conte conte bleu contexte contrafacture contre-rejet contrepèterie contrerime
conte. Au Moyen Age, ce terme désigne toute forme narrative, en vers ou en prose, quels que soient son étendue et son degré d’élaboration littéraire (sens étymologique : latin computare, « compter, énumérer », d’où « rapporter des événements successifs »). Le Conte du Graal est à nos yeux un roman ; Marie de France qualifie de contes ce que nous appelons ses lais. La formule Or dit li contes (« à présent le conte dit que ») est fréquemment employée dans les romans arthuriens en prose pour marquer les articulations importantes, mais il est difficile de savoir si le terme désigne alors l’œuvre elle-même ou sa source (qui peut être un conte oral). Après le Moyen Age, le terme de conte désigne une forme brève liée à la tradition orale et au plaisir de raconter sans trop de sérieux, et le genre connaît des tonalités différentes selon les époques. La facétie grivoise des fabliaux se retrouve à la Renaissance puis chez La Fontaine {Contes et nouvelles en vers, 1665-1671). Le merveilleux prend une importance particulière à la fin du XVIIe siècle, et jusqu’au milieu du siècle suivant, avec le succès des contes de fées (Charles Perrault, Mme d’Aulnoy). Au XVIIIe siècle, si le conte en vers devient plus rare, le conte en prose s’ouvre au fantastique et à l’exotique {Les Mille et Une Nuits sont traduites par Galland à partir de 1704) ; mais l’époque des Lumières est aussi celle du conte philosophique, à la fois créé et très brillamment pratiqué par Voltaire, et du conte libertin. Au XIXe siècle, il est plus difficile encore qu’auparavant de distinguer le conte de la nouvelle (voir par exemple les Contes de la bécasse de Maupassant, 1883), même si, de loin en loin, quelques écrivains continuent de privilégier un certain merveilleux attaché à l’enfance : pensons aux Contes du chat perché (1939) de Marcel Aymé.
conte bleu. Expression qui désigne dès le xvii' siècle les contes où une large part est faite au merveilleux, et particulièrement les contes de fées, parce qu’ils étaient à l’origine couverts de papier bleu. Cette « Bibliothèque bleue », qui perdura jusqu’au XIXe siècle, était une collection populaire vendue par colportage.
contexte. Terme technique qui désigne l’entourage d’un élément linguistique : c’est ce qui permet d’en comprendre Te sens, si le mot est susceptible d’en avoir plusieurs (polysémie) : par exemple, le mot « clé » est susceptible de sens différents selon que le contexte est musical (clé de fa, clé dé sol), mécanique (clé de douze) ou fictionnel (clé de l’énigme). Cela peut aussi désigner, en théorie de l’histoire littéraire, l’analyse des éléments extérieurs à la simple référence textuelle (intertextualité) : le contexte est alors le cadre dans lequel est écrite une œuvre, avec ses référents idéologiques, sociaux ou esthétiques. Cela peut jouer un rôle important par rapport à l’horizon d’attente du public (doxa, présupposés implicites), qui détermine l’écriture de l’œuvre. (E.B.)
contrafacture. Au Moyen Âge, cette forme d’imitation consiste en l’adaptation d’un texte nouveau à la forme mélodique et rythmique d’un autre texte, qui opère des séries de déplacements par rapport au texte source. C’est donc une forme de l’ironie et de la parodie. Des contra-factures assez nombreuses transposent en chansons à boire des séquences liturgiques en latin. On en rencontre également dans là poésie lyrique, du XIIe au XVe siècle, en particulier dans la lyrique pieuse : un accompagnement mélodique de chanson profane est souvent adapté à une célébration de la Vierge Marie.
contre-accent. Terme forgé par Henri Morier {Dictionnaire de poétique et de rhétorique) pour désigner un accent qui succède immédiatement à un autre, dans la syllabe qui suit. Exemple de Baudelaire dans un vers de « L’Idéal » où à un hémistiche 3/3 succède un hémistiche 1/5 : Ou bien toi, grande Nuit, // fille de Michel-Ange.
contre-assonance. Système d’homophonies finales inverse de l’assonance dans la mesure où la contre-assonance se fonde sur la répétition en finale de vers d’un phonème consonantique toujours le même, les voyelles pouvant varier. C’est ce que les troubadours appelaient rims consonans, et qui a été repris dans la sotie. On la retrouve dans la poésie depuis Rimbaud, mais depuis toujours aussi pour lier éventuellement une rime à une aune. Exemple du début d’un rondeau-épitaphe de Villon fondé sur une contre-assonance en [2], faisant alterner rime M en [il] et rime F en [1] :
contre-blason. Forme a contrario du blason, qui, au lieu de faire un éloge, décrit l’objet de façon critique. Voici le début du « Laid tétin » de Marot, qui fait pendant au « Beau tétin » :
Tétin qui n’as rien que la peau,
Tétin flac, tétin de drappeau,
Grand tétine, longue tétasse,
Tétin, dois-je dire besace ?
contre-rejet. Phénomène de discordance inverse du rejet, tel qu’un élément verbal bref, placé en fin d’hémis-riche juste avant la césure (contre-rejet interne) ou en fin de vers (contre-rejet externe), dépend syntaxiquement de l’hémistiche ou du vers qui suit. - Exemple de contre-rejet externe : J’espérais Qu’à ma mort, tout frémirait, du cèdre à l’hysope. (Laforgue) - Exemple de contre-rejet interne : O Beauté ? ton regard, // infernal et divin, Verse confusément le bienfait et le crime. (Baudelaire) On peut par analogie parler de contre-rejet strophique, de strophe à strophe.
contrepèterie. Permutation de phonèmes ou de syllabes d’un mot à l’autre. Double contrepèterie dans cette phrase de Rrose Sélavy de Desnos : L’acte des sexes est l’axe des sectes. contrerime. Nom donné par Paul-Jean Toulet à une structure strophique qui existait avant le recueil (posthume, 1921) auquel il a donné ce nom, et qui est fondée sur la discordance entre le système des rimes et celui des mètres. Les rimes sont embrassées et les mètres alternent dans le quatrain suivant :
C’est à voix basse qu’on enchante
Sous la cendre d’hiver
Ce cœur, pareil au feu couvert,
Qui se consume et chante.
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