MAETERLINCK Maurice 1862-1949
MAETERLINCK Maurice
1862-1949
Poète et auteur dramatique belge d’expression française, né à Gand. Rien à dire sur cette vie sans histoire, si ce n’est qu’il attend d’être célèbre pour venir à Paris. Il a alors trente-cinq ans (1896) et l’essentiel de son oeuvre est déjà derrière lui : ses deux recueils de poèmes, ses deux plus belles tragédies (La Princesse Maleine et Pelléas), enfin le premier - et de loin le meilleur - de ses essais, Le Trésor des humbles, qui paraît l’année même de son arrivée en France. Car cette étonnante production sera bien longtemps poursuivie sur trois plans : la poésie, la philosophie, le théâtre.
C’est au demeurant, le penseur qui survivra seul - pendant un demi-siècle ! - au poète ; et c’est à l’œuvre du penseur, encore, que va être attribué le prix Nobel (1911). Si l’on peut relire encore les plus modestes de ses études, celles, par exemple, sur La Vie des fourmis, ou La Vie des abeilles (qui contient ce morceau d’anthologie : le vol nuptial), que reste-t-il, par contre, de ces louables essais de « vulgarisation métaphysique » : La Sagesse et la destinée, Le Grand Secret, Avant le grand silence? Nous croyons, quant à nous, qu’il en restera tout au moins l’idée de départ, énoncée dans Le Trésor des humbles à l’époque des poèmes et des premières pièces de théâtre (1896) ; or, cette idée, outre qu’elle était très neuve à l’époque, nous apporte l’explication de l’œuvre tout entière, poétique et dramatique, dont elle assure l’unité.
Le monde actuel, réel, fondé sur la pensée logique, et sur l’action pratique - c’est-à-dire, en un mot sur le « relatif » - ne parvient pas à étancher la soif d’absolu et d’inintelligible qui est au cœur du plus sec et du plus dur d’entre les hommes. Il y a là une véritable revendication de l’âme humaine, frustrée dans ses « droits ». Le Trésor des humbles, c’est donc, selon Maeterlinck, le droit d’accès au mystère, à l’infini ; c’est le droit de sortir du monde des réalités évidentes.
Un des thèmes secondaires de cet essai magistral est la célébration du silence : il faut cultiver en soi, entretenir et savourer (dans les rapports avec l’être aimé, en particulier) la « qualité » du silence ; lui conférer tant de densité, de sens, et de richesse, que le dialogue véritable ne se fonde plus, à la limite, que sur lui ; car les êtres médiocres - et les dialogues médiocres entre deux êtres - ne sont pas dignes du silence. Sur ce dernier point, également, nous détenons peut-être une clé de l’œuvre poétique de Maeterlinck, dans son ensemble.
En effet, considérons à présent les tragédies. « Féerie », dit-il, ou encore « conte », « pièce pour marionnettes ». Mais ces sous-titres ne doivent pas nous abuser : ce sont des tragédies (et même les plus « humbles » en apparence comme Intérieur, 1895) ; toutes, en effet, mais à l’exception, cependant, de Monna Vanna, 1902, incompréhensible concession du poète au genre, alors en vogue, du drame « historique ».
Dès La Princesse Maleine, sa première pièce (1889), Maeterlinck arrive à créer un type de décor qui n’appartient qu’à lui, mieux : un verbe poétique, tout à la fois discret et direct, riche en résonance. Très simple et pourtant très neuf. Si neuf que Claudel, alors débutant, se proclame aussitôt son humble disciple et, cette même année, compose - sous cette influence, croit-il - son premier chef-d’œuvre, Tête d'Or. Il sied de souligner la concomitance de ces deux révélations, et non pas pour diminuer le mérite de Claudel (qui ira plus loin et plus haut que son maître), mais bien plutôt pour admirer qu’au niveau du génie les dettes spirituelles se reconnaissent avec une si belle honnêteté. Et à son tour, Maeterlinck, loin de tenir Claudel pour un épigone, va superbement lui écrire (au lendemain de la publication de Tête d'Or) qu’il le considère comme « le plus grand poète de la terre ». (Ajoutons que la pièce de Claudel, non jouée, avait été tirée à cent exemplaires, et celle de Maeterlinck, à trente).
Pelléas et Mélisande (1892) n’a guère plus de succès ; ce n’est que dix ans plus tard, à la faveur du scandale déclenché par la partition très audacieuse de Debussy (1902) que le chef-d’œuvre de Maeterlinck pourra attirer, très indirectement, l’attention. On oublie parfois, au surplus, que Pelléas n’est pas un livret d’opéra. Les musiciens, chacun le sait, ont avancé l’hypothèse que si l’opéra de Debussy montre aujourd’hui quelques rides, c’est « à cause du texte » ; mais il serait peut-être curieux de risquer l’hypothèse inverse et d’essayer de voir si le texte ne tient pas debout tout seul, et si ce n’est pas la musique qui porte sa date : ce récitatif à notes répétées, pâle, monocorde (alors que Maeterlinck au contraire, nourri de Shakespeare, s’évertue à faire alterner les « humeurs » : douceur et violence, ironie et gravité). Observons donc un peu ce texte pour lui-même. Pelléas est une pièce faite avec rien. Une situation résolument banale en soi, digne d’une comédie boulevardière : deux hommes, dont l’un, déjà grisonnant, vient d’épouser une adolescente. Mais le ton naît de l’implicite, de l’étrangeté du lieu (une forêt, puis une grotte, une pièce obscure, une fontaine), de l'art du silence, enfin, selon la formule chère à l’essayiste Maeterlinck ; car les deux amants, Mélisande et le jeune Pelléas, se parlent à peine. Et le mari jaloux, d’ailleurs, ne s’exprime guère davantage. De même, il ne fait rien pour empêcher la suite. Il voit venir ; il attend ce qui doit inévitablement arriver. Se fâche-t-il, c’est à contretemps. Sans motif. Alors il traînera la jeune femme par les cheveux sur le carrelage, ou bien il brutalisera par mégarde le petit enfant Yniold qui n’y est pour rien. Quand son épouse a perdu la bague qu’il lui a donnée, c’est lui qui imagine, pour mener à bien les recherches, d’y envoyer ensemble le trop beau Pelléas et la trop douce Mélisande. Un jour, il tuera le jeune homme, sur un coup de tête et, comme il dit, simplement parce que c'est l'usage.
Reste le Maeterlinck des deux recueils de poèmes (Serres chaudes, 1889 ; Douze chansons, 1894) (La serre / Où Von voit closes à travers / Les vitrages profonds et verts / Couvertes de lune et de verre / Les grandes végétations / Dont l’oubli nocturne s’allonge...), en qui la critique contemporaine découvre, au-delà de la vague morosité, voire de la morbidité complaisante propre à l’époque, un créateur d’images à l’état pur. Ainsi Gaëtan Picon écrit de lui : « C’est à un rapprochement inusité, détonant, des images, que ces poèmes doivent leur principale vertu. Un incendie un jour de soleil, un festin dans la forêt vierge, un glacier au milieu des prairies de juillet : le poète ne se lasse pas de convoquer ces contradictions, qui nous plongent dans un univers de malaise, où notre situation même parmi les choses se voit mise en question. » Le dossier Maeterlinck reste ouvert.
Œuvres- En poche: Serres chaudes ; Quinze chansons ; La Princesse Maleine (coll. Poésie/Gallimard). - Pelléas et Mélisande (Le Livre de Poche/Théâtre). - Le Trésor des humbles (Labor, coll. Espace Nord).
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