baguenaude ballade ballet de cour ballette baroque battologie Belles-Lettres bellettrisme bergerette bestiaire bienséance(s)
- baguenaude (n. f.). Poème médiéval fondé sur le non-sens, et dont la forme n’est pas fixe. Le plus souvent en octosyllabes, les vers de la baguenaude sont reliés par un système d’assonances et de contre-assonances assez fantaisistes.
- ballade. Au Moyen Age, genre poétique né de la chanson à refrain, au XIVe siècle, à la suite d’une contamination avec le chant royal auquel la ballade emprunte l’envoi. Poème de trois strophes terminées chacune par un refrain, et qui s’achève sur un envoi. Cette structure obéit à ce que D. Poirion appelle un « principe de rayonnement », chaque strophe ramenant à la même idée du refrain ; les éléments des strophes sont ainsi comme disposés autour d’un centre virtuel, à la manière d’une rosace. Selon les arts poétiques de la fin du Moyen Age, chaque strophe doit « prouver et démontrer le refrain ». Les strophes ont de 6 à 14 vers de 4 à 10 syllabes : la variété des mètres est admise, mais dans une même ballade toutes les strophes doivent présenter la même structure. Il existe des « doubles ballades », formées de 6 strophes et d’un envoi. Originellement, la ballade provient au lyrisme popularisant à caractère chorégraphique (ballade vient de baller, « danser »). La ballade devient très vite une forme fixe et le véhicule par excellence de l’expression lyrique. Sa structure en trois volets symétriques autour du refrain est bien adaptée au jeu de variations qui caractérise le lyrisme médiéval. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, le genre se subdivise en « ballade amoureuse » et « ballade de moralité ». La première est fidèle à l’héritage courtois, tandis que la seconde s’inspire des mœurs du temps, des événements politiques, et se nourrit de réflexions généralement topiques sur la condition humaine, la destinée de l’homme et du monde. Chez Charles d’Orléans, la ballade est un instrument d’observation et d’analyse du monde intérieur du poète. Dans les milieux de cour, il a existé des « débats par ballades » : échanges poétiques autour d’un même thème. On a conservé 248 ballades de Guillaume de Machaut, et plus de 1 000 d’Eustache Deschamps. Le genre est encore pratiqué au début de la Renaissance. A la fin du XVIIIe siècle, la ballade est un poème populaire sur un thème légendaire. Chez Hugo {Odes et ballades, 1826), la ballade est un poème strophique sans forme fixe.
Ballade. — Forme fixe médiévale issue d’une chanson à danser. Elle est composée de trois strophes, où le nombre de vers peut varier, de même que le type de mètre utilisé, et qui sont suivies d’un refrain d’un ou deux vers. Un envoi, qui correspond souvent à une demi-strophe, termine le poème : il est adressé le plus souvent au prince ou à la dame. La ballade apparaît dès la fin du XIIIe siècle, chez Jean de Lescurel. Machaut et Deschamps lui confèrent ses lettres de noblesse. Viennent ensuite Christine de Pisan et Charles d’Orléans. Lorsque Villon, au XVe siècle, mêle des ballades (Ballade des pendus, Ballade des Dames du temps jadis} aux strophes en octosyllabes du Testament, c’est un genre déjà désuet. Villon signe parfois l’envoi d’un acrostiche (ex : Ballade pour prier Notre Dame}.
La Pléiade n’utilise plus la ballade, parfois reprise au XVIIe siècle, par exemple par La Fontaine, et au XIXe siècle par certains parnassiens comme Banville (Trente-six ballades joyeuses).
Le chant royal constitue une variante de la ballade : il comprend cinq strophes de onze vers suivies d’un envoi (ex : le Chant royal de la Conception de Marot).
— Ballade romantique : genre qui n’a plus rien à voir avec la ballade médiévale. Elle est issue des imitations de chansons populaires fréquentes dans la poésie allemande (Le Roi des Aulnes de Goethe) et se caractérise par ses thèmes (elle offre un récit touchant) et son style naïf. Hugo dans les Odes et Ballades l’a utilisée pour des sujets légendaires ou historiques (La Fiancée du timbalier, Le Sylphe, La Chasse du burgrave, etc.).
> Acrostiche, apostrophe, forme fixe, refrain, strophe
• Zumthor P., Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, 1972.
- ballet de cour. « Danse figurée, à évolutions concertées, accompagnée d’une musique appropriée, souvent soutenue par un thème poétique, mythologique ou héroïque, interprétée par des danseurs de qualité dans un climat de faste inhabituel » (M.F. Christout). Le ballet de cour est né en Italie, au XVe siècle. Il s’introduit en France à la fin du siècle suivant, le premier du genre étant le Ballet Comique de la reine (1581). Son âge d’or se place sous le règne de Louis XIV, grâce à la collaboration de Benserade pour les vers et de Lully pour la musique. A la même époque, Molière invente le genre de la comédie-ballet : à la fin de chaque acte est placé un ballet dont la musique est souvent de Lully.
- ballette. Forme lyrique médiévale à refrain, non fixe, à vocation chorégraphique, dont l’inspiration peut être courtoise, pieuse ou familière, et le locuteur féminin ou masculin. Certaines évoquent les conséquences de la mésalliance avec un « vilain ». Le ton est souvent celui de la confidence ou de la vie quotidienne.
- baroque (n. m.). Désigne, en littérature française, une période qui va de la fin de la Renaissance au début du classicisme. Ce terme est à l’origine un adjectif employé par les historiens allemands de l’art. Implanté en France dans les années 1930, le terme substantivé connut un usage élargi à la littérature, notamment à la suite des travaux de Jean Rousset (La Littérature de l’âge baroque en France, 1954). Son succès est dû à ce qu’il -est vite apparu comme un pendant opératoire à la notion de classicisme. Les caractères principaux en sont l’irrégularité, la fluidité, la surprise (asymétries, jeux sur la perspective et l’illusion d’optique), ainsi qu’une métaphysique sombre (méditation sur la mort, constat de la vanité des choses humaines), le tout étant lié à une grande virtuosité formelle, au goût du concetto (le trait d’esprit aiguisé, la pointe finale du sonnet) qui donnent à l’expression littéraire un brio équivalent à l’architecture somptueuse et aux arts de la Contre-Réforme. Car le baroque est historiquement lié à un âge de crise religieuse suivi d’un âge de reconquête (la Réforme catholique, notamment telle qu’elle est diffusée par l’art et l’éducation de l’ordre jésuite). La vision d’un monde déchiré, mais promis au salut, est ainsi développée entre 1560 et 1660 par au moins deux générations de poètes, protestants ou catholiques (D’Aubigné, Du Bartas, Chassignet, puis Saint-Amant, Théophile ou Le Moyne) ; elle se retrouve au théâtre (L’Illusion comique de Corneille), et constitue sans doute un des plus séduisants éléments de l’unité artistique de l’Europe jusqu’à la guerre de Trente Ans. Les historiens récents ont, de plus, bien montré les survivances de cette esthétique en pleine période classique, notamment dans l’opéra, attestant ainsi l’idée qu’il existe un baroque éternel alternant avec un classicisme lui-même pluriséculaire.
Baroque. Phénomène artistique européen des XVIe et XVIIe siècles, difficile à définir, sinon par opposition au classicisme et où se manifeste un goût marqué pour le bizarre.
A l’origine, le baroque est une catégorie esthétique qui ne s’applique pas à la littérature, mais à la musique, à la peinture et à l’architecture. Le terme, emprunté au portugais où il désigne une perle irrégulière, qualifie ce qui est irrégulier, c’est-à-dire non conforme aux règles. Il est longtemps perçu dans une acception négative par rapport au classicisme. Son utilisation pour qualifier certaines œuvres littéraires du XVIe et du XVIIe siècle, récente, est le fait de critiques littéraires du XXe siècle, dans les années 30, d’Eugenio d’Ors (Du baroque, 1935) et d’Henri Focillon (La Vie des formes, 1934) puis, dans les années 50-60, de Marcel Raymond et de Jean Rousset.
Historiquement, le baroque littéraire français s’étend des années 1570 jusque vers 1660 avec, en ce qui concerne la première génération, des poètes comme d’Aubigné (Les Stances, 1572), Saint-Amant, puis des auteurs dramatiques comme Rotrou, Alexandre Hardy, le jeune Corneille des premières comédies, des romanciers comme Scarron.
Le baroque apparaît dans une société en pleine mutation. Il est le produit d’une crise de conscience, d’un moment de contestation de l’ordre établi, sur le plan religieux (il naît en même temps que la Contre-Réforme), comme sur le plan politique (il se développe surtout sous la Fronde). Il est un questionnement de l’homme face à un univers difficile à saisir, car instable et protéiforme. Il n’est pas d’absolu pour les baroques. Tout n’est qu’apparence. L’amour n’existe que dans le changement et dans l’inconstance, que celle-ci soit affectée d’un signe négatif, «colorée d’une ombre noire», selon l’expression de Rousset, comme la poésie de Sponde, ou qu’elle soit perçue positivement. Cette inconstance «blanche» est à l’origine du mythe de Don Juan, chez Tirso de Molina, puis chez Molière. La mort elle-même n’est qu’une transition dans la transformation de la matière, aussi n’hésite-t-on pas à la théâtraliser de façon ostentatoire.
Les poètes baroques sont attirés par toutes les formes changeantes, par l’eau, qui est image de l’écoulement, et par le feu, symbole de l’éphémère, deux éléments utilisés avec magnificence dans les mises en scène des fastueux spectacles de cour. La thématique baroque se caractérise par le sentiment d’impuissance à saisir l’être sous l’infinité des formes que revêt le paraître. Ceci explique que les baroques cultivent la métamorphose, que des peintres religieux, comme Franscisco de Zurbaràn par exemple, tentent de fixer sur la toile visions ou apparitions insaisissables et qu’ils exploitent toutes les ressources qu’offrent le trompe-l’œil, le travestissement et le masque. Romanciers et auteurs dramatiques recourent à des intrigues complexes, avec des actions multiples qui interfèrent, car le réel leur apparaît trop opaque pour qu’une action unifiée les satisfasse. Les auteurs dramatiques usent souvent du procédé de théâtre dans le théâtre, dans de vertigineuses mises en abyme. Ex : Calderôn, La vie est un songe, Rotrou, La Véritable Histoire de Saint Genest. Les baroques cultivent surtout le roman d’aventures, inspiré du roman picaresque espagnol. Ex. : Cyrano de Bergerac : L'Autre Monde ou les Etats et empires de la Lune (1649) ou Scarron : Le Roman comique (1657), et la tragi-comédie, ex. : Alexandre Hardy : Scédase (1624). Ils sont fascinés par les passions violentes, ex. : Théophile de Viau : Pyrame et Thisbé (1620) est une pièce sanglante.
Au niveau stylistique, l’irrégularité caractérise l’écriture baroque. Les écrivains affectionnent analogies et oppositions fortes, selon l’exemple de l’Espagnol Gongora (1561-1627) ou de l’Italien Marino (1569-1625). La métaphore, qui au niveau du mot, opère une transformation des formes, est leur figure de prédilection.
► Classicisme, gongorisme, métaphore, mise en abyme, pointe, théâtre élisabéthain
- battologie (n. f., du grec Battos, nom d’un roi de Cyrène qui était bègue, et logos, « discours »). Répétition oiseuse des mêmes pensées sous les mêmes termes (Littré). Exemple : Pierrot : — Aga, guien, Charlotte, je m'en vas te conter tout fin drait comme cela est venu ; car, comme dit l’autre, je les ai le premier avisés, avisés le premier je les ai. (Molière, Dom Juan, II, 1.)
- Belles-Lettres. Cette expression, qui date du XVIIe siècle, désigne traditionnellement la connaissance de la grammaire, de la rhétorique, de la poésie et de l’histoire ; elle est liée notamment à l’appellation institutionnelle (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres), et son domaine correspond à celui des « humanités », qui recouvre donc le champ des textes de l’Antiquité classique. C’est pourquoi elle comportait aussi, à l’origine, la philosophie, et les textes savants en général. Mais au cours du XVIIIe siècle, elle tend peu à peu à désigner tous les ouvrages qui sont des modèles d’élocution, et de moins en moins ceux qui ont aussi pour but le savoir. Le mot « littérature » supplantera peu à peu l’expression « Belles-Lettres », pour ne lui laisser qu’une connotation d’esthétisme formel et un peu gratuit.
- bellettrisme. Terme dérivé de « Belles-Lettres » : désigne une manière affectée et un peu désuète d’écrire, qui se préoccupe plus des mots que des choses.
- bergerette. Poème pastoral en vogue au XVe siècle, qui célébrait l’arrivée du printemps. La bergerette se compose de cinq strophes, la première jouant le rôle d’un refrain répété en troisième et cinquième positions. bestiaire (n. m.). Au Moyen Age, forme littéraire juxtaposant des articles consacrés à toutes sortes d’animaux réels (lion, renard, castor...) où fantastiques (basilic, sirène, phénix...), dans lesquels les traits physiques et les traits de mœurs attribués à l’animal reçoivent ensuite une interprétation allégorique qui fait appel à des références bibliques. Le grand principe d’organisation est l’opposition entre valeurs christiques et anti-valeurs diaboliques. Les bestiaires en langue vulgaire sont des traductions de modèles latins, eux-mêmes issus de traditions multiples rattachées au Physiologus grec, texte anonyme du IIe siècle ap. J.-C. Le plus ancien bestiaire en français est celui de Philippe de Thaon (composé entre 1121 et 1135) ; celui de Pierre de Beauvais est l'un des tout premiers témoignages de la prose française (avant 1206). Certains articles peuvent être consacrés à des pierres ou à des oiseaux.
- bible. Au Moyen Age, ce terme désigne deux types d’œuvres : d’une part, des traductions partielles de la Bible en langue vulgaire ; d’autre part, des textes moralisateurs sur les « états » du monde, c’est-à-dire les vices de la société (le mot est alors à prendre en son sens étymologique de « livre » : ainsi de la Bible Guiot et de la Bible au seigneur de Berzé, au XIIIe siècle).
- bienséance(s). Ce qui est considéré comme convenable, décent par le public de théâtre des XVIIe et XVIIIe siècles. Ce terme de poétique apparaît dès le milieu du XVIe siècle, mais son importance ne s’affirme véritablement que vers 1630-1640. Le respect des bienséances (on emploie plus souvent ce terme au pluriel) est une règle du théâtre classique . Il est plus facile du reste de dire ce qui choque les bienséances (le meurtre ou le sang sur la scène, l’obscénité, etc.) que de les définir positivement : en tout état de cause, comme les bienséances constituent une règle d’accord entre la pièce et son public, elles évoluent dans le temps. Mais bienséance est aussi employé souvent comme synonyme de vraisemblance : il s’agit alors de marquer une convenance interne de la pièce, comme l’accord entre un personnage, son discours, ses mœurs et l’époque historique qui sert de référence à la fiction ; la bienséance exige qu’Auguste ou Néron parlent en Romains. Dans ce sens, Marmontel préfère le terme de convenances.
Liens utiles
- Pierre LE MOYNE (1602-1671) (Recueil : Lettres morales et poétiques) - Carte de la Cour
- Commentaires de texte, Lettres persanes - Rica à lbben, à Smyrne
- Laquelle des deux écoles est-elle la plus classée pour garder le sens ;les belles infidèles ou le mot à mot ?
- Lecture linéaire 3 : les lettres elliptiques Jean Luc la garce juste la fin du monde
- La sensibilité «baroque» (1570-1650)