Devoir de Français

existentialisme exorde expansion/filtrage explétion explicit expolition exposition extradiégétique/intradiégétique

existentialisme. Bien que ce terme s’applique à la pensée de plusieurs philosophes étrangers, u désigne surtout en France celle que Jean-Paul Sartre a exposée dans L’Etre et le Néant (1943) et dans une conférence, L’existentialisme est un humanisme (1946). La doctrine se définit, par la formule célèbre : « L’existence précède l’essence », ce qui donne à l’homme la totale liberté de se faire lui-même et de se définir par ce qu’il fait. L’absence de toute transcendance empêche sans doute que l’existence humaine puisse être légitimée, mais l’angoisse qui en procède (voir La Nausée, 1938), selon Sartre, n’entrave pas l’action : « C’est en se jetant dans le monde, en y souffrant, en y luttant qu’il [l’homme] se définit peu à peu ; et la définition demeure toujours ouverte ; on ne peut point dire ce qu’est cet homme avant sa mort. » C’est ce qui apparaît par exemple dans ce que Sartre appelle « théâtre de situation » et qui permet à un personnage de se choisir lui-même et de construire ainsi son caractère dans une situation donnée, plutôt que de simplement agir en conformité avec ce qu'il était avant le début de la pièce. Et c’est précisément le théâtre de Sartre qui a, plus encore que ses romans, vulgarisé l’existentialisme. Bien que cette philosophie ait eu une influence considérable après la Seconde Guerre, c’est avec prudence qu’il convient de qualifier d’existentialistes les œuvres littéraires (tout particulièrement celles de Camus qui dans un entretien de 1945 a clairement déclaré : « Non, je ne suis pas existentialiste »).

exorde (n. m., du latin exordium « commencement »). C’est la première partie du discours, c’est-à-dire le moment où on prend contact avec le public, et où on doit le disposer à écouter, en le rendant « docile, bien disposé et attentif » {Rhétorique à Hérennius) : cela s’obtient en parlant de soi {ethos) pour obtenir la sympathie {captatio benevolentiae), et en insistant sur l’importance et l’intérêt de l’affaire, qu’il faut résumer avec clarté, pour retenir d’emblée l’attention des auditeurs. On parle aussi des auditeurs eux-mêmes, pour montrer qu’on connaît leurs intérêts et, leurs attentes. Ces procédés sont le plus souvent utiles dans le genre judiciaire, moins fréquents dans le délibératif ; dans l’épidictique, l’exorde consiste à célébrer l’occasion qui donne lieu au discours, et à rappeler combien l’orateur et le public sont réunis dans des valeurs communes. Un procédé parfois utilisé est la suppression de l’exorde, et l’orateur commence ex abrupto. expansion/filtrage. Tout lecteur de récit tend, d’une part, à ajouter dans les textes des informations qui ne s’y trouvent pas (selon les mécanismes de l’inférence, voir ce mot) et, d’autre part, à anticiper le développement de l’action. On appelle expansion ce travail spontané du lecteur et filtrage le fait que le texte vienne confirmer ou infirmer ces inférences ou anticipations. Ainsi peut-on imaginer qu’un début de récit mette en scène « John » et « Mary-Ann » ; le lecteur placera sans doute l’amourette dans quelque banlieue anglaise (expansion), avant que le texte ne lui apprenne (filtrage) que John et Mary-Ann sont les chats de Mme Dupont. Le texte romanesque doit ainsi prévoir et accompagner le travail d’expansion auquel se livrera le lecteur : le roman policier va conduire ce dernier à soupçonner X, pour lui révéler in extremis que le coupable est Y. Les débuts de récits sont des lieux particulièrement importants pour le jeu sur l’expansion et le filtrage : la première phrase de Chéri de Colette (1920), Léa, donne-le-moi, ton collier de perles ! conduit le lecteur à imaginer une scène entre deux coquettes (expansion) ; la suite du texte infirmera cette inférence (filtrage) : c’est en fait le jeune amant de Léa qui s’exprime ainsi. Le travail d’expansion est fortement conditionné par les scénarios narratifs (voir ce terme) à travers lesquels nous appréhendons les textes. ■
explétion (n. f.). Ce terme désigne, au sens strict, l’abus de termes explétifs, sans qu’ils aient pour autant de valeur modalisatrice précise ; c’est le cas par exemple des << datifs éthiques », du type : Décroche-moi ce joli calumet qui est pendu là-bas, contre la muraille et allume-le... (Daudet), où moi n’a aucune valeur sémantique ou modale. C’est donc une forme familière, ou parodique, d’abondance verbale, qui est aussi une marque du style oral ; pourtant, elle peut apparaître dans le cadre fortement oratoire du soulignement tragique : Et que m’a fait, à moi, cette Troie où je cours ?, Racine, Iphigénie, IV, 6. explicit (n. m., emprunté au latin, « ici se termine l’ouvrage »). En philologie médiévale, ce terme désigne exclusivement la mention du copiste qui figure sur le manuscrit pour signaler que l’œuvre est achevée : Explicit li rommans de Gaydon. Quelquefois, cette mention est intégrée à l’œuvre elle-même, dont elle adopte par exemple la forme versifiée. Au-delà du Moyen Age, on désigne ainsi plus généralement la fin d’un texte. L'Education sentimentale (1869) de Flaubert, par exemple, s’achève sur cette phrase : C’est là ce que nous avons eu de meilleur! dit Deslauriers.

expolition (n. f.). Cette figure consiste à mettre en valeur une même pensée en la répétant sous plusieurs formes différentes, afin de la préciser de plus en plus : Amour, sers mon devoir, et ne le combats plus. Lui céder, c’est ta gloire, et le vaincre, ta honte, Montre-toi généreux souffrant qu’il te surmonte, Plus tu lui donneras, plus il te va donner, Et ne triomphera que pour te couronner. (Corneille, Cinna, I, 1) C’est donc une figure apte à susciter le pathos, qui joue sur l’abondance et 1 amplification. exposition. Premier moment de l’action théâtrale, l’exposition permet d’indiquer au spectateur les éléments qui lui seront nécessaires pour comprendre l’action : lieu, temps, raisons de la présence des personnages et relations qui existent entre eux, événements récents, indices de la crise à venir. A l’époque classique, l’exposition occupe en général tout ou partie du premier acte. L’art de l’auteur consiste à l’animer, à faire oublier son caractère statique, à la rendre « naturelle », parfois, dans la comédie à se jouer des conventions inévitables : Si bien donc, cher Gusman, que Done Elvire, ta maîtresse, surprise de notre départ, s’est mise en campagne après nous, et son cœur, que mon maître a su toucher trop fortement, n ’a pu vivre, dis-tu, sans le venir chercher ici ? (Molière, Dom Juan, I,1). Lanotion d’exposition, comme moment défini, est si bien liée au système classique quelle n’est plus guère pertinente dès lors que, dans le théâtre contemporain, nous trouvons une autre conception de l’action. L’exposition peut alors être fragmentée, intervenir après un début in médias res, reconstituée de façon implicite au cours de la pièce.

extradiégétique/intradiégétique. A la suite de G. Genette, on qualifie parfois d’intradiégétiques tout narrateur et tout narrataire qui ont d’abord été des personnages d’un premier récit encadrant. Dans La Femme et le Pantin de Pierre Louÿs (1898), Don Mateo Diaz raconte ainsi à André Stévenol la liaison orageuse qu’il a eue avec Conchita Perez : ce type de récit enchâssé est l’exemple le plus net d’une narration intradiégétique. Est inversement extradiégétique tout narrateur qui n est pas par ailleurs personnage d’un récit encadrant : le « je » d’À la recherche du temps perdu de M. Proust, par exemple. Les cas de narration intradiégétique restent quantitativement très marginaux dans la tradition française. Attention : dans certains textes critiques, les termes intradiégétique/extra-diégétique recouvrent l’opposition traditionnelle entre narration à la première et narration à la troisième personne, sensiblement différente de celle que l’on vient d’exposer.


Liens utiles