Humour (lexique littéraire)
Humour. Attitude qui consiste à envisager le réel avec un détachement sans méchanceté et un sourire plus ou moins prononcé devant ses bizarreries. Le mot humour qui n’est enregistré dans le dictionnaire de l’Académie qu’en 1932 est un doublet du mot humeur. A l’origine en effet, le mot anglais humour désignait l’une des quatre humeurs définies par Hippocrate et reliées aux éléments, la bile au feu, l’atrabile (mélancolie) à la terre, le sang à l’air et la pituite à l’eau. Au XVIe siècle, en Angleterre, le dramaturge Ben Johnson dans sa pièce Every Man out of his Humour (1599) imagine de créer des types littéraires en fonction de l’humeur qui les caractérise le plus spécifiquement. Le mot s’associe ainsi à l’idée d’un excentrique susceptible de faire rire. Par extension, il en vient à désigner non plus le caractère mais sa description plaisante. L’humour est finalement une attitude essentiellement anglo-saxonne qui consiste à observer et à décrire le monde d’une façon neutre, parfois même avec les apparences de la rigueur scientifique, dans ce qu’il peut avoir de plus saugrenu, y compris dans l’horrible (cf. l’humour noir). L’humoriste crée un monde qui a toutes les apparences de la normalité, mais qui ignore les idées reçues et les évidences du monde ordinaire. De ce décalage peut naître le sourire :
Partagez-vous mon opinion? M’est avis qu’on ne doit faire aux bons serviteurs nulle injure, même légère.
Contre un peu d’or, ces gens nous consacrent tout leur temps; nous sommes quittes, sans avoir à jeter dans la balance l’appoint des méprisants vocables et des gestes hautains.
(Alphonse Allais, Farce légitime)
Les théoriciens de l’humour ont noté la différence qui sépare l’humour de l'esprit (wit) dont il est proche : l’esprit peut être cruel, alors que l’humour implique la bienveillance, l’esprit est avant tout intellectuel, alors que l’humour a une double composante, intellectuelle et affective. L’humour se distingue également de l’ironie, qui, dans un but critique, dit le contraire de ce que l’on veut faire entendre, alors que l’humour n’implique pas nécessairement d’engagement. Selon Freud, l’humour est libérateur, mais aussi grandiose en ce qu’il manifeste la résistance de l’individu aux atteintes du monde extérieur. Ceci est particulièrement sensible avec l’humour noir, qui s’exerce à l’encontre de tous les tabous, y compris la mort.
C’est l’Angleterre, surtout à partir du XVIIIe siècle, qui est la maîtresse de l’humour avec des écrivains comme Swift, Dickens ou les écrivains du nonsense, forme particulière d’humour chez Lewis Carroll ou Edward Lear. En France, bien que le xviiie siècle (cf. Voltaire ou Diderot) l’ait pratiqué, c’est au XIXe siècle surtout que fleurissent les humoristes comme Alphonse Allais, Georges Fourest... De nos jours, Ionesco, Beckett se sont appuyés sur l’humour pour atteindre à l’absurde et au tragique de l’existence. Une veine moins grinçante est illustrée par des humoristes comme Pierre Dac, Francis Blanche, Raymond Devos ou Pierre Desproges.
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