MARGUERITE DE NAVARRE [Marguerite de Valois-Angoulême, reine de Navarre] 1492-1549
MARGUERITE DE NAVARRE [Marguerite de Valois-Angoulême, reine de Navarre] 1492-1549
Poétesse, et conteuse ; et aussi mécène littéraire, née à Angoulême. Sœur du roi François Ier, elle épousa le roi de Navarre, Henri d’Albret. D’une vaste culture et plus encore d’une grande sensibilité (vive et profonde tout ensemble), elle sera d’abord, à l’exemple de son frère et parfois même contre lui, protectrice des Arts et des Lettres en sa petite cour de Nérac : elle aide en particulier le jeune Calvin, Clément Marot (dont elle fit son secrétaire) et même Bonaventure Des Périers, pourtant suspecté d’athéisme. Deux traits originaux de cette activité : 1° elle aidera les écrivains novateurs non seulement de ses encouragements, mais encore de ses deniers ; et surtout 2° il s’agit là d’un mécénat secret (ou si l’on veut -mais la formule est moins dans l’esprit de notre poétesse - « clandestin »), attitude bien différente de celle du mécène traditionnel, glorieux de ses largesses. Elle trouvera néanmoins le temps d’édifier une œuvre impressionnante par sa force et aussi par sa variété de couleur : Les Marguerites de la marguerite des princesses (1547 ; notons au passage le jeu de mots sur le latin margarita, la perle), recueil de poèmes, tous relatifs à l’amour, mais sous ses deux aspects, généralement tenus pour incompatibles : l’amour sacré et l’amour profane ; puis une sorte de méditation religieuse, Le Miroir de l'âme pécheresse (1531) qui la fit suspecter de sympathies pour la cause protestante ; La Comédie du parfait amant (1549), la dernière et la meilleure de ses nombreuses pièces de théâtre (dont une Comédie de la Nativité, sans date). Enfin, paru après sa mort sous le titre d'Heptaméron, son chef-d’œuvre : Ce sont, réparties en 7 journées (sur le modèle des 10 journées du Décaméron de Boccace), 72 nouvelles, narrées tour à tour par des devisants, qui s’unissent pour commenter à mesure chaque histoire, chacun d’eux tirant parfois une « morale » personnelle, selon son tempérament. On peut s’étonner que la «marguerite des princesses», si passionnée dans ses poésies, s’adonne à ce genre « gaillard », sinon paillard, des contes à la manière de Boccace. Précisons d’abord que le titre seul s’inscrit dans la tradition italienne. Le comique y est plus léger, la sensualité plus raffinée ; mais surtout, à l’amour-plaisir se substitue, le plus souvent, l’amour-passion, inventé par la littérature médiévale, depuis les troubadours jusqu’à Chrétien de Troyes. Ce qui est propre à notre conteuse, c’est, plus encore, l’alternance de la galanterie (dans la nouvelle proprement dite) et (dans les commentaires des devisants) de la moralité, qui fait intervenir des réminiscences, si ce n’est des citations explicites, des Évangiles ou des Épîtres de saint Paul. Ambiguïté très caractéristique, en définitive, de l’esprit de ce siècle où cohabitèrent - non sans heurts - l’esprit hédoniste du paganisme' grec nouvellement redécouvert, et les préoccupations de réforme morale, qui devaient aboutir, chez les disciples de Calvin, à un véritable rigorisme.
Peut-être la singularité, en son temps, de l’ardente et subtile Marguerite de Navarre réside-t-elle en ceci, précisément, qu’elle semble unir avec une grâce et une facilité désarmantes les deux caractères antithétiques de la Réforme et de la Renaissance.