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isométrie isopet isotopie jansénisme jeu jongleur

invention. Au sens strictement rhétorique, l’invention est la première partie de l’art oratoire, avant la disposition et l’élocution. Elle consiste en la recherche des arguments qui vont constituer le fond du discours : elle repose donc sur la topique, qui va explorer méthodiquement le réel grâce à la méthode des lieux communs, et la mise en, place des preuves (techniques, extratechniques). Son domaine est la logique du vraisemblable (ou doxa}, car elle joue sur l’univers des croyances probables de son public. Elle fait ensuite appel aux preuves éthiques (construction de l'ethos de l'orateur pour convaincre de sa bonne foi), puis aux preuves pathétiques (recherche des éléments susceptibles d’émouvoir les passions de l’auditoire colère, indignation, pitié, etc.). L’articulation des preuves les unes aux autres appartient plutôt à la disposition, même si celle-ci doit tenir compte des effets escomptés en fonction des impératifs de la topique. L’élocution aussi, dans la mesure où elle est étroitement liée aux effets que doivent produire les preuves, constitue le terme du processus d’invention (chaque type de preuve suppose un style différent : style simple pour la narration des faits ou l’exposé des témoignages, style élevé pour la péroraison, qui en appelle aux passions du public).

inversion. Figure de construction qui consiste à inverser l’ordre canonique des mots dans la phrase. L’inversion grammaticale (celle qui concerne par exemple l’interrogation) n’est pas une figure. L’inversion au sens stylistique et rhétorique peut être due soit à un désir de mise en relief, soit à des contraintes prosodiques dans le vers traditionnel. Les deux soucis peuvent se superposer pour un effet de relief tragique :
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants, Entrant à la lueur de nos palais brûlants, Sur tous mes frères morts se faisant un passage, Et de sang tout couvert échauffant le carnage. Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants. (Racine, Andromaque, III, 8)

irénisme (du grec eiréné, « paix »). Attitude d’esprit visant à apaiser les querelles religieuses. Les irénistes songent d’abord à ce qui peut rapprocher les croyants. Ils sont à la recherche du « terrain commun ». Leur « idéal n’est pas tant la tolérance que la réduction des divergences religieuses par un loyal effort de conciliation » (J. Lecler). On trouve des irénistes dès le XVe siècle (Nicolas de Cuse) et à l’époque des conflits religieux du XVIe siècle (Cassander). Mal vus des camps en présence, ils continuèrent leurs efforts au XVIIe siècle (Grotius, Leibniz).

ironie. Procédé rhétorique reposant sur un dédoublement énonciatif : le locuteur avance un énoncé tout en indiquant qu’il ne l’assume pas, qu’il le récuse. Les signaux ironiques peuvent être fort divers : contextuels, intonatifs, gestuels, lexicaux (hyperbole, changement de registre : « Monsieur est satisfait ? »). On a parfois réduit l’ironie à un simple fait d’antiphrase : je dis le contraire de ce qu’il faut entendre (« Félicitations ! » dit le professeur en rendant sa copie au cancre). On considère aujourd’hui que l’ironie combine une théâtralisation de la parole et un jeu sur les postures énonciatives. L’ironie peut être très diffuse dans un texte et exiger un travail interprétatif fin : bien des lecteurs ne voient pas la portée ironique d’un texte comme « L’Enfance d’un chef » de J.-P. Sartre (Le Mur) et considèrent que le texte promeut les valeurs qu’il stigmatise.


isométrie (n. f., du grec isos, « égal en nombre », et metron, « mètre »). Utilisation, dans un même poème où dans une même strophe, d’un seul type de vers ou de mètre.

Isopet (n. m., dérivé du nom d’Ésope). Nom médiéval des recueils de fables en langue vulgaire, inspirés d’Ésope et surtout de Phèdre par l’intermédiaire d’Avianus et de compilations dites Romulus. Les Isopets, d’abord versifiés {Isopet de Marie de France, XIIe siècle, Isopets de Paris et de Chartres, XIIIe XIVe siècle), sont rédigés en prose à la fin du Moyen Age {Isopet du Lyonnais Julien Macho, XVe siècle).


isotopie (n. f., du grec isos, « égal en nombre », et topos, « lieu, situation »). Terme introduit par A. J. Greimas qui désigne un réseau de signifiés beaucoup plus large qu’un champ sémantique : il réunit tous les vocables ou syntagmes qui, dans un texte, renvoient par dénotation, connotation ou analogie à une certaine « totalité de signification» (Greimas, Sémantique structurale).

jansénisme. Cette doctrine, issue de saint Augustin (354-430) et de son commentateur Jansénius (1585-1638), a eu une influence considérable sur la littérature et la pensée du XVIIe siècle. A la différence des jésuites, pour qui la liberté de l’homme décide de l’efficacité de la grâce divine, les jansénistes sont fidèles à la doctrine de la prédestination de saint Augustin. Et c’est cette tradition augustinienne que Pascal défend dans les dix-huit lettres des Provinciales (1656-1657), brillante polémique contre les jésuites qui, en même temps qu’elle met à la portée d’un public profane la question de la grâce, ouvre un débat esthétique sur le classicisme — dont les « Petites Lettres » peuvent être considérées comme la première manifestation éclatante — et le baroque, auquel demeure encore attachée la Compagnie de Jésus. La dénonciation par Port-Royal de la corruption de la nature humaine est solidaire d’une expression littéraire qui tend à effacer les traces d’un moi « haïssable » (Pascal, Pensées, 1670) et à mettre au jour, en consonance avec les moralistes français de la seconde moitié du XVIIe siècle (La Rochefoucauld, Maximes, 1665), les ruses de l’amour de soi dans les conduites apparemment les plus altruistes. Le jansénisme a également marqué le théâtre de Racine et, paradoxalement, n’est pas sans attache avec le courant des précieuses, qui étaient surnommées « les jansénistes de l’amour ».

jeu. Au Moyen Age, le terme désigne tout type de forme dramatique, aussi bien profane que religieux : Jeu d’Adam (XIIe siècle), qui relate au théâtre l’histoire théologique des origines de l’humanité ; Jeu de saint Nicolas de Jean Bodel, qui transpose sur la scène le miracle de saint Nicolas (restitution de trésors) en combinant l’inspiration religieuse avec des scènes de taverne (vers 1200) ; Jeu de la Feuillée d’Adam de la Halle qui est le premier chef-d’œuvre du théâtre profane (1276). Le terme n’implique pas de critères formels particuliers, hormis la représentation théâtrale. Au XVIe siècle, le mot désigne encore des pièces du théâtre comique, comme le célèbre Jeu du prince des sots de Gringore (1511). Il désigne aussi des œuvres poétiques qui se présentent comme des récréations : ainsi des Jeux rustiques de Du Bellay (1558) ; dans ce cas, il s’agit d’un genre apparemment mineur, transposition du lusus des néo-latins.

Jeu. Forme dramatique médiévale. Les premiers jeux sont les jeux liturgiques. Ce sont des cérémonies célébrées par les clercs, dans l’église, au Moyen Age. Ces jeux, dialogués et chantés en latin, théâtralisent les passages les plus marquants de l’Evangile. L’un des plus anciens, qui date de l’époque carolingienne, est le Quem Quaeritis ? (Qui cherchez-vous ?), donné pour l’office pascal. Quatre moines représentent, devant les fidèles, la scène où un ange annonce la résurrection aux Saintes Femmes. Ces jeux liturgiques préparent les jeux dramatiques. Les jeux dramatiques sont les premières formes dramatiques médiévales non liturgiques, jouées en langue vulgaire et non en latin, hors de l’église. Ces jeux sont religieux d’abord, profanes quelques décennies plus tard. Le plus ancien, le Jeu d’Adam (fin xiie), directement inspiré de la Bible, écrit par un auteur anonyme normand, représente la tentation d’Adam et Eve et annonce les Mystères. Le Jeu de Robin et de Marion, donné en 1285, à Arras, par Adam de la Halle, poète musicien, est resté le plus célèbre de ces jeux profanes. C’est une pièce comique où se mêlent chant, déclamation, musique et danse. Jeu de mots. Jeu avec le langage par lequel les mots ne sont pas pris dans leur emploi ordinaire, mais sont utilisés de façon ludique, l’attention étant plaisamment attirée sur le signifiant, ou le sens détourné. Le jeu de mots repose d’une façon générale sur des associations de mots ou de fragments de mots. Les mécanismes principaux qui les sous-tendent sont la paronymie, qui joue sur une ressemblance phonique entre mots et en induit une relation sémantique, comme, de façon plus sérieuse, dans la rime :
Elle s’appelait Françoise Mais on l’appelait Framboise! (Bobby Lapointe, Framboise) l’homonymie : Mon père est marinier Dans cette péniche Ma mère dit la paix niche Dans ce mari niais (Bobby Lapointe, Mon père et ses verres)
un jeu sur les frontières de mots :
Rigide comme un cyclamen Chevauchez votre cycle. Amen! (Alphonse Allais)

un nouvel habillage graphique :
La fraude n’a pas tardé à être découverte, grâce à l’indisposition d’une vieille dame d’origine polonaise, la veuve Mazur K., ... (Alphonse Allais)

qui entraîne un double sens. On parle alors de calembour. Le jeu s’établit entre mots présents dans le contexte (Françoise et Framboise) ou entre un mot du contexte et un mot auquel il s’associe. Dans la contrepèterie, le jeu consiste à intervertir des éléments, phonèmes, syllabes ou morphèmes :
Ma mère est habile Mais ma bile est amère (Bobby Lapointe, Mon père et ses verres)
La remotivation d’une expression figée, la rupture d’un stéréotype peuvent être utilisées :
A une table voisine de celle où je dînais, dînaient aussi deux dames, ou plutôt, comme je l’appris par la suite, deux jeunes filles dont une vieille. (Alphonse Allais)
Le jeu de mots peut ne pas impliquer d’association sémantique, et reposer sur des enchaînements de sonorités, des délires phoniques :
La chasseresse sans chance De son sein choie son sang sur ses chasselas Chasuble sur ce chaud si chaud sol Chat sauvage (Robert Desnos, Chanson de chasse)
Les mécanismes des jeux de mots ne leur sont pas propres, et c’est l’intention humoristique qui les définit. Sans elle, on parlera de confusions, de cuirs : fier comme un bar tabac (fier comme Artaban) ou de lapsus : une brosse à temps pour une brosse à dents prononcé par quelqu’un d’angoissé par le temps. Freud a montré combien ces erreurs involontaires pouvaient être révélatrices de l’inconscient.

jeu-parti. Genre médiéval fondé sur un dialogue strophe après strophe entre deux poètes sur un sujet fixé, chacun défendant l’un le pour, l’autre le contre, et terminant sa partie sur un envoi adressé aux arbitres.

Jeune-France. Terme désignant autour de 1830 la fraction la plus exaltée de la jeune génération romantique. A côté des « bousingots », Jeunes-France républicains de tendance anarchiste, et après les déceptions qu’entraîna l’établissement de la monarchie de Juillet, une Jeune-France esthète se plut à marquer de la manière la plus tapageuse possible l’opposition entre les- artistes et les bourgeois. Nourris de Byron, de Hugo, de Hoffmann, de Balzac, les Jeunes-France, par leur accoutrement, leur coiffure, leur barbe, leurs mœurs, tentèrent de vivre à la manière des héros du romantisme alors à la mode. Théophile Gautier, qui fut l’un d’eux en compagnie des membres du Petit Cénacle, leur a consacré un volume à la fois ironique et complice : Les Jeunes-France, Romans goguenards (1833).


Jeux floraux. Académie provinciale, fondée à Toulouse, au XIVe siècle, par des troubadours. On s’y réunissait pour réciter des poèmes et discuter de poésie. Chaque année, elle organisait un concours, dont le vainqueur recevait, à l’origine, une violette d’or. Les Jeux floraux étaient toujours bien vivants au xvie siècle. Ils attribuèrent à Ronsard, en 1554, leur « églantine d’or ».

jongleur. Au Moyen Age, le terme désigne tout professionnel du divertissement (étymologie : joculator). Les jongleurs sont les héritiers des mimes de l’Antiquité latine. Certains étaient spécialisés dans les spectacles de foire (montreurs d’ours, bateleurs, acrobates, danseurs...), d’autres dans la récitation, voire dans la composition d’œuvres littéraires de diffusion orale (chansons de geste, fabliaux, dits...) ; beaucoup devaient combiner ces deux activités. Le jongleur était un itinérant, qui se faisait rétribuer en argent ou, souvent, en nature, par son public : badauds des places publiques, des foires, et des lieux de pèlerinage, ou seigneurs des châteaux visités. Leur activité était condamnée par l’Église, mais celle-ci tolérait les jongleurs qui récitaient chansons de geste et vies de saints. On le distingue du ménestrel et surtout du clerc, spécialiste de l’écriture. Aux XIIe et XIIIe siècles, le jongleur est le principal diffuseur de la culture dans l’ensemble de la population, puisqu’il est le spécialiste de la « performance » orale.