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Ayguesparse

Ayguesparse, Albert (1900-1996), pseudonyme de Albert-Jean Clerck. Né le 1er avril 1900 à Forest (Bruxelles) dans un milieu ouvrier, qui déterminera les grandes orientations de son œuvre. Si ses premiers recueils (Neuf offrandes claires, 1923 ; Armorial, 1924) expriment espoir et confiance dans l’avenir, sa poésie se fait bientôt urbaine et machiniste, dénonçant l’aliénation de l’homme dans le monde du travail (Anecdotes, 1925 ; Témoignages, 1925). Engagé dès les années trente dans la lutte prolétarienne (Machinisme et culture, 1931 et Magie du capitalisme, 1934, essais), membre actif du Front littéraire de gauche, il poursuit une œuvre dominée par les grands problèmes sociaux de l’avant-guerre, tout entière centrée sur la libération de l’individu ; son vers touche alors aux grands mouvements de la poésie épique (Derniers Feux à terre, 1931 ; Aube sans soutiers, 1932 ; Prometteurs de beaux jours, 1935 ; Poèmes pour trois voix, 1936 ; La Mer à boire, 1937). La Rosée sur les mains, publiée en 1938, marque un tournant dans son œuvre : plus intimiste, le poète y affirme sa confiance en l’homme et en la nature. Un silence poétique de près de vingt ans suivra, durant lesquels Ayguesparse se consacre en grande partie au roman ; c’est l’expérience de la guerre qui sera à l’origine d’un nouveau souffle lyrique avec Encre couleur de sang et surtout Le Vin noir de Cahors (1957). Une dimension métaphysique s’allie ici aux grandes aspirations de justice et de liberté qui n’ont cessé d’animer la réflexion de l’auteur : les années de guerre et d’exil s’expriment à travers l’angoisse du futur, la conscience de la solitude de l’homme, en une manière de lyrisme étouffé, dans une langue divisée par la limpidité du réel et l’obscurité de l’être. Suivent alors une vingtaine de recueils, où Ayguesparse, toujours plus pessimiste, développe la tension entre l’homme et le monde à travers une recherche formelle fondée sur des ruptures de ton, lutte verbale partagée entre clarté et hermétisme. Depuis Les Plaies de Pâme (1961), où se précisent le malaise et le désenchantement, jusqu’à Ecrire la pierre (1970), qui marque une nouvelle étape formelle, Les Armes de la guérison (1973), Pour saluer le jour qui naît (1975), Obsolètes Métaphores (1978), Arpenteur de l'ombre (1980), Sur les brisants du siècle ( 1980), La Nuit de Polastri (1985), Lecture des abîmes (1987), Les Déchirures de la mémoire (1989), Les Complicités des songes (1990), La Traversée des âges (1993) sont autant de témoignages d’un homme mûr et lucide qui n’a pas renoncé à ses anciennes aspirations et qui continue de s’interroger sur les potentialités du langage.
Sa production romanesque exprime, de manière réaliste, un profond malaise existentiel. Depuis La Main morte (1938), roman social, Ayguesparse a dénoncé la faillite de la morale bourgeoise à travers quelques thèmes centrés pour la plupart sur le problème de la famille : révolte adolescente contre les conventions dans L 'Heure de la vérité (1947), Une génération pour rien (1954) ou Le Mauvais Age (1959) ; rôle destructeur de l’argent dans les relations parentales ou sentimentales avec D'un jour à l'autre ( 1940) et surtout Notre ombre nous précède (1952, prix Rossel) ; le problème de l’engagement étant abordé dans Simon-la-bonté (1965) et Les Mal-pensants (1979). Élu en 1962 à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, Ayguesparse a joué un grand rôle dans la diffusion et la défense des lettres belges, assurant notamment la direction de la revue Marginales à partir de 1945. On lui doit aussi des nouvelles, recueillies dans Selon toute vraisemblance (1961) et Le Partage des jours (1972), ainsi que des monographies, pour la plupart littéraires (Franz Hellens, 1959 ; Constant Burniaux, 1961 ; Portrait de Luc Decaunes, 1964). Lauréat du prix quinquennal de littérature de la Communauté française de Belgique en mai 1995, il est mort le 27 septembre 1996.

ŒUVRES. — Œuvre poétique 1923-1992, préface de Jean-Luc Wauthier, Amay, L’Arbre à paroles, 1994. — Simon-la-bonté, rééd., Bruxelles, Labor, coll. Espace Nord, 1994. Jean Rousselot, Albert Ayguesparse ou la leçon du réel, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1965. — Jacques Belmans, Albert Ayguesparse, Seghers, coll. Poètes d’aujourd’hui, 1967. — Jacques Crickillon, L’Œuvre romanesque d’Albert Ayguesparse, Bruxelles, De Rache, 1970. — Albert Ayguesparse, la mémoire et l’histoire, éd. Paul Aron, Getn-bloux, Duculot, 1986.