enfances enjambement enluminure ennéasyllabe énoncé/énonciation ensenhamen enthousiasme enthymème entrelacement envoi
enfances. Dans la poésie épique médiévale, ce terme désigne le récit des exploits accomplis par le héros avant son adoubement, et qui précèdent donc ceux de sa chevalerie : Enfances Garin de Monglane, Enfances Ogier, Enfances Guillaume, Enfances Vivien. On voit s’y former l’image du héros prometteur, généralement séparé pour des causes diverses de ses parents, et qui révèle spontanément les qualités inhérentes à son lignage.
enjambement. Phénomène de discordance tel qu’un syntagme solidaire se trouve réparti à peu près également de part et d’autre soit de la césure (enjambement interne), soit de la fin de vers (enjambement externe), et dans ce dernier cas il déborde sur le vers suivant. — Exemple d’enjambement externe dans les alexandrins brisés de Laforgue : Minuit un quart; quels bords te voient passer, aux nuits Anonymes, ô Nébuleuse-Mère ? Et puis Qu’il doit agoniser d’étoiles éprouvées [...]. - Exemple d’enjambement interne lié au rythme 4/4/4 dans cet alexandrin de Victor Hugo : Qu’importe ? il va. Tout souffle // est bon ; simoun, mistral! On peut éventuellement, par analogie, parler d’enjambement strophique quand le phénomène se produit de strophe à strophe.
enluminure. Dans les manuscrits médiévaux, tout élément décoratif peint destiné à enrichir l’apparence esthétique de la page. Le terme comprend aussi bien les miniatures et les peintures que des éléments d’ornementation abstraits, comme la décoration des grandes majuscules.
ennéasyllabe (n. m., du grec ennea, « neuf »). Mètre de neuf syllabes. On le trouve en hétérométrie dans la poésie lyrique médiévale ; aux xvie et xviie siècles, il est employé dans les genres légers. Verlaine et les symbolistes l’ont remis à l’honneur. Vers de plus de huit syllabes, il est césuré, mais on n’a pu dégager une structure constante. Disons que la plus fréquente est 4/5 : c’est le rythme de l’ennéasyllabe de Verlaine, Il faut aussi // que tu n'ailles point Choisir tes mots // sans quelque méprise.
énoncé/énonciation. On appelle « énonciation » l’acte par lequel un individu produit du discours, et « énoncé » le discours produit par cet acte. L’analyse de l’énonciation ou des marquages énonciatifs consiste à repérer dans l’énoncé les traces de l’acte qui l’a produit, par exemple les renvois au locuteur, à l’allocutaire, aux circonstances de la communication. Le mot « énoncé » a un sens relativement large, mais on ne l’utilise que pour désigner du discours considéré dans son contexte situationnel. On veillera à ne pas le confondre avec le mot « phrase », qui désigne un segment d’énoncé grammaticalement clos et considéré du seul point de vue syntaxique.
ensenhamen (n. m.). Dans la langue d’oc médiévale, ce terme désigne de nombreux traités (versifiés) d’éducation, qui s’intéressent aux différents âges de la vie (généralement aristocratique) et abordent aussi bien des questions de morale sociale que d’hygiène et de vie quotidienne (activités, toilette, bienséances...). Certains se spécialisent dans les conseils aux jongleurs (Guiraut de Cabrera au XIIe siècle, Guiraut de Calenson et Bertran de Paris au XIIIe siècle). Les formes analogues en langue d’oïl sont dénommées enseignements, doctrinal ou chastoiement.
enthousiasme. Au sens étymologique, l’enthousiasme est un « délire sacré qui saisit l’interprète de la divinité » (Le Robert}. A l’époque de la Renaissance, le mot est souvent synonyme d’inspiration ou de fureur poétique. La philosophie néoplatonicienne a en effet répandu l’idée que le poète était inspiré par Dieu, tout comme les prophètes de l’Ancien Testament, et comme David, l’auteur présumé des Psaumes. La notion d’enthousiasme est liée aussi à celle de sublime, élaborée dans l’Antiquité par Longin (Ier ou IIe siècle ap. J.-C.). Le Traité du sublime, traduit par Boileau (1674), exerça une grande influence sur l’esthétique de l’âge classique.
enthymème (n. m.). Ce mot grec désigne un syllogisme (raisonnement) dont les prémisses (principes posés préalablement) sont seulement vraisemblables, et non pas fondées sur des propositions évidentes ou démontrées ; sa forme est déductive (au contraire de l’exemple, qui est inductif), en ce qu’il va du général (principe admis par tous) au particulier ; l’exemple traditionnel que l’on donne est : « Parce qu’il est homme, Socrate est mor- , tel », qui résume le mouvement logique suivant : il présuppose implicitement que : « Tout homme est mortel » (majeure), puis constate que : « Socrate est un homme » (mineure), donc (conclusion) : « Socrate est mortel ». Comme on le voit, l’enthymème est au cœur de toute argumentation, car il est l’outil même du logos (logique), qui est censé entraîner l’adhésion intellectuelle de l’auditoire (par opposition au pathos, qui joue sur les passions du public).
entrelacement. Technique romanesque, inaugurée par Chrétien de Troyes dans son Conte du Graal, et exploitée systématiquement dans les romans en prose dès le début du XIIIe siècle, qui consiste à entrelacer les aventures de plusieurs chevaliers, en suivant alternativement celles des uns et des autres, et en reprenant à chaque fois celles d’un héros donné au point où elles avaient été laissées précédemment. En perturbant le cours linéaire du récit, cette technique confère au roman l’épaisseur temporelle nécessaire.
envoi. Nom donné à la dernière strophe d’une ballade ou d’un chant royal. Il se termine par le même refrain que les autres strophes, et correspond généralement, pour l'organisation des rimes, à la seconde moitié aune strophe. Il commence par une apostrophe au personnage fictif ou réel à qui est dédié le poème. Voici l’envoi de la ballade de Marot « Chant de Mai et de Vertu » : Prince, fais amie immortelle, Et à la bien aimer entends ; Lors pourras dire sans cautelle : « Mes amours durent en tout temps ».
épanadiplose (n. f.). Ce terme désigne une figure de répétition complexe : à la répétition d’un même mot ou d’un même groupe de mots s’ajoute un jeu de structure (parallélisme ou chiasme), du type : Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien (Hugo), ou bien : devint l’esprit, et l’esprit devint l’Homme (id.).
Liens utiles
- Jean RICHEPIN (1849-1926) (Recueil : Les caresses) - Un cadeau - Sonnet d'envoi
- Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : Les orientales) - Enthousiasme
- Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : Les chants du crépuscule) - Envoi des feuilles d'automne
- Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) (Recueil : Méditations poétiques) - L'enthousiasme
- Ponce Denis Écouchard LEBRUN-PINDARE (1729-1807) - Ode sur l'enthousiasme