MARTIN DU GARD Roger 1881-1958
MARTIN DU GARD Roger 1881-1958 Romancier, né à Neuilly. D’origine bourbonnaise (le « Gard » est un ancien fief familial dans l’Allier), il perd la foi à l’âge de quinze ans. Consciencieux - jusqu’à la manie -, cet ancien élève de l’École des chartes travaillera toujours avec lenteur mais en profondeur. Il aime assez peu ce qu’on appelle les « milieux » littéraires ; et c’est à force de travail opiniâtre (on serait tenté de dire : à coups de muscles) qu’il édifiera une œuvre magistralement architecturée, riche en valeur « humaine », mais indifférente à toute recherche sur le plan de l’écriture. Dans une œuvre romanesque de jeunesse (Devenir !), en 1909, il prêtait déjà à son héros Cayrouse cette théorie qu’un art très châtié risque d’être très châtré. Sur ce point, Martin du Gard semble se situer à l’opposé de son ami André Gide, avec qui, toutefois, il possède en commun la curiosité passionnée pour tout ce qui est problème de l’âme. Jamais l’inquiétude spirituelle n’apparaît si émouvante pour le lecteur que chez cet incroyant, ce rationaliste (tenté même, à plusieurs reprises, par le marxisme) qui, tout au long de sa vie, s’interroge ; trop scrupuleux pour oser trancher dans cette matière vivante que représente, pour lui, un « cas de conscience ». Son premier grand livre, Jean Barois (1913), est un curieux roman dialogué; et le vaste ensemble romanesque des Thibault qui reste son livre essentiel (1922-1940) n’est-il pas, lui aussi, en définitive, un dialogue : entre deux « idées », deux allégories presque (la foi catholique et la foi protestante), incarnées par deux familles françaises avant et pendant la Première Guerre mondiale? Du moins ces idées vivent-elles, par la grâce d’un style dru et chaleureux et d’une âme ouverte à la plus large sympathie. Il semble bien, par exemple, que ce soit à contrecœur que le romancier mène jusqu’à son dernier souffle (et que devant ses yeux, il voit mourir au sixième volume) le tyrannique Oscar Thibault, dont il a fait cependant le personnage le plus effrayant, le plus « antipathique » de son récit. Si dans Vieille France, nouvelle assez pénible écrite en 1933, il en vient à se départir un instant de son inépuisable bienveillance, il ne terminera pas moins son récit par un acte de foi (et son héroïne, Mlle Enneberg, affirmera qu’elle peut espérer encore le règne d’une société nouvelle, mieux organisée, moins irrationnelle, moins injuste). Toutes ces vertus de l’homme public et de l’homme privé ont aujourd’hui pour Martin du Gard une surprenante contrepartie : il passe pour une sorte de saint laïque, un héros des lettres que l’on doit honorer de confiance, sans « aller y voir » ; il tient à distance par sa légende d’intégrité et de sagesse. Son Journal nous apprendrait peut-être à connaître mieux ce timide ; et l’on relira du moins Confidence africaine (1931), brève nouvelle aussi heureuse sur le plan formel - aussi « bouclée » - que peu vertueuse dans son sujet. Signalons, pour finir, un roman inachevé (mais de 1 000 pages environ) : Les Souvenirs du lieutenant-colonel de Maumort (posthume, 1983).