réalité de la production d’alors. Aubier, lui-même romancier et journaliste, utilise ses relations dans les milieux littéraires parisiens pour lancer ses premières collections : Willy, Fernand Divoire, Georges de La Fouchardière sont mis à contribution pour le « Gai-savoir » ou la « Collection des lettrés » ; des artistes tels que Sima fournissent des bois gravés à des textes de circonstance. Deux différends, l’un avec son confrère Albin Michel à propos de la publication des œuvres complètes de Pierre Louÿs, l’autre avec Aurore Lauth-Sand, détournent l’éditeur de la production littéraire contemporaine. À cet égard, le cas de George Bernard Shaw, dont il obtient en exclusivité la traduction française, restera une exception dans son catalogue.
À partir de 1928, Fernand Aubier entreprend de constituer un fonds de classiques. L’échec de la « Collection littéraire de la Russie nouvelle », fondée en 1927 à l’instigation de Jacques Sadoul, l’y incite : la concurrence est trop vive dans le domaine de la littérature étrangère contemporaine. L’époque voit aussi l’apogée de la politique de réconciliation internationale marquée par le pacte Briand-Kellog. Profitant d’un climat intellectuel favorable, l’éditeur confie en 1929 à Henri Lichtenberger, professeur à la Sorbonne et l’un des principaux artisans du rapprochement franco-allemand, la direction de la collection bilingue de classiques allemands, inspirée directement de la collection Budé des Belles Lettres. Si les traductions sont confiées à des universitaires, Aubier et Lichtenberger refusent une spécialisation trop poussée et veulent s’adresser non seulement aux enseignants mais aussi à l’élite économique du pays.
Les Éditions Montaigne survivent à la crise des années trente en diversifiant leur production avec un succès inégal, renouant épisodiquement avec le roman, échouant dans le domaine de la littérature enfantine. C’est vers une clientèle scolaire et universitaire que l’éditeur se tourne davantage : les classiques bilingues anglais, sous la direction de Louis Cazamian, sont lancés en 1934. A la suite des Éditions Émile-Paul, les Éditions Montaigne publient aussi de 1930 à 1933 la Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, dirigée par Maurice Boucher. Mais le changement le plus notable se produit par le retour au catholicisme de Fernand Aubier, qui avait été séminariste puis anticlérical. La série « Vie intérieure » voit le jour sous les auspices du père Sertillanges ; la « Philosophie de l’esprit », dirigée par Louis Lavelle et René Le Senne, naît en 1934 ainsi que la collection « Esprit », émanation de la jeune revue du même nom lancée en 1932 par Emmanuel Mounier. Dans deux registres différents et parallèles, d’une part la réhabilitation de la métaphysique, d’autre part l’ouverture à la pensée personnaliste, c’est le point de départ d’amitiés que ni les vicissitudes commerciales — la collection « Esprit » passe en 1938 chez Gallimard avant de se retrouver au Seuil, après la guerre — ni les événements historiques n’interrompront. La philosophie devient le domaine privilégié de la maison, qui publie Gabriel Marcel, Nicolas Berdiaev, Max Scheler, Jacques Mari-tain... mais aussi les premières traductions de Hegel par Jean Hippolyte. La guerre voit la publication du Journal de captivité de Jean Guitton, le lancement de la collection des Jésuites de Fourvières, « Théologie », qui, sous l’égide des pères de Lubac et Bouillard, contribuera à la renommée de la pensée théologique française et influencera le concile Vatican IL
L’image des Éditions Aubier-Montaigne, après 1945, est résolument universitaire. La collection historique de Paul Lemerle publie des thèses comme celles de R. Boutruche ou de Georges Duby. À la mort de son père, Madeleine Aubier poursuit l’œuvre entreprise. En 1975, Flammarion rachète Aubier, dont le fonds d’ouvrages religieux est vendu à Desclée De Brouwer. Après un élargissement de la production sous la direction de Pierre Mentha, Louis Audibert, à partir de 1991, recentre la politique éditoriale (au rythme de vingt-cinq ouvrages par an) vers la philosophie et les sciences humaines et vers l’édition bilingue de classiques de la littérature étrangère.
-► Valérie Tesnière, Les Éditions Montaigne, Fernand Aubier éditeur 1924-1940, thèse de l’École des Chartes, 1984 ; « La première collection Esprit 1935-1938 », Bulletin des amis d’Emmanuel Mounier, n° 62, 1984.
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