discours/récit discours direct (ou style direct) discours direct libre (ou style direct libre) discours indirect (ou style indirect) discours indirect libre (ou style indirect libre) discours intérieur
discours/récit. On oppose, depuis É. Benveniste, les énoncés écrits ou oraux contenant des embrayeurs et autres expressions déictiques (je, demain, ici...) ou subjectives (exclamation, évaluation...), et les énoncés, généralement écrits, qui ne contiennent aucun renvoi à la situation d’énonciation. Benveniste considérait que cette opposition recoupait en français celle du passé simple (qui présente l’événement indépendamment de ses répercussions sur le présent) et du passé composé (qui situe l’événement dans l’orbite du moment de parole). On dit que les énoncés du premier type relèvent du discours {Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas, A.. Camus, L’Étranger) ; les seconds du récit (Il arriva à Verrières un dimanche matin, Stendhal, Le Rouge et le Noir). Ces termes sont parfois contestés, parce qu’ils semblent recouvrir indûment une opposition entre énoncés non narratifs et énoncés narratifs. Aussi préfère-t-on désormais parler d’énoncés embrayés (discours)'et d’énoncés non embrayés (récit).
discours direct (ou style direct). Forme courante du discours rapporté. La citation est clairement démarquée du discours citant par un verbe introducteur, des guillemets, des italiques... ; l’énoncé cité est présenté tel qu’il a été dit, écrit ou pensé (il est du moins donné pour tel) ; les embrayeurs et les expressions déictiques (voir ces mots) sont conservés sans modification. Le discours direct affiche une grande fidélité à la citation de départ, soit pour la mettre en valeur, soit pour la mettre à distance et s’en démarquer. Contrairement au discours indirect qui réduit l’énoncé cité à son contenu sémantique, son signifié, le discours direct tend à insister sur sa forme originale, son signifiant : Et je lui dis : Tais-toi ! Respect au noir mystère... (V. Hugo, Les Contemplations).
discours direct libre (ou style direct libre). Forme de discours rapporté. Comme dans le discours direct, l’énoncé cité est présenté tel qu’il est supposé avoir été dit, écrit ou pensé, sans alignement des repères déictiques sur le discours citant. Mais la citation ne fait l’objet d’aucun marquage (ni guillemets, ni verbe introducteur, ni incise). Comme pour un énoncé de discours indirect libre, le repérage d’un énoncé de discours direct libre exige donc une interprétation du passage par le lecteur : L‘inspectrice dévisse son stylo, ouvre son calepin... Allons, dépêchons-nous, résumons. Est-il vrai que vous ayez mordu cette pauvre enfant ? (N. Sarraute, Vous les entendez ?)
discours indirect (ou style indirect). Forme de discours rapporté. L’énoncé cité est .réduit à son contenu sémantique présenté dans le cadre d’une proposition subordonnée ou d’une construction infinitive : J’avais entendu dire que George Sand était le type du romancier (M. Proust, Du côté de chez Swann). Cela implique généralement une série de transformations morphosyntaxiques : transpositions des personnes de premier et second rang, des déictiques spatiaux et temporels, des modalités de la phrase, etc. (« Il me demanda : “Viendras-tu demain ?” » « Il me demanda si je viendrais le lendemain »). La citation au discours indirect peut néanmoins ne pas totalement négliger le signifiant de l’énoncé cité et lui faire une place sous la forme d’un « îlot » : En disant aux Verdurin que Swann était très « smart »... (ibid.).
discours indirect libre (ou style indirect libre). Forme de discours rapporté qui combine une transposition indirecte de l’énoncé (même si se maintiennent bien souvent de nombreuses marques énonciatives de la citation originelle) et une insertion libre dans le discours citant, c’est-à-dire sans recours à une construction subordonnée (mais avec, occasionnellement, une incise). Bien qu’attesté dès le Moyen Âge, le discours indirect libre n’entre vraiment en littérature qu’avec La Fontaine et La Bruyère, et connaît sa consécration dans le roman réaliste du XIXe siècle. Particulièrement plastique, le discours indirect libre permet à Flaubert de lisser le passage du récit au discours ou à la pensée du personnage : Léon, à pas. sérieux, marchait auprès des murs. Jamais la vie rie lui avait paru si bonne. Elle allait venir tout à l’heure, charmante, agitée... {Madame Bovary ; la troisième phrase est assurément du discours indirect libre, mais la deuxième est largement indécidable). Quant à Zola - inversement -, le discours indirect libre lui permet de créer de forts contrastes langagiers dans les limites d’un même passage : On croquait ça sans pain, comme un dessert. Lui en aurait bouffé toute la nuit... (L’Assommoir).
discours intérieur. Production langagière entièrement mentale, le discours intérieur est parfois désigné par le terme technique d’endophasie. C’est le troisième mode de réalisation de la langue en discours, avec l’écrit et l’oral. Il s’agit donc d’une situation d’énonciation particulière, où locuteur et allocutaire se confondent. Dans un texte narratif, la citation des pensées d’un personnage peut prendre n’importe quelle forme de discours rapporté (direct, indirect, libre ou non) et ne s’écarter en rien de la norme orale, voire écrite : Il faut renoncer à tout cela, se dit-il, plutôt que de se laisser réduire à manger avec les domestiques (Stendhal, Le Rouge et le Noir). Mais, depuis la fin du XIXe siècle et le travail stylistique sur le monologue intérieur, ce discours de soi à soi est souvent représenté dans la littérature sous forme de séries de propositions caractérisées par des ellipses syntaxiques (phrases averbales, chute de l’article...), des constructions rompues (anacoluthes), des tournures inacceptables à l’écrit et à l'oral (mots-valises...) : Est-ce que je suis pauvre ? Mon pas pesant. Mon sang. Ma tête. Les jonquilles. Les violettes. Je resterai le plus fort (E. Berl, « Saturne », 1927).
discours narrativisé (ou raconté). Cas limite du discours rapporté, le discours narrativisé ne procède pas par citation d’un énoncé, mais considère la production langagière orale, écrite ou pensée comme un événement pareil à un autre : « Il me salua et sortit ». Le discours narrativisé n’indique que le statut de l’énoncé (il me remercia, il me donna de nombreux conseils, ils interrogèrent le suspect), avec une éventuelle mention allusive de son contenu (Pierre raconta alors sa vie à Paul ; Jeanne lui indiqua le chemin) : La femme du Lion mourut : / Aussitôt chacun accourut / Pour s’acquitter envers le Prince ! De certains compliments de consolation (La Fontaine, Fables}. discours rapporté. Il y a discours rapporté dès lors qu’il y a citation de la parole d’autrui. Le discours rapporté peut prendre quatre formes : direct (« Paul m’a fait signe et il a crié : “je viendrai demain” »), direct libre (« Paul m’a fait signe. Je viens demain ! »), indirect (« Paul m’a fait signe et a crié qu’il viendrait le lendemain »), indirect libre (« Paul m’a fait signe. Il viendrait le lendemain »). L’opposition direct/indirect correspond à une opposition maintien/transformation des éléments déictiques du discours cité (je, demain [] il, le lendemain) ; les formes sont dites libres si la citation n’est indiquée par aucun marquage (deux points, guillemets, verbe introducteur, incise...). Le discours narrativisé et la modalisation en discours second (voir ces termes) sont considérés comme des formes frontières du discours rapporté. Attention : on emploie parfois en narratologie l’expression discours rapporté comme une sorte de synonyme de discours direct.
discours second. Il y a discours second ou modalisation en discours second lorsque le locuteur signale que l’information qu’il apporte n’est pas de première main mais lui est parvenue par une source tierce : Si l’on en croyait les récits des charretiers qui s'y attardaient, la lande de Lessay était le théâtre des plus singulières apparitions (J. Barbey d’Aurevilly, L’Ensorcelée, 1854). La modalisation en discours second peut être marquée par divers procédés syntaxiques ou lexicaux (complément prépositionnel, proposition subordonnée, conditionnel, tournure impersonnelle...) : « Selon Paul, Pierre va décrocher le Concourt », « Si l’on en croit la rumeur, Pierre va décrocher le Concourt », « Pierre serait sur le point de décrocher le Concourt », « Il paraît que Pierre va décrocher le Concourt »...
discours transposé. Catégorie sous laquelle on regroupe parfois, en narratologie, le discours indirect et le discours indirect libre.
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