églogue ekphrasis élégie élision ellipse éloquence emblème embrayeur emphase emploi énallage enchaînement (ou reprise)
églogue (n. f., du grec ek-, « de », et légein, « choisir »). Genre à l’antique cité dès le XIVe siècle, mais remis en honneur à la Renaissance. C’est le nom donné à des poèmes à thème pastoral et à tonalité lyrique, souvent ornés de dialogues. Tel est le cas de l’« Eglogue au Roi sous les noms de Pan et Robin » de Clément Marot, qui compte 260 vers, et dont voici le début :
Un pastoureau, qui Robin s’appelait, Tout à part soi naguère s’en allait Parmi fousteaux (arbres qui font ombrage), Et là tout seul faisait, de grand courage, Haut retentir les bois et l’air serein, Chantant ainsi : « 0 Pan, dieu souverain, Qui de garder ne fis onc paresseux Parcs et brebis et les maîtres d’iceux, [...]
Églogue. Terme qui, à l’origine, signifie morceau choisi, puis désigne, avec la bucolique et l’idylle, une forme de la poésie pastorale, genre qui met en scène des bergers dans un paysage idéal situé par Théocrite, poète alexandrin initiateur du genre, en Sicile, puis à partir de Virgile, en Arcadie. Le terme est surtout employé à la Renaissance, comme synonyme du substantif bucolique : les Bucoliques de Virgile se composent de 10 églogues. Ces bergeries ont parfois été interprétées de manière allégorique, et on rencontre également au Moyen Age des églogues religieuses.
ekphrasis (n. f. sing., plur. ekphraseis). Terme emprunté au grec, qui désigne un exercice rhétorique consistant dans la description détaillée d’un objet, et particulièrement d’un objet d’art. Les principales qualités de l'ek-phrasis, selon les théoriciens antiques, sont la clarté et l’évidence, car il s’agit de mettre sous les yeux l’objet décrit. L’ekphrasis est donc le lieu où le langage rivalise avec les autres arts, et elle convient particulièrement au genre démonstratif, puisqu’elle a recours à l’ornement, et à l’abondance des figures. A l’époque baroque, elle est souvent pratiquée pour elle-même, dans les longues digressions artistiques des romans héroïques (descriptions d’architecture, de peintures, etc.), héritées elles-mêmes du roman grec remis à la mode par Amyot au XVIe siècle. élégie (n. f., du grec elegos, « plainte »). Genre codifié selon des règles précises dans l’Antiquité gréco-latine, mais qui n’est pas une forme fixe au moment où il est remis à l’honneur en France, au début du XVIe siècle. L’élégie est un poème lyrique à tonalité triste et mélancolique, avec souvent pour thème le malheur en amour. C’est le cas de la première Élégie de Clément Marot, dont voici quelques vers : Pour ton amour j’ai souffert tant d’ennuis, Par tant de jours et tant de longues nuits, Qu’il est avis, à l’espoir qui me tient, Que désespoir le cours du ciel retient, À cette fin que le jour ne s’approche
De l’attendue et désirée approche.
élision (n. f., du latin elidere, « expulser, supprimer »). Fait de ne pas prononcer une voyelle en finale absolue de mot quand le suivant commence par une voyelle ou un h non aspiré. Cette élision peut être marquée dans la graphie par une apostrophe (« l’héroïne, l’âme, l’ennui, s’il vient... »), mais ce n’est pas toujours le cas, même s’il y a élision phonique (« elle a un chapeau »). En prosodie, tout e intérieur de vers en finale absolue de mot devant initiale vocalique du mot suivant est élidé : Ce toit tranquill(e), où marchent des colombes (Valéry, « Le Cimetière marin »).
ellipse (n. f., du grec en, « dans », et leipein, « laisser là, négliger », d’où elleipsis, « manque, omission d’un mot »). Figure de construction qui consiste à supprimer des mots qui seraient nécessaires à une construction complète, mais dont l’absence n’empêche pas la compréhension. Exemple de Laforgue : Si ses labours sont fiers, que ses blés décevants ! L’exemple canonique de l’ellipse est dans Andromaque (IV, 5) où Hermione dit à Pyrrhus : Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je fait, fidèle ? élocution (ou elocutio). C’est la troisième partie de la rhétorique : après l'inventio (choix des arguments) et la dispositio (plan d’ensemble du développement), l'elocutio concerne en effet le choix du style approprié et surtout la mise en œuvre des figures. C’est le travail stylistique à proprement parler, qui vise à plaire et à émouvoir par le choix et l'ordre des mots, et par l’ensemble des figures : dans l’histoire de la rhétorique, la promotion de l’élocution face aux autres parties a conduit à ce qu’on appelle parfois la « rhétorique restreinte », qui ne s’occupe plus que des figures (Dumarsais, Fontanier).
éloquence. L’éloquence est la fin même de la rhétorique : on dit d’un orateur qu’il est éloquent lorsqu’il atteint son but (instruire, plaire, émouvoir). Le terme désigne donc à la fois l’art rhétorique lui-même, et surtout son efficacité. On a parlé d’un « âge de l’éloquence » (M. Fumaroli) pour désigner la littérature européenne au seuil du classicisme français : cela renvoie justement à une époque où la confiance dans la parole et dans ses effets était le modèle de la littérature, et où la rhétorique fournissait les cadres de la création littéraire, de l’invention (sources antiques, Bible, Fable ou Histoire) à l’action (l’éloquence était le modèle de jeu théâtral, de ï’actio dramatique). L’éloquence est donc distincte de l’ensemble des règles de l’ars rhetorica (la simple technique), au point qu’on a pu dire, comme Pascal, que « la vraie éloquence se moque de l’éloquence » (Pensées).
emblème. Figure symbolique accompagnée d’une brève formule d’intitulé et d’une épigramme, le tout ayant valeur didactique et moralisante. Pour que l’on puisse parler d’emblème, la présence de ces trois éléments est nécessaire. On explique aussi, à la Renaissance, que la figure est appelée « corps », et que les deux autres éléments forment l’« âme » de l’emblème. Le premier recueil d’Emblèmes est celui d’Alciat (Emblemata, Augsbourg, 1531), qui cependant, dans sa première édition, est dépourvu d’images. La vogue de ce genre de recueils à la Renaissance s’explique par deux raisons. D’abord, l’intérêt porté à toutes les formes de langage symbolique, au premier rang desquelles il faut placer les hiéroglyphes (qui ne sont pourtant pas encore déchiffrés). Ensuite, par les relations complexes unissant les trois éléments de 1 emblème. Elles rendent difficile l’interprétation, mais favorisent aussi la polysémie, ce dont profite la poésie. On peut s’en rendre compte avec la Délie de Maurice Scève (1544), où chaque neuvaine de dizains est suivie d’un emblème.
embrayeur (embrayé/nôn embrayé). On appelle em-brayeurs les pronoms de première et deuxième personnes (je/tu, nouslvous; on comme substitut de nous et vous), les possessifs de même rang, parce que leur référent change dès lors qu’un nouveau locuteur prend la parole. Benveniste a proposé d’appeler « personnes » ces pronoms qui désignent des locuteurs susceptibles d’intervenir dans l’échange (et « non-personnes », il(s) et elle(s) qui renvoient aux êtres animés et aux objets dont on parle). Les embrayeurs fonctionnent donc bien Sur un mode déictique (voir ce mot). Avec sa métaphore mécanique, le mot « embrayeur » calque le terme anglais shifier, employé par le linguiste R. Jakobson pour désigner les éléments linguistiques qui embrayent l’énoncé sur la situation d’énonciation, qui les articulent. Un énoncé est dit embrayé s’il contient des embrayeurs (Longtemps je me suis couché de bonne heure, Proust ; La bêtise n’est pas mon fort, Valéry), non embrayé s’il n’en contient pas (C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar, Flaubert). Les écrivains, notamment les moralistes, peuvent néanmoins jouer sur l’hésitation entre la valeur déictique et la valeur générique de certains pronoms : Vous êtes homme de bien, vous ne cherchez ni à plaire ni à déplaire aux favoris [...] : vous êtes perdu (La Bruyère, Les Caractères).
emphase (n. f., du grec emphasis, « apparence »). Ce mot désigne plutôt à l’origine une figure de l’insinuation et de l’allusion qui exprime de manière indirecte la proposition énoncée ; par extension, le terme désigne une formule énergique qui « laisse plus à penser quelle n’exprime» (Richelet, 1680), d’où l’association avec l’énergie, qui suppose une action effective du discours, soulignée par l'exagération marquée du ton ou du geste. L’emphase appartient par excellence au genre épidictique. emploi. Catégorie de rôles au théâtre qui présentent un caractère particulier et ne peuvent convenir qu’à des acteurs répondant à des exigences précises, d’âge, de physique, de tempérament. Ainsi les emplois de père noble, d’amoureuse ou de soubrette. A l’époque classique, les troupes sont composées d’acteurs qui répondent aux principaux emplois du répertoire. Certains de ces emplois correspondent à des types sociaux (le valet, la reine dans la tragédie), d’autres à un caractère (l’ingénue, le traître du mélodrame), d’autres ont une désignation métonymique (les rôles à manteau, les rôles à baguette). Dans la comédie italienne, la notion d’emploi se superpose à peu près avec celle de types fixes (tipi fissi), c’est-à-dire des catégories de personnages. La codification rigoureuse des emplois à la Comédie-Française a longtemps été la règle, ce qui pouvait conduire à l’enfermement d’un comédien dans un seul type de rôles pour toute sa vie. La pratique du théâtre d’aujourd’hui ignore largement ces codifications et le mot est vieilli.
énallage (n. f., du grec enallagè, » changement », composé de en, « en », et allos, « autre »). Figure de construction fondée sur la substitution de morphèmes de personne, de temps, de mode, de nombre ou de genre. Exemple : je parlons dans le vers énoncé par Martine dans Les Femmes savantes de Molière (II, 6), Et je parlons tout droit comme on parle cheux nous. Autre exemple : Ecouté-je moi bien !, où Desnos mêle forme interrogative et ton jussif. enchaînement (ou reprise). Dans les chansons de geste médiévales, l’enchaînement consiste en la reprise, au début d’une nouvelle laisse, de tout ou partie du ou des derniers vers de la laisse précédente. Il existe des formes complexes. L’enchaînement est dit bifurqué lorsque le ou les vers repris figurent dans le corps de la laisse précédente, et sont suivis d’un élément narratif nouveau lors de la reprise : deux futurs semblent ainsi découler d’un même passé, et la perception de la logique temporelle est alors perturbée. L’enchaînement peut également consister en un parallélisme des premiers vers des deux laisses. Lorsque la reprise couvre la totalité ou la quasi-totalité des deux laisses, on parle de laisses similaires. Exemple d’enchaînement (les termes sur lesquels se fait l’enchaînement sont soulignés), extrait d’Aliscans (fin XIIe siècle), fin de la laisse XXII et début de la laisse XXIII :
Parmi les morz est cele part tomez, Devant l’enfant est li quens [le comte] arestez ; Ne pot mot dire tant par fit adolez [plongé dans la douleur]. Li quens Guillelmes ot moût le cuer dolant; Mout fu iriez [irrité] et plains de maltallant [hors de lui].
On voit que le dernier vers cité développe le thème de l’enchaînement.
encomiastique (adj., du grec enkômion, «éloge»). Désigne tout discours, en vers ou en prose, qui fait l'éloge d’un être, d’une chose ou d’un événement : ce terme sert à qualifier le plus souvent la poésie officielle (poésie encomiastique) qui célèbre les grands faits d’un règne (Ode sur la Prise de Namur de Boileau, par exemple), d’un homme ou d’un dieu. Cette poésie, dont les genres favoris sont l’ode ou l’hymne, appartient de ce fait au genre démonstratif (ou épidictique), dont elle partage les principaux traits stylistiques et thématiques.
encyclopédies médiévales. Les encyclopédies médiévales ont pour ambition d’exposer, en latin ou en langue vulgaire, l’ensemble d’un savoir qui est, pour l’essentiel, transmis de l’Antiquité par Isidore de Séville (vif siècle), dont les Etymologiae constituent le modèle. Elles abordent des questions de théologie (en particulier sur les origines du monde et de l’homme), de cosmographie, de géographie, de sciences naturelles, de grammaire et de rhétorique, ainsi que des éléments d’histoire universelle. Cependant, chacune s’enrichit des lectures propres de son auteur (Image du monde de Gossouin de Metz, qui traduit et amplifie l'Imago mundi d’Honorius Augustodunensis, Livre du Trésor de Brunetto Latini, Spéculum triplex de Vincent de Beauvais, tous du XIIIe siècle).
énergie (du grec energeia, « vivacité dans le discours »). Désigne à l’origine une qualité du style : celle qui donne l’impression que l’action se fait réellement sous les yeux de l’auditeur. Elle est donc une des qualités de la description (ekphrasis, hypotypose), et son principal effet est d’émouvoir (movere, troisième but de la rhétorique).
Liens utiles
- Molière écrit dans la préface du Tartuffe que « l’emploi de la comédie est de corriger les vices des hommes ».
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