comptine comput concetto concordance/discordance confident (e) confrérie congés conjointure connotation contamination
comptine (de «compter»). Petit poème de tonalité enfantine, chantonné syllabe par syllabe, dans lequel le rythme importe plus que le sens, et qui sert à désigner, avant le jeu, celui qui tiendra une certaine place, bonne ou mauvaise. On peut considérer que « La sauterelle » de Desnos (Chantefables) est une sorte de comptine : Saute, saute, sauterelle, Car c’est aujourd’hui jeudi. Je sauterai, nous dit-elle, Du lundi au samedi. [...]
comput. Traité médiéval en latin ou en langue vulgaire, à caractère didactique et encyclopédique, consacré au calendrier chrétien et au calcul de la date des fêtes mobiles (Pâques en particulier). Bède le Vénérable, au début du vin' siècle, a fait du comput une discipline essentielle du quadrivium. Le premier comput en langue vulgaire est celui de Philippe de Thaon (1113-1119).
concetto (de l’italien, que l’on peut traduire par « pensée ingénieuse »). Le principe est d’exprimer de façon virtuose une idée inattendue, que la formulation fait découvrir par un jeu d’énigme et d’attente : une part du travail est faite par l’auditeur ou le lecteur ; d’où le succès, à l’époque baroque et classique, du concetto dans les genres mondains (poésies, lettres, conversation), qui impliquent une participation active du public. L’obscurité, qui tient parfois du pur jeu de mots, a fait critiquer le concetto, comme dans le fameux « sonnet d’Oronte » du Misanthrope de Molière ; le P. Bouhours, dans son livre sur La Manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit (1687), explique le fonctionnement et les défauts de ce genre de pointe, qu’il assigne aux Italiens (marinisme) ou aux Espagnols (gongorisme).
concordance/discordance. La concordance correspond à la coïncidence des articulations métriques (césure, fin de vers) avec les articulations syntaxiques du vers. C’est un souci qui n’a commencé à animer les poètes qu’àu XVIe siècle, quand a disparu l’accompagnement musical de la poésie. L’usage est alors encore flottant, et c’est au XVIIe siècle que les poètes (en particulier Malherbe puis Boileau) prônent la concordance pour l’harmonie du vers : Ses attraits réfléchis // brillent dans vos pareilles, Mais il étale en vous // ses plus rares merveilles. Chacun de ces vers correspond à une proposition. Dans le premier, le groupe sujet occupe le premier hémistiche, tandis que le groupe verbal occupe le second. Dans le deuxième vers, la conjonction et le noyau du groupe verbal sont dans le premier hémistiche, et le complément d’objet dans le second. Les accents des principaux groupes grammaticaux correspondent aux articulations métriques. La discordance est le phénomène contraire : la distribution des groupes grammaticaux (et donc celle des principaux accents) ne coïncide pas avec les articulations métriques fixes. On parle alors de décalage ou de discordance interne (par rapport à la césure) ou externe (par rapport à la fin de vers). On distingue trois types de décalages : l’enjambement, le rejet et le contre-rejet. Les vers classiques, s’ils suivent majoritairement la règle de concordance, n’en sont pas pour autant les esclaves : les cas de discordance existent aux xviie et XVIIIe siècles, mais ils sont rares, et particulièrement marqués d’expression, comme dans ce cas. de contre-rejet où s’exprime tout le trouble de Pauline mariée face à celui qu’elle aimait :
Je vous l'ai trop fait voir, Seigneur ; et si mon âme Pouvait bien étouffer les restes de sa flamme, Dieux, que j’éviterais de rigoureux tourments ! (Corneille, Polyeucte, II, 2.)
C’est l’exemple d’André Chénier qui a ensuite incité les poètes romantiques à explorer de manière plus fréquente les possibilités rythmiques et poétiques de la discordance.
conduit. Dans la musique médiévale, forme de chant liturgique d’abord monodique (IVe siècle), puis polyphonique (XIIIe siècle), destiné à accompagner une procession. Il s’émancipe de ce cadre au XIIIe siècle pour désigner des pièces en vers latins soit à portée liturgique, soit à portée politique ou satirique (qui commentent des événements d’actualité), mais toujours accompagnées de musique. Le conduit cum cauda introduit des mélismes plus oh moins complexes à la fin et souvent dans le corps du poème. C’est l’un des grands genres de l'ars antiqua.
confident (e). Dans la tragédie des XVIIe et XVIIIe siècles, les confidents constituent une classe de personnages secondaires dont la fonction est de rendre vraisemblables certains discours des protagonistes qui, sans eux, seraient contraints à d’interminables monologues, ou de les rendre compatibles avec les bienséances (notamment lorsque le confident assiste le protagoniste dans une scène d’amour). Les grands auteurs ont tenté de donner du caractère à ces personnages (Œnone, dans la Phèdre de Racine), de les inscrire dans l’échange ou de leur faire jouer un rôle, de conseiller par exemple (Paulin, dans Bérénice, qui devient substitut du chœur antique ; Narcisse dans Britannicus, qui est espion et traître).
confrérie. Au Moyen Age, les confréries sont des sociétés d’amateurs de poésie, liées à la bourgeoisie urbaine, en particulier dans le nord de la France (Confrérie des jongleurs et bourgeois d’Arras). Elles ont contribué à l’essor d’une poésie lyrique non aristocratique et du théâtre profane (Jeu de la feuillée d’Adam de la Halle à la fin du xiiie siècle) et religieux (Confrérie de la Passion, qui obtient en 1402 le monopole des représentations des mystères à Paris). Au début du XIVe siècle apparaissent des confréries d’étudiants en droit, les Bazoches, qui organisent des spectacles comiques et satiriques. Au XVe siècle, on voit se développer .des « confréries joyeuses » orientées vers les festivités à caractère carnavalesque (Connards à Rouen, Enfants sans Soucy à Paris), et dirigées par un « Prince des Sots ».
congés. Forme poétique inaugurée par Jean Bodel vers 1200, et reprise au XIIIe siècle par Baude Fastoul (1272), puis par Adam de la Halle (1276-1277). Tous trois sont arrageois. Les congés rapportent, sur le ton du lyrisme personnel, les adieux d’un poète qui est contraint de quitter définitivement sa ville natale (Jean Bodel et Baude Fastoul avaient contracté la lèpre). La strophe utilisée est la « strophe d’Hélinand ».
conjointure (n. f.). Terme d’ancien français utilisé par Chrétien de Troyes dans le prologue de son roman Erec et Ènide pour désigner l’organisation proprement littéraire d’une matière donnée : Et tret d’un conte d’avanture ! Une molt bele conjointure (v. 13-14 : « et tire d’un conte d’aventures une très belle composition»). A sa suite, et par référence au prologue du Chevalier de la charrette du même auteur, la critique a pris l’habitude de distinguer dans une œuvre médiévale la conjointure, la matière et le san (Charrette, v. 26), les deux derniers termes désignant respectivement le fond (légendaire réaliste) qui préexiste à l’œuvre, sa source, et la signification morale ou plus largement idéologique que le romancier ou son commanditaire a choisi d’y développer.
connotation. Ensemble de sèmes qui s’attachent aux mots ou aux morphèmes de manière seconde et plus ou moins stable, et qui concernent des jugements de valeur ou la subjectivité du locuteur, ou encore le registre dans lequel il se place. On peut distinguer deux ordres de connotations : — La connotation sociolinguistique relève d’une compétence par rapport à la langue en général. Exemple de français oral et populaire dans Voyage au bout de la nuit de Céline (1932) : Y a de tout ce qu’il faut à bord ! Tous en chœur ! Gueulez voir d’abord un bon coup et que ça tremble ! — La connotation individuelle et textuelle relève des affects et des associations qui s’attachent au mot selon un contexte et des emplois du terme par un individu (importance dans sa vie psychique) ou un auteur (emploi et valeurs particuliers à un auteur). On peut ainsi penser au mot azur dans la poésie de Mallarmé.
Connotation. En un premier sens, un langage de connotation tel qu’il a été défini par Hjemslev est un langage dont le signifiant (plan de l’expression) est constitué par l’association d’un signifié (plan du contenu) et d’un signifiant. Ainsi, l’expression se grouiller se définit-elle par son signifiant et son signifié (se hâter), et constitue-t-elle le signifiant d’un signifié second, langue argotique :
Un langage de connotation est donc un langage second, dont le plan de l’expression est déjà un langage. La métalangue constitue ainsi un langage de connotation. Les niveaux de langue peuvent être traités dans ce cadre. En un second sens, connotation s’oppose à dénotation, et se définit donc dans le cadre du signe. Si la dénotation désigne le renvoi du signe à son référent, la connotation renvoie à tout ce qui est second ou subjectif. On récupère dans cette acception plus large de la connotation des traits linguistiques comme ceux de populaire, familier, etc., donc des caractéristiques collectives, mais aussi des traits individuels. Chez A. Martinet comme chez G. Mounin, les connotations (le terme est employé au pluriel) sont issues de l’expérience de chacun et, à ce titre, font en particulier la richesse de l’expérience poétique : les connotations sont «tout ce que le terme peut évoquer, suggérer, exciter, impliquer de façon nette ou vague, chez chacun des usagers individuellement.[...] C’est dans ce dernier sens que le terme “connotation” peut rendre les plus grands services » en particulier, selon eux, dans l’analyse de la poésie.
connotation autonymique. On parle de connotation autonymique lorsqu’un mot est employé à la fois en référence et en autonymie ; outre qu’il désigne un référent du monde réel ou une notion, il renvoie aussi à lui-même en tant que mot. La connotation autonymique est généralement marquée par l’italique ou les guillemets, ou par une légère pause à l’oral. Elle permet au locuteur de mettre à distance le mot ou l’expression qu’il emploie, soit par ironie, soit pour marquer l’emprunt : Pour faire partie du « petit noyau », du « petit groupe », du « petit clan » des Verdurin, une condition était suffisante mais elle était nécessaire (M. Proust, Du côté de chez Swann, 1913). La connotation autonymique ne bloque pas la commutation synonymique (« Pour faire partie des amis des Verdurin, une condition... »), mais laisse le sentiment de perdre un signifié secondaire. Certains théoriciens de la littérature ont d’ailleurs remarqué que les textes littéraires ne pouvaient être paraphrasés sans cesser d’être littéraires ; la littérarité d’un texte serait donc à penser sur le mode de la connotation autonymique.
contamination 1. En édition de textes médiévaux, un manuscrit est dit « contaminé » lorsqu’il a subi l’influence de familles autres que la sienne. Les copistes, en effet, pouvaient recopier une œuvre en ayant sous les yeux plusieurs manuscrits, et en choisissant de les combiner pour établir leur propre texte.
contamination 2. Depuis les travaux de M. Bakhtine, on parle de contamination lorsque le niveau ou le registre de langue d’un texte tend à se rapprocher de celui du personnage dont il est question : dans la phrase L’hiver surtout les nettoyait, l’emploi d’un verbe populaire au lieu du verbe habituel « ruiner » provient d’une contamination de la prose du texte par la langue de Coupeau et Gervaise dont il est question dans le passage (Ê. Zola, L’Assommoir, 1877). Ces phénomènes concernent essentiellement le lexique.