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Kitsch Lai Lettre Lettrisme Libertin Lieu Lipogramme Litanie

Kitsch. Terme allemand, sans équivalent en français, employé pour désigner le sentiment que provoque une classe d’objets, objets d’art de mauvais goût, imitations dépourvues d’authenticité (Ex : chromos, romans roses, musique légère, etc.), ou ces objets eux-mêmes. Le terme naît en Europe centrale dans les années 1870, à la cour de Louis II de Bavière, encline au romantisme et au maniérisme. Il est introduit en France depuis quelques décennies seulement. «Le kitsch est lié historiquement au romantisme sentimental du XIXe siècle», écrit Milan Kundera. «Puisqu’en Allemagne et en Europe centrale le XIXe siècle était beaucoup plus romantique et beaucoup moins réaliste qu’ailleurs, c’est là que le kitsch s’est épanoui outre mesure, c’est là que le mot kitsch est né, qu’il est encore couramment utilisé. » (L'Art du roman, Paris, Gallimard, 1986.) Le terme apparaît en même temps que le désir des masses de consommer de l’art et que la prolifération des imitations née de la technique industrielle. Le kitsch tente de compenser deux carences de l’objet industriel, l’impersonnalité et la perte de signification. Aussi tout objet kitsch accu-mule-t-il les signes culturels du passé afin de susciter chez celui qui le regarde un phénomène de reconnaissance : «Le besoin du kitsch, c’est le besoin de se regarder dans le miroir du mensonge embellissant et de s’y reconnaître avec une satisfaction émue. » (M. Kundera.)
► Maniérisme

Lai. Genre narratif médiéval versifié. Le lai se distingue, par sa dimension aristocratique, du fabliau qui met en scène le petit peuple, par sa brièveté, du roman courtois. Ancêtre de la nouvelle, le lai ne dépasse jamais 1 000 vers. Les Lais de Marie de France sont une série de récits versifiés en octosyllabes écrits dans le dernier tiers du xiie siècle. Le lai narratif est sans doute issu du lai musical. On appelle ainsi à partir du XIIe siècle une mélodie bretonne, puis française, avec accompagnement musical (la rote), qui peut être ou non assortie d’un texte lyrique à contenu narratif.
> Courtoise (litt.), fabliau, nouvelle


Lettre. Genre littéraire où réalité et fiction tendent à se confondre. Le genre présentifie le scripteur mais suppose la présence in absentia du destinataire, qu’il soit réel comme dans les Lettres d’Héloïse à Abélard (XIIe siècle), ou fictif comme dans les Lettres à un provincial de Pascal (1656). La lettre peut adopter la prose ou le vers. Appelée épître, elle se charge d’une intention morale comme les Epîtres de Paul dans le Nouveau Testament, ou satirique comme l’Epître en vers à son ami Lion, de Clément Marot. Elle tend même à devenir un véritable traité. Ex : Horace, Epître aux Pisons (œuvre plus connue sous le terme d'Art poétique). La lettre a un grand succès au XVIIe siècle où elle apparaît comme le prolongement de l’art de la conversation dans lequel «l’honnête homme» se doit d’exceller. Ex : les Epîtres de Voiture ou les Lettres de Madame de Sévigné. Cette vogue explique la naissance du roman par lettres dans la seconde moitié du siècle. Il peut être à une voix. C’est le cas des Lettres portugaises de Guilleragues (1669) où l’héroïne, une religieuse, écrit à l’homme qui l’a abandonnée. Il peut être à deux voix, comme Les Lettres à Babet de Boursault (1669). Dans ce roman, deux correspondants de la petite-bourgeoisie parisienne échangent des messages amoureux. Un roman épistolaire à plusieurs voix, comme Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos (1782), se caractérise par la diversité des points de vue. Il donne au lecteur le sentiment de pénétrer dans l’intimité des personnages, puisque chacun d’eux s’exprime à la première personne. La technique du roman par lettres permet alors au romancier de feindre son propre effacement pour n’apparaître que comme un «rédacteur» (c’est ainsi que Laclos désigne le narrateur) qui a organisé une matière épistolaire préexistante. Le genre, très fécond au XVIIIe siècle tant en Angleterre qu’en France, avec notamment La Vie de Marianne de Marivaux ou Paméla de Richardson, meurt au XIXe où Balzac donne un des derniers grands romans par lettres avec les Mémoires de deux jeunes mariées (1842).


Lettrisme. Mouvement poétique du lendemain de la guerre de 1940 avec Isidore Isou (L’Agrégation d'un nom et d'un messie) et Maurice Lemaître (Qu'est-ce que le lettrisme?) qui met l’accent sur le signifiant puisque les mots ordinaires ne sont pas utilisés, mais seulement des séquences de sons ou de lettres :
vgaïn set i ouf! saî iaî fin plt i clouf ! mglaî vaî [...] snoubidi î pnn miî klnbidi Aüblîglîhlî (extrait d’un poème d’Isidore Isou)
Ce lettrisme pur devient vite fastidieux, même si la musique des textes ainsi créés peut être intéressante, et parfois même chargée d’émotion. Aussi est-il souvent possible de reconnaître au sein de ces séquences des éléments du lexique. Le lettrisme joue sur le pouvoir d’évocation des sons, et si le lettrisme pur est lié à la période définie ci-dessus, de tout temps, la poésie a compté des tentatives pour donner aux sons et aux lettres un rôle primordial. C’est le principe même des comptines.


Libertin. Terme par lequel on désigne les écrivains de la fin du XVIe siècle et du XVIIe siècle qui se caractérisent par leur scepticisme. Héritiers en cela de Montaigne, ils mettent en question la religion. Certains sont athées, comme Cyrano de Bergerac (Les Empires de la lune et du soleil). Qu’ils soient croyants ou incroyants, ils refusent toutes les formes de superstition, critiquent le clergé et les institutions religieuses. C’est à quoi s’attachent La Mothe le Vayer et Naudé. Passionnés par les découvertes scientifiques, par les travaux de Copernic et de Galilée notamment, que l’Eglise condamne, ils mettent en doute également le discours officiel sur le savoir. Au rationalisme d’Aristote ou de Descartes, ils préfèrent l’empirisme d’Epicure. Gassendi, l’un des grands représentants du courant libertin au XVIIe siècle, écrit l'Apologie d'Epicure. Ce sont les libertins que Pascal voudrait surtout convaincre dans son Apologie de la religion chrétienne, c’est pour eux qu’il échafaude l’argument du pari. Les libertins sont souvent taxés d’élitisme au XVIIe siècle, car ces érudits se réunissent en cercles savants fermés. Deux raisons président à cette attitude : ils méprisent le « vulgaire ». Suspects aux yeux du pouvoir, ils doivent se cacher. En Italie, le philosophe libertin Giordano Bruno est brûlé comme hérétique. En France, Théophile de Viau, poète libertin, est condamné à mort.
Par réaction contre la morale sévère prônée par les Pères de l’Eglise, certains de ces intellectuels ont des mœurs très libres. Aussi le terme de libertin se dote-t-il parfois d’un deuxième sens, celui d’homme aux mœurs dissolues. Ex : Don Juan, le héros de Molière est libertin dans ses idées comme dans ses mœurs. Ce « grand seigneur méchant homme » est à la fois sceptique et corrompu. Le XVIIIe siècle retient surtout du libertinage la licence des mœurs, mettant en veilleuse la dimension philosophique du terme. Casanova est l’exemple type du libertin du XVIIIe siècle. Crébillon fils, dont les romans foisonnent de personnages de libertins aux mœurs corrompues (ex : Les Egarements du cœur et de l'esprit, 1736), jouit d’un grand succès en son temps. Le libertin du XVIIIe siècle est un homme qui ne connaît d’obstacle à ses désirs que ceux qu’il érige lui-même par orgueil, attitude dont Laclos dénonce les dangers dans Les Liaisons dangereuses, et dont Sade fait la matière même de son œuvre (ex : La Philosophie dans le boudoir), exploitant toutes les combinaisons possibles d’appétit et d’obstacles. Les thèses philosophiques des libertins, qui préparent celles des Lumières, seront reprises dès le début du XVIIIe siècle par Bayle et Fontenelle.

Lieu. En rhétorique, les lieux sont des unités de base du discours, dont les uns consistent en idées toutes faites, et dont les autres représentent des types de liens entre ces idées. Les premiers sont appelés lieux communs (loci communes, ou topoi) et sont recensés dans la topique, qui est un réservoir de thèmes communs au locuteur et à l’interlocuteur. Les plus généraux constituent la doxa d’une époque, savoir plus ou moins implicite et plus ou moins vulgarisé, comme les bribes de psychanalyse que chacun possède aujourd’hui. D’autres sont plus adaptés à chaque discours ou moment du discours, comme le topos de la modestie qui consiste à feindre d’être effrayé de parler devant un auditoire savant au début de la prise de parole. Ces lieux communs constituent aussi des catégories très générales de valeurs : mettre en avant la raison ou à l’inverse la fantaisie, rappeler la dignité de la personne humaine, opposer l’individu à la foule, etc. Les idées ainsi posées doivent être enchaînées. C’est ce que permettent les lieux du second type. Ce sont les loci argumentorum, qu’il vaut mieux appeler arguments pour les distinguer des lieux communs de la topique. Ils constituent des types déterminés de liaison entre propositions élémentaires, comme la définition, les dérivés, la cause et les effets, la comparaison, les opposés...
Travaillons sans raisonner, dit Martin; c’est le seul moyen de rendre la vie supportable. (Voltaire, Candide) Entre les deux propositions de cet exemple, le lien est établi par le lieu de la cause (première proposition) et des effets (la seconde). Les arguments sont donc des formes que viennent remplir des unités linguistiques dont le contenu est appelé par le sujet du texte et lié à la topique. Ainsi se fait un cheminement du discours de proposition à proposition, d’unité minimale à unité minimale. Lipogramme. Contrainte d’écriture selon laquelle il convient dans un texte de ne pas employer telle ou telle lettre : E (Il n’y a pas une Apostrophe pour sauver l’e) Pour ravir la toison quand Jason courut tant, il y parvint pour vray, l’arrachant hors du sort Aux dragons flamboyans : mais non par son bras fort, Non par son bac fatal à Cholsos loing flottant. (Salomon Certon, 1552-?) Le lipogramme a été en particulier utilisé par l’Oulipo, et Georges Perec a écrit un roman entier de cette façon, en s’interdisant la lettre e, La Disparition : Il mit la radio : un air afro-cubain fut suivi d’un boston, puis un tango, puis un fox-trot, puis un cotillon mis au goût du jour. Dutronc chanta du Lanzmann, Barbara un madrigal d’Aragon, Stich-Randall un air d’Aïda. A l’inverse dans Les Revenentes, il s’impose de n’utiliser que la voyelle e : Hélène crèche chez Estelle, près de New Helmstedt Street, entre Regent’s Street et le Belvédère. «Défense d’entrer», me jette le cerbère. Sept pence le dégèlent et j’entre, pépère. Litanie. Prière où une même formule est répétée inlassablement. La litanie est un cas de construction par parallélisme : Voici l’axe et la ligne et la géante fleur. Voici la dure pente et le contentement;
Voici l’exactitude et le consentement;
Et la sévère larme, ô reine de douleur.
(Péguy, La Tapisserie de Notre-Dame)

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