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Mimésis Miracle Mise en abyme (ou en abîme) Modalité Monologue Monologue intérieur

Mimésis. Concept issu de l'Antiquité par lequel on désigne la représentation artistique du réel, en littérature, en musique, comme dans les arts plastiques. Platon, au livre III de La République, oppose deux modes d’écriture, la mimésis, ou imitation parfaite, dans laquelle le poète donne l’illusion que ce n’est pas lui qui parle, mais ses personnages, et la diégésis, ou récit pur, dans lequel il parle en son nom. «N’y a-t-il pas récit quand [le poète] rapporte, soit les divers discours prononcés, soit les événements intercalés entre ses discours? Il est une espèce de récit opposé à celui-là, quand, retranchant les paroles du poète qui séparent les discours, on ne regarde que le dialogue. » Le théâtre est chez Platon l’art de la mimésis par excellence, la présence du discours direct étant, pour lui, le critère du mimétique. Aristote, dans La Poétique, a déplacé le concept. Selon lui, la mimésis, dans le domaine littéraire, déborde le champ de l’œuvre intégralement dialoguée pour recouvrir en partie ce que Platon appelait diégésis. Toute représentation d’actions humaines par le langage est pour Aristote mimétique. L’épopée recourt elle aussi au mimétique. L’originalité de la pensée d’Aristote, dont on redécouvre aujourd’hui la fécondité, est de souligner l’aspect créateur de la mimésis. Même si l’objet imité n’est jamais évacué par Aristote, l’accent est mis sur l’artefact (l’objet représenté). Toute activité mimétique suppose un filtrage; ne sont retenus de l’objet modèle qu’un certain nombre de traits jugés distinctifs. L’artiste modèle son œuvre comme une figure dont on épure le tracé.

Miracle. Drame sacré médiéval qui représente un épisode de la vie d’un saint ou de la Vierge. Ex. : Le Miracle de Théophile, de Rutebeuf (XIIIe siècle) met en scène les malheurs du clerc Théophile qui vendit son âme au diable et fut sauvé miraculeusement par la Vierge. Le sujet du miracle est emprunté le plus souvent à la Légende dorée. On désigne ainsi la compilation des vies de saints, composée au XIIIe siècle par Jacques de Voragine.

Mise en abyme (ou en abîme). Procédé qui consiste à enchâsser, dans une œuvre littéraire, picturale ou cinématographique une enclave. Le terme, introduit par Gide en 1893 dans son Journal 1889-1939, est emprunté au vocabulaire héraldique, l’abyme étant le point central du blason. Lui-même pratique la mise en abyme dans son roman des Faux-Monnayeurs (1925) où il attribue à un personnage du récit l’activité même du narrateur. « J’aime assez, écrit-il, qu’en une œuvre d’art on retrouve ainsi transposé, à l’échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre. Rien ne l’éclaire mieux et n’établit plus sûrement toutes les proportions de l’ensemble. » La partie «abymée» entretient en effet des rapports de similitude textuelle avec l’œuvre qui la contient. C’est pourquoi elle en explicite la structure formelle. Ex : La Souricière, forme type de théâtre dans le théâtre, est, dans Hamlet, une pièce secondaire dont l’action reproduit celle de la principale. Hamlet la fait jouer devant le roi et la reine afin de leur tendre le miroir de leur crime. Permettant de multiples jeux sur les phénomènes de réflexion, la mise en abyme, organe d’un retour de l’œuvre sur elle-même, selon Dällenbach, est un procédé fréquemment utilisé par les auteurs baroques.
La mise en abyme a une incidence sur le développement temporel de la fiction. Prospective, elle contient avant terme l’histoire à venir, rétrospective, elle réfléchit, après coup, l’histoire accomplie. Aussi est-elle un des topoi du Nouveau Roman. Dans Watt, l’un des premiers romans de Beckett, achevé en 1942, le tableau que contemple, au mur d’une chambre, le héros Watt, représente « un cercle et son centre en quête l’un de l’autre ». Toute la problématique de ce roman, héritée de Dante et Giordano Bruno, est inscrite sur le tableau.

Modalité. Catégorie de l’énonciation qui désigne l’attitude de l’énonciateur envers les événements qu’il relate. Les modalités sont un des moyens par lesquels se manifeste la subjectivité dans le langage. On distingue des modalités logiques : Il ne paraît pas possible que tout se passe bien qui indiquent le jugement du locuteur sur le degré de vérité ou de vraisemblance d’un événement, et des modalités psychologiques qui indiquent ses réactions et sentiments : Je souhaite que tout se passe bien. Ces modalités apparaissent dans différents secteurs de la langue. Ce sont d’abord les modalités de la phrase, assertion (on se borne à énoncer un fait, sous forme positive ou négative) :
Tu es sage. Tu n’es pas sage. interrogation (on demande des informations sur un fait dont on n’est pas sûr) : Es-tu sage? exclamation : Que tu es sage ! et ordre (modalité jussive) : Sois sage.

Ce sont ensuite les modes et les temps du verbe :
Qu’il vienne! Comment viendrait-il?
et le lexique, vouloir, souhaiter, sembler, etc. Les modalités sont omniprésentes dans le langage, même dans des textes philosophiques :
Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire : car le juge serait législateur. (Montesquieu, L'Esprit des lois)
car il est quasiment impossible de s’en tenir à l’assertion, qui constitue leur degré zéro et représente un effet de style :
La chaleur diminue rapidement; le 3 novembre, nous voyons le premier pétrel damier par 22° latitude S. Le jour suivant, nous passons le tropique du Capricorne. (Jean Giono, Fragments d’un paradis)

Monologue. Langage que profère un personnage seul sur scène, comme s’il se parlait à lui-même. Suspendant le rythme de l’action, le monologue apparaît lorsque le héros se trouve confronté à une difficulté, particulièrement à un dilemme. C’est le moyen pour l’auteur de révéler au spectateur les pensées et les émotions qui agitent son héros. Cette catégorie du langage dramatique n’existe pas dans la Grèce antique où le chœur est toujours présent, qui écoute le protagoniste et l’interrompt. C’est une création latine, liée à l’éviction progressive du chœur et à la fermeture de la scène. Rare sur la scène médiévale ouverte, il revient en force sur la scène classique. Il se raréfie à l’époque du réalisme illusionniste avec lequel il n’est guère compatible. Ce langage intérieur risque, dans son irréalisme, de détruire l’illusion, car il est un artifice qui souligne les conventions. Long et fréquent dans le théâtre contemporain depuis l’après-guerre, il a une fonction nouvelle : celle de symboliser l’enfermement du héros dans la solitude. Ex : le monologue final de Bérenger, dans Tueur sans gages de Ionesco, est un morceau de bravoure qui concurrence, par sa longueur, celui du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Les stances, très à la mode au théâtre de 1630 à 1660, sont une forme rhétorique de monologue. Versifiées, elles sont constituées de strophes régulières (de trois à huit), construites selon un même modèle rythmique. Chaque strophe, qui présente une unité de sens, se termine par une chute. Du point de vue dramatique, elles sont, comme le monologue, une pause lyrique qui permet au héros de faire le point. Les stances de Polyeucte sont un modèle du genre. Le héros, en prison, se prépare à recevoir Pauline. Capable d’affronter le martyre sans faiblir, il redoute de lutter contre cette femme dont il est profondément épris et qui l’attache au monde. C’est d’abord contre lui-même qu’il doit se défendre. Les stances offrent le spectacle de ce combat intérieur. Véhiculant l’émotion du personnage, elles accentuent le pathétique.
Le terme de monologue, au Moyen Age, revêt parfois un sens spécifique. On désigne ainsi un genre dramatique qui emprunte à l’actualité ses sujets. Ex : les monologues de soldats fanfarons, comme Le Franc Archer de Bagnolet (1448) font la satire d’un type social détesté, le «franc archer», soldat appartenant à une milice créée par Charles VII en 1448 pour faire régner l’ordre dans les campagnes. La caractéristique de ce genre médiéval est sa structure à deux temps. Le personnage, seul en scène, se vante en faisant l’éloge de sa personne, puis pris de panique face à un adversaire muet, se couvre de ridicule.

Monologue intérieur. Dans un roman, mode de relation des pensées d’un personnage au style direct ou indirect libre, lorsqu’il occupe une large place, et que tout est mis en œuvre pour suggérer une pensée brute en train de s’élaborer, sans aucune intervention du narrateur pour y mettre de l’ordre :
Personne ne peut me sauver... Mais moi-même... Mais comment ai-je pu vouloir les narguer?...Moi-même... Mais c’est de moi qu’à mon insu sort le courant, tout ce que j’admire en est aussitôt traversé, ma sottise de moi sur tout ce que j’aime se répand... de moi-même sur moi elle coule et mon appréciation de moi-même ne peut que me figer en cela : un sot. (Nathalie Sarraute, Les Fruits d’or)
Les expressions anglaises stream of thought (courant de pensée), stream of consciousness (courant de conscience), thought train (enchaînement de la pensée) font mieux apparaître le déroulement continu de la pensée. Le terme désigne également un roman entièrement écrit de cette façon, de sorte que tout y est raconté par l’intermédiaire d’une conscience particulière. Tout le roman est alors en focalisation interne. Avant même Joyce qui rendit célèbre la technique dans Ulysse, le procédé avait été employé par Edouard Dujardin dans son roman Les Lauriers sont coupés (1887). Il le définit ensuite (1931) comme un «discours sans auditeur et non prononcé, par lequel un personnage exprime sa pensée la plus intime ». La nouvelle Amants, heureux amants de Valéry Larbaud est écrite entièrement de cette façon. Le roman Les Vagues de Virginia Woolf fait se succéder une série de monologues intérieurs émanant des différents personnages et entrecoupés de descriptions poétiques. On a alors affaire à ce que l’on a appelé le réalisme subjectif, puisqu’on est au plus près de la conscience des personnages, de même que dans le réalisme objectif on est au plus près des faits. L’inconvénient de cette technique est qu’elle aplatit la chronologie dans le temps intérieur du personnage, et qu’elle ne permet de savoir de sa vie intime que ce qu’il en sait lui-même.


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