dialogue dialogue dramatique diction didascalie diégèse diérèse digression
dialogue. Type de texte qui présente les prises de parole successives de deux ou plusieurs locuteurs. Il s’agit donc d’une notion transgénérique. Le dialogue peut apparaître comme une composante parmi d’autres d’une œuvre narrative ou poétique, ou bien de façon autonome : c’est le cas dans la plupart des pièces de théâtre, c’est aussi le cas du genre précisément appelé « dialogue » qui n’est destiné qu’à la lecture et a connu son apogée en France aux XVIIe et XVIIIe siècles: « ouvrage qui est ordinairement en prose, et quelquefois en vers, où des personnes s’entretiennent avec esprit sur un sujet grave ou plaisant » (Richelet, 1680) ; « entretien de deux ou plusieurs personnes, soit de vive voix soit par écrit » (Furetière, 1690). Le genre du dialogue se distingue parfois de la conversation et de l’entretien, définis ainsi par d’Alembert dans l’Encyclopédie : « Ces deux mots désignent en général un discours mutuel entre deux ou plusieurs personnes ; avec cette différence que conversation se dit en général de quelque discours mutuel que ce puisse être, au lieu qu’ entretien se dit d’un discours mutuel qui roule sur quelque objet déterminé. [...] on se sert aussi du mot d'entretien quand le discours roule sur une matière importante [...]. Entretien se dit pour l’ordinaire des conversations imprimées, à moins que le sujet de la conversation ne soit pas sérieux. » A ces termes on doit ajouter celui de conférence (« La conférence est un entretien entre des personnes assemblées pour traiter de quelques affaires générales », écrit Condillac dans son Dictionnaire des synonymes). Le dialogue d’idées, dont la tradition remonte à la Grèce (Platon) et qui triomphe en France (Bouhours, Fontenelle, Diderot) comme en Angleterre (Berkeley) aux XVIIe et XVIIIe siècles, est une forme idéale pour la rencontre de la littérature et de la philosophie. Au cours du XXe siècle, de nombreux dialogues d’idées ont été portés à la scène : le dialogue, depuis des siècles, est en effet un élément pivot du théâtre, ce qui en fait un critère quasi suffisant de théâtralité. C’est Eschyle qui, le premier aux dires d’Aristote, diminuant l’importance du chœur et portant le nombre d’acteurs de un à deux, donna une importance centrale au dialogue dans la tragédie. Au XXe siècle, la fréquence des textes scéniques qui ne prévoient qu’un personnage conduit parfois à une remise en cause du dialogue comme fondement du fait théâtral.
Les textes romanesques présentent aussi fréquemment des dialogues entre personnages. Depuis le XVIIIe siècle, ces échanges sont le plus souvent proposés au discours direct ; mais il s’agit là d’une pure convention liée à l’avènement progressif d’une esthétique de type réaliste : La Princesse de Clèves (1678) contenait par exemple plusieurs dialogues au discours indirect. A la suite de Sylvie Durrer, on a proposé — et particulièrement pour les occurrences romanesques — une nouvelle typologie des dialogues, qui prenne pour base le statut dès locuteurs dans l’échange et les modes d’enchaînement des répliques. On distinguera ainsi : le dialogue didactique (les intervenants ne sont pas égaux face à l’objet en débat ; les rôles tendent à se spécialiser, avec un enchaînement question/réponse, comme dans l’interrogatoire policier ou l’interview de type journalistique), le dialogue polémique (chacun des locuteurs prétend connaître l’objet en débat ; les répliques s’enchaînent sur le mode assertion/contre-assertion, comme dans les scènes de dispute), le dialogue dialectique (les locuteurs n’ont pas d’idée établie sur l’objet en débat ; les répliques s’enchaînent sur le mode proposition/évaluation, comme dans les échanges qui doivent aboutir à une prise de décision).
dialogue dramatique. À la fin du XVe siècle et au xvie siècle, œuvre dramatique à deux personnages, de tonalité comique. Lé dialogue a été reconnu comme genre par Gratien du Pont dans son Art et science de rhétorique métrifiée (1539). Ce genre présente des types en action. Il procède de la décadence du monologue dramatique et marque la prééminence du jeu verbal sur l’action, il utilise ce que la critique a appelé le « staccato-style » : recherche d’une fragmentation maximale, des répliqués (un vers octosyllabique peut s’étendre sur quatre, voire sept ou huit répliques, chaque personnage prononçant par exemple un verbe ou un adjectif qui surenchérit sur e précédent). Le dialogue propose une observation réa-iste de la vie et cherche à débusquer, derrière les apparences, l’esprit véritable des êtres qu’il représente sur scène. On peut citer le Dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevent, chef-d’œuvre de la fin du XVe siècle, ou le Dialogue de Monsieur de Deçà et de Monsieur de Delà de Roger de Collerye, au XVIe siècle.
diction. Ce terme désigne, à l’époque classique, le choix des mots dans le style de la tragédie. Souvent, on l’entend comme un synonyme de style. « On est d’accord sur les qualités générales communes à toute sorte de diction, en quelque genre d’ouvrages que ce soit. 1. Elle doit être claire, parce que le premier but de la parole étant de rendre les idées, on doit parler non seulement pour se faire entendre, mais encore de manière qu’on ne puisse point ne pas être entendu. 2. Elle doit être pure, c’est-à-dire ne consister qu’en termes qui soient en usage et corrects, placés dans leur ordre naturel ; également dégagée et de termes nouveaux, à moins que là nécessité ne l'exige, et de mots vieillis ou tombés en discrédit. 3. Elle doit être élégante, qualité qui consiste principalement dans le choix, l’arrangement et l’harmonie des mots, ce qui produit aussi la variété. 4. Il faut qu’elle soit convenable, c’est-à-dire assortie au sujet que l’on traite » (Encyclopédie). Il a aujourd’hui un sens tout à fait différent : la diction au théâtre désigne le travail de l’acteur sur la prononciation de la langue : insistance sur des voyelles ou des consonnes, clarté de la prononciation, mise en évidence du rythme, de la rime, du nombre, etc. ; « la diction de l’alexandrin ».
didascalie (du grec didaskalia, « instructions pour les acteurs »). Désigne tout ce qui, dans le texte de théâtre, ne relève pas du discours des personnages mais de celui du scripteur. Dans le dialogue, le nom du personnage qui parle, en tête d’une réplique, est une didascalie. La liste des personnages, les indications décrivant le lieu de la scène, le geste du personnage, l’intonation ou l’expression constituent des didascalies. Les didascalies fixent donc partiellement les conditions de l’énonciation du ' dialogue. A l’époque classique, les didascalies sont rares. Des indications contenues dans le dialogue remplissent leur fonction si bien que l’on a pu parler (terme à éviter) de « didascalies internes » (Je voudrais bien vous demander qui a fait ces arbres là, ces rochers, cette terre, et ce ciel que voilà là-haut, Sganarelle dans Dom Juan, III, 2). Les didascalies se multiplient dans le texte de théâtre dès la seconde moitié du xviiie siècle. Elles indiquent les intentions de l’auteur quant à la mise en scène et marquent son intervention dans la représentation virtuelle de la pièce. Elles participent aussi du récit ou de la fable : certaines scènes muettes ne sont composées que d’une longue didascalie (voir le finale de La Reine morte de Montherlant ou Acte sans paroles de Beckett).
diégèse (du grec diègèsis, « narration »). On appelle dié-gèse l’ensemble des données narratives présentées dans un récit. Plus schématiquement encore, on peut dire que la diégèse est l’« histoire » que propose le récit. La diégèse doit donc être considérée indépendamment du texte narratif proprement dit : il arrive par exemple fréquemment qu’un épisode de la diégèse soit omis dans le récit. Par extension, on appelle parfois diégèse l’ensemble du matériel fictif (personnage, lieux, circonstances...) mis en scène dans un roman ou une nouvelle.
diérèse (n. f., du grec diairesis, « division »). Fait de prononcer et de compter prosodiquement en deux syllabes une suite de deux voyelles dont la première est i, u ou ou. La règle traditionnelle impose la diérèse quand les deux voyelles étaient déjà présentes dans l’étymologie du mot. Trois cas peuvent ainsi se présenter : - Les voyelles étaient déjà en contact : on prononce pensi-on puisque le mot est issu de pensionem. - Les voyelles étaient à l’origine séparées par une consonne qui s’est amuïe : on dit mari-er puisque marier vient de maritare. Exceptions déjà à l’époque classique : bruit (de brugit ou de brugitum) et fuir (de fugere) devraient suivre cette même règle ; or ils sont toujours en synérèse. - Cas d’une rencontre ancienne de voyelles, par adjonction d’un suffixe à voyelle initiale, à une base à finale vocalique : miette est en diérèse (mi-ette) parce que miette vient de mie (issu de mica) auquel s’adjoint le suffixe diminutif -ette. Dans la poésie depuis 1870 environ, et surtout dans la poésie moderne, l’usage est beaucoup plus flottant, jouant entre usage courant et tradition, prenant celle-ci parfois à rebours.
digression. Développement parenthétique sans rapport direct avec le sujet général a un texte ; on parle aussi parfois d’excursus. Les digressions peuvent être d’une phrase ou de plusieurs pages. Les romans de Jules Verne, par exemple, multiplient les digressions scientifiques et techniques, qui viennent localement interrompre le fil de la narration.