BERNARDIN DE SAINT-PIERRE Jacques Henri 1737-1814
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE Jacques Henri 1737-1814
Conteur et, aussi, philosophe, né au Havre. Admirateur du Robinson Crusoé de l’Anglais Daniel Defoe et des théories de Rousseau sur la bonté originelle de l’homme, il vit seul à Paris, dans un grenier, entre deux visites à Jean-Jacques Rousseau (alors abandonné de tous, et qui, enfin, trouve un disciple). Dans les Études de la nature (1784), Bernardin entend démontrer que Dieu, dans sa Création, a fait toutes choses pour le seul profit de sa créature préférée, conçue à sa propre image : l’homme. Idée fort discutable (et même assez niaise dans le détail de sa démonstration), mais qui, six ans après les Époques de la nature, œuvre audacieusement scientifique de Buffon, ne manquait pas, elle aussi, d’audace. En outre, l’œuvre contenait, à titre d’illustration poétique, un court épisode (que d’ailleurs, il retrancha par pure modestie de la première édition) : Paul et Virginie. L’adorable récit - qui n’était donc à l’origine qu’un exemple à l’appui d’une thèse philosophique, selon quoi notre bonheur consiste à vivre selon la nature - paraît séparément, quatre ans plus tard (1788).- Ce mince volume va apporter la gloire au « philosophe » Bernardin, qui est aussi, par bonheur, un artiste : Nos poètes ont assez reposé leurs amants sur le bord des ruisseaux [...] J'en ai voulu asseoir sur le rivage de la mer, au pied des rochers, à l'ombre des cocotiers, des bananiers et des citronniers en fleurs. À part quelques tirades un peu trop morales, et quelques larmes un peu trop sucrées (on moralise tout autant chez Sade, et on pleure davantage encore chez Restif), ce roman mérite son inusable succès. Il est de mode, aujourd’hui, d’agonir d’injures le pauvre Bernardin qui, sans aucun doute, était tout sauf un cœur innocent, et fut même, sur le plan du caractère, un homme fort peu recommandable : arriviste, hypocrite, et surtout, servile, vis-à-vis de tous les pouvoirs successifs. Reste l’œuvre, réduite (bien sûr) à la réussite poétique inattendue : Paul et Virginie. Mais on aurait bien tort de sourire d’une histoire plus troublante - et ambiguë - que ne semblent le croire les parents lorsqu’ils offrent ce conte à leur fille. Sur le plan de l’écriture, enfin, Paul et Virginie est une perle dans notre littérature, aussi rare, aussi diaphane, que le seront, à la fin du siècle suivant, les nouvelles de Francis Jammes (lequel, d’ailleurs, s’est trouvé fort bien de pratiquer Bernardin de Saint-Pierre).