danse macabre (ou Macabré) débat décadentisme décasyllabe déconstruction décor déduction/induction déictique, déixis
danse macabre (ou Macabré). À la fin du Moyen Âge et à la Renaissance (fin XIVe XVIe siècle), ensemble indissociable de textes et d’images visant à rappeler le caractère inéluctable de la mort et l’égalité de tous les états sociaux devant elle. L’iconographie propose une série de squelettes entraînant chacun dans une ronde un personnage qui représente un état social (pape, empereur, cardinal, chevalier, bourgeois, moine, musicien, paysan...). Un texte sommaire, présentant un bref dialogue entre le mort et le vivant, accompagnait ou était susceptible d’accompagner chaque image. On la rencontre sous la forme de fresques dans de nombreuses églises d’Europe, mais aussi, avec ou sans l’illustration, dans une vingtaine de manuscrits du XVe siècle ; la danse a même pu être proposée en spectacle théâtral au milieu de banquets et de festivités (Jeu de la. Danse Macabre). Apparues à la fin du XIVe siècle, ces danses ont perduré jusqu’au seuil du XVIIe siècle. L’étymologie est incertaine : « Macabré », forme originelle de l’expression, pourrait être une déformation de « Macchabées ».
débat. Au Moyen Âge, terme mal spécifié, qui sert à désigner aussi bien des poésies morales comme le Débat de l’âme et du corps (XIIe siècle), des poèmes portant sur des questions de casuistique amoureuse (Débat du clerc et du chevalier : auquel une femme doit-elle donner la préférence en amour ?), que des formes poétiques codifiées comme la tenson ou le jeu-parti.
décadentisme. Courant esthétique actif en France et en Europe dans les années 1880, apparu au confluent de facteurs historiques, philosophiques et littéraires. La hantise d’une décadence historique, pensée sur le modèle de la décadence de l’Empire romain, court à travers tout le XIXe siècle. La défaite de 1871, la Commune, les débuts difficiles de la IIIe République donnent une nouvelle actualité aux thèmes périodiquement repris de la décrépitude de la noblesse, de la corruption de la société ou de l’arrivée de nouveaux Barbares. En philosophie, une vague de pessimisme accompagne le déterminisme et le scientisme alors régnants. « La vérité est peut-être triste », répète Renan. Beaucoup d’esprits sont marqués par la pensée de Schopenhauer (1788-1860), tardivement découverte en France. Certains en viennent à présager, voire à souhaiter, une catastrophe finale. En littérature enfin, l’influence de Baudelaire devient dominante. Gautier, dans sa préface aux Fleurs du Mal, parle de son « style de décadence [...] dernier mot du Verbe sommé de tout exprimer et poussé à l’extrême outrance » ; en 1881, Paul Bourget élabore à partir de Baudelaire une « théorie de la décadence ».
Le décadentisme littéraire relève le défi de la prétendue décadence collective en y cherchant une source d’inspiration esthétique. Dans le sonnet « Langueur » que publie Le Chat noir en 1883, Verlaine s’identifie à « l’Empire à la fin de la décadence ». Il déclarera plus tard : « J’aime le mot de décadence tout miroitant de pourpre et d’or. J’en révoque, bien entendu, toute imputation injurieuse et toute idée de déchéance. Ce mot suppose au contraire des pensées raffinées d’extrême civilisation, une haute culture littéraire, une âme capable d’intenses voluptés. » Programme que remplit Des Esseintes, le héros du roman de J.-K. Huys-mans A rebours (1884). Année décisive : en même temps que ce « bréviaire de décadence » paraissent Le Crépuscule des dieux d’Élémir Bourges, Le Vice suprême de Joséphin Péladan, premier volume d’une longue « Éthopée » consacrée à La Décadence latine ; Verlaine réunit sous le titre Les Poètes maudits des études sur Corbière, Rimbaud, Mallarmé ; Maurice Barrés, qui se retournera plus tard contre la « décadence », fait des débuts remarqués avec sa revue Taches d’encre. Il faut ajouter l’œuvre de Jules Laforgue, interrompue par la mon en 1887 ; ses recueils, Les Complaintes (1885) et L’Imitation de Notre-Dame la Lune (1886), ainsi que les proses des Moralités légendaires (1887), fournissent l’exemple d’une écriture « décaden-tiste » savamment travaillée, multipliant les néologismes, les rimes intérieures, les mots-valises et les dissonances de tous ordres. L’écriture décadentiste fut parodiée dès 1885 {Les Déliquescences par Adoré Floupette, pseudonyme de Henri Beaucaire et Gabriel Vicaire). Il existe par ailleurs un « imaginaire décadent » aisément reconnaissable : prédominance des espaces clos, des crépuscules, des eaux mortes, évocations de Byzance, de Venise, paysages intériorisés, fuites dans le rêve, dans les perversions sexuelles, recherche systématique de l’artificiel. Cependant, le décadentisme ne constitua jamais une école, en dépit des efforts de l’obscur Anatole Baju, fondateur du journal Le Décadent (1886-1889). On ne peut plus, comme le public de l’époque et malgré de nombreuses connexions, confondre « décadents » et « symbolistes ». Le décadentisme finit par se fondre dans la sensibilité « fin de siècle », illustrée jusqu’aux alentours de 1900 par des écrivains comme Jean Lorrain (M. de Phocas, 1901), Rachilde (Les Hors-nature, 1897), voire Jarry (Messaline, 1901).
décasyllabe (n. m., du grec déka, « dix »). Mètre de dix syllabes. Il apparaît au milieu du XIe siècle, d’abord dans la poésie hagiographique et dans l’épopée. A partir du XIIIe siècle, il devient le grand vers lyrique, mais est concurrencé puis éclipsé par l’alexandrin au milieu du XVIe siècle. L’époque classique l’emploie plutôt en hétéro-métrie, et il ne retrouve la poésie lyrique qu’à partir du xixe siècle. Son rythme traditionnel le plus fréquent est 4/6, avec éventuellement une structure d’accompagnement en 6/4. L’autre structure traditionnelle est en 5/5, mais elle ne se mélangeait jamais avec la précédente, ce qui fait qu’il existe deux types de décasyllabes différents. Jules Laforgue utilise ces trois rythmes dans Les Complaintes (1885) : — 4/6 Vous qui passez, // oyez donc un pauvre être — 6/4 Puis frêle mise au monde ! // ô Toute Fine — 5/5 Jupes des quinze ans, // aurores de femmes mais ce qui montre qu’il s’écarte de la tradition, c’est qu’il les emploie ensemble, dans un même poème, alors que les 4/6 et les 5/5 appartiennent à des esthétiques tout à fait différentes du décasyllabe.
déconstruction. Théorie et méthodologie critiques inspirées des travaux du philosophe français Jacques Derrida (De la grammatologie, 1967) et particulièrement influentes aux États-Unis dans les années 1970 et 1980 (P. de Man, G. Hartman, J. Hillis Miller). Il s’agit de mettre en évidence les tensions, les contradictions qui traversent les textes et empêchent qu’ils parviennent à une signification pleine, sans équivoque, totalement assumée. Toutes les analyses littéraires qui prétendent mettre en évidence le sens d’un texte procèdent dès lors d’un simple coup de force : au nom d’un sujet qui garantirait la cohérence générale du propos, on fait fi du détail du texte qui risque de gêner la construction d’une interprétation qui ignore les failles. Le projet déconstructionniste se veut donc « éthique » parce qu’il reconnaît l’altérité du texte, son statut d’artefact strictement verbal avant que d’être un objet idéologique ou esthétique. La littérature est ici conçue comme un travail pour détourner les insuffisances du langage, dépasser son incapacité à rendre compte du réel ; mais c’est un travail sisyphéen, forcément condamné à l’échec : la signification pleine n’est jamais atteinte et les textes ne parviennent jamais à dépasser leurs contradictions.
décor. Ensemble des éléments matériels qui figurent le lieu où est censée se passer l’action théâtrale. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, on parle de décoration. Au XIXe siècle, on entend par décor tantôt l’ensemble des éléments matériels, y compris les accessoires et éléments mobiles, tantôt simplement les éléments fixes, toile de fond, coulisses, praticables, fermes. L’émergence du mot décor est liée à 'intégration (progressive au cours du XVIIIe siècle) dans a fiction dramatique de ce qu’on nommait auparavant décoration. Le décor traditionnel est lié au système scénographique de ce qu’on a appelé théâtre à l’italienne. Dans les systèmes scénographiques du XXe siècle, il s’est adapté aux différents types de scénographie (élément symbolique sur un plateau nu, constitution d’images non figuratives, utilisation de la vidéo, de l’hologramme, de la projection).
déduction/induction. Ce sont les deux grands modes de raisonnement reconnus par la pensée occidentale. L’induction propose une généralisation à partir d’un cas particulier pertinent (« Pierre est mort apaisé, Jean désespéré ; tu vois que face à la mort l’argent est moins fort que 1 amour ») ou propose d’appliquer à un cas particulier une proposition valide pour un autre cas (« Jean est un imbécile ; son frère doit l’être aussi »). La déduction procède inversement : elle applique à un cas particulier ce qui est reconnu vrai en général (« Tous les hommes sont des goujats ; pourquoi voudrais-tu que Pierre fut différent ? »).
déictique, déixis. Un pronom, un adverbe, un déterminant... est dit déictique (ou exophorique) quand son référent ne peut être trouvé qu’en prenant en considération la situation d’énonciation, c’est-à-dire les circonstances de production de l’énoncé (qui s’exprime ? pour qui ? quand ? où ?). Dans un énoncé comme : « Il y a deux siècles, Chateaubriand a rédigé Atala sur cette table », les compléments « il y a deux siècles » et « sur cette table » ne peuvent s’interpréter que si l’on sait à quel moment et dans quel lieu ces mots ont été prononcés. La déixis est donc ce mode de référenciation particulier qui exige la prise en compte de la situation de production d’un énoncé. Dans un énoncé narratif, les déictiques prennent généralement pour repère le lieu et le moment de l’énonciation : Il y a quelques mois qu’une femme mariée de ce pays... (Stendhal, Rome, Naples et Florence), ou bien - pour créer un effet de style indirect libre ou de point de vue - la situation spatio-temporelle du personnage : Il avait beau parler maintenant avec beaucoup de calme, la fille n’était pas dupe (G. Bernanos, Nouvelle Histoire de Mouchette). On appelle plus spécifiquement embrayeurs (voir ce terme) les pronoms personnels déictiques.
Débat. Genre poétique médiéval, dans lequel les poètes courtois argumentent sur des problèmes de nature diverse, sur un mode sérieux ou plaisant. Le débat apparaît comme un prolongement de la disputatio, exercice très en faveur dans l’enseignement médiéval. Le genre prend la forme d’un dialogue entre deux interlocuteurs réels ou fictifs qui ont droit généralement au même nombre de couplets. Tantôt, dans la tenson, la discussion se développe librement, tantôt, dans le partimen ou jeu-parti, sous forme de dilemme. Le dialogue est utilisé comme un cadre de fiction commode pour animer un exposé didactique. La discussion peut être d’ordre religieux, comme dans le Débat de l'âme et du corps, poème qui fait partie de la Vision de Saint Philibert (XIIe siècle). Le plus souvent, elle traite d’un problème de casuistique amoureuse, comme dans les Débats d’Alain Chartier (XVe siècle).
Liens utiles
- Charles BAUDELAIRE (1821-1867) (Recueil : Les fleurs du mal) - Danse macabre
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- François VILLON (1431-x) (Recueil : Poésies diverses) - Le débat du cœur et du corps de Villon
- Pierre de CROIX (1539-1614) (Recueil : Le Miroir de l'Amour divin) - Des astres tournoyans la danse coustumiere
- Théodore de BANVILLE (1823-1891) (Recueil : Les stalactites) - Décor