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MONTHERLANT Henry Millon de 1895-1972

MONTHERLANT Henry Millon de 1895-1972
Romancier et auteur dramatique, né à Paris. Théoricien du « principe de l’alternance » (Il n’y a pas, écrit-il, un Montherlant : il y a des Montherlant. Tous sont véritables) ; pourtant, nous négligerons un peu cet aspect de l’écrivain : « le penseur » (le penseur politique, en particulier, qui s’est égaré plus d’une fois). Et ce, au profit de l’auteur de poèmes lyriques, romanesques ou dramatiques et du créateur de personnages (Alban, Costals, Malatesta), en un mot, celui-là qui a écrit : Je suis poète, je ne suis même que cela. Ses débuts sont fulgurants. Depuis 1911 (date des premiers exploits tauromachiques en Espagne : il a seize ans, et, déjà, estoque ses premiers « fauves ») jusqu’à 1927 (date de l’ultime intervention dans l’arène : il y reçoit un coup de corne qui lui taillade un poumon), Montherlant a trouvé le temps de s’engager (1915; il sera grièvement blessé), de pratiquer avec éclat course à pied, football, etc., d’écrire La Relève du matin (1920), et surtout Le Songe (1922), que va suivre, en 1926, sur le thème de la tauromachie, Les Bestiaires. Ces deux derniers romans sont animés par le personnage d’Alban de Bricoule, qui ressemble fort à l’auteur (et qui reparaîtra, bien affadi, en 1969 dans Les Garçons). Enfin, il a publié une pièce de théâtre, L’Exil (écrit en 1914), et terminé la première version de Pasiphaé, la plus lyrique de toutes ses œuvres destinées à la scène. D’autre part, sur le plan proprement poétique, outre un fort discutable Chant funèbre..., en 1924 (notons qu’il avait été nommé en 1918 secrétaire général de l’ossuaire de Douaumont), Montherlant a déjà donné un de ses chefs-d’œuvre, qui va clore de magistrale façon cette première période que l’on peut qualifier d’héroïque : Les Olympiques (1924 ; I : Le Paradis à l’ombre des épées, et II : Les Onze devant la porte dorée). Dignes par leur envolée de leur glorieux modèle pindarique, ces hymnes en prose chantent la gloire du « sport » en principe, mais, surtout, du corps; corps du jeune homme et corps de la jeune fille, saisis en pleine action, brillants de rire et de sueur, dans la franchise de leur libre compétition sexuelle. En ce point de sa vie, rendu inapte à l’effort physique par sa blessure dans l’arène, Montherlant se revanche d’un tel coup du sort par un voyage. Ou plutôt : une série de voyages (Italie, Espagne, Tunisie, Algérie). À moins qu’il ne veuille ainsi (c’est l’époque du voyageur traqué, dit-il) s’échapper à lui-même: Aux fontaines du désir (1927), La Petite Infante de Castille (1929). En 1934 son retour en France est marqué 1° par la publication d’un livre de poèmes qui passe presque inaperçu (Encore un instant de bonheur), et 2° la même année, par le franc succès d’une bouffonnerie, chez lui bien inattendue, le roman des Célibataires, qui dépeint la fin d’une certaine aristocratie, pauvre et démoralisée.
Mais, aux yeux du grand public, la gloire n’éclate qu’en 1936 : c’est la sortie en librairie - c’est le « scandale » - du premier volume d’un cycle romanesque, Les Jeunes Filles (suivi de Pitié pour les femmes, la même année ; Le Démon du bien, 1937, et Les Lépreuses, 1939). Le personnage central, fort discuté, Pierre Costa - rebaptisé Costals, plus tard - a pu paraître un second Alban de Bricoule ; mais si ce nouveau « porte-parole » est bien, en effet, aussi séduisant et plein de feu que le premier, la chute de tension, sur le plan humain, est violente. La magnanimité n’est plus ici que hauteur. Alban, c’était l’homme assoiffé de beaux gestes et de paroles fières, un peu fanfaron mais vraiment noble : l’homme qu’est, en fait, Montherlant ; Costals, c’est l’être insolent, fort à son aise avec les femmes, et, au total, insupportable, que rêve d’être Montherlant. C’est, pour cette raison même, une belle création : ce n’est pas un prête-nom. (D’ailleurs, le très rigoriste Romain Rolland ne s’y est pas trompé, qui, dès le premier jour, saluait en ces Jeunes Filles un livre satirique, et par suite résolument moral.) L’auteur rien a ici qu’à cette fausse féminité qu’est la sensiblerie, à la femme veule - indigne de l’homme ; à la femme formée de mère en fille, dit-il, à une morale de midinettes (la formule est savoureuse). Et il appelle de tous ses vœux la véritable femme, égale de l’homme et non pas au sens vulgaire mais au sens poétique, c’est-à-dire : la femme digne de l’homme, gaie, drue, cette femme qu’il veut aider à naître en bafouant l’autre, en la déshonorant. En la disqualifiant, comme disent les sportifs. Au surplus l’œuvre de Montherlant (depuis le temps des championnes du Songe et des Olympiques jusqu’à cette prétendue pièce boulevardière, Celles qu'on prend dans ses bras; et même, en définitive, jusqu’à La Muse libertine) est un appel vers la femme qui serait enfin camarade de récréation, de jeu à match ouvert, de dialogue joyeux, voire de méditation; mais camarade, enfin. Cette conception de la future et vraie femme (femme qu’il en est réduit à « rêver », ce dont il ne décolère pas) remplit jusqu’au bord son œuvre tout entière, dont elle entretient tour à tour la chaleur, l’enthousiasme mystique, ou même la rage. Alors qu’elle est absente, pratiquement, de l’œuvre de ses contemporains ; et même totalement de celle, par exemple, de Jules Romains, que l’on n’a jamais soupçonné de misogynie.
Mais quittons ces « scandaleuses » Jeunes Filles ; à l’exemple de l’auteur lui-même qui sitôt après ce grand succès romanesque laisse là son public. Il s’aventure dans le domaine du théâtre. Mais sa nouvelle version - plus étrange encore - de Pasiphaé (1938) échoue. Quand il aura réussi, quatre ans plus tard, grâce au triomphe de La Reine morte (1942), à rassembler autour de cette nouvelle « lice » une nouvelle foule tout aussi attentive (et plus chaleureuse, au demeurant, que celle de Montherlant le romancier), il donnera encore au théâtre Malatesta (1946), Le Maître de Santiago (son chef-d’œuvre, 1947), et Celles qu'on prend dans ses bras (1950) ; puis il semblera hésiter un instant. Sa production va dès lors se multiplier dans toutes les directions à la fois ; théâtre, essai, roman (Les Garçons, 1969 ; cf. ci-dessus). Mais le meilleur de lui-même, à ce stade de sa carrière, c’est à de simples carnets de notes qu’il le prodigue : trésor de « petits faits » vécus ; aveux déguisés, ou plutôt métamorphosés en aphorismes. Or, dans ce domaine de la notation personnelle et même confidentielle, élevée par le verbe jusqu’à la maxime, c’est-à-dire jusqu’à l’universalité (genre qu’il n’a cessé de cultiver depuis ses premiers livres), son apport est solide comme l’« antique » (acre perennius) : Carnets tomes I et II..., Va jouer avec cette poussière (publiés en 1948,1957,1966). Pourtant, le plus complet de ces aveux, le plus propre à donner à cette étonnante figure l’éclairage qui l’explique, c’est sans doute dans son premier livre, L'Exil (écrit à l’âge de dix-huit ans, paru quinze années plus tard), que Montherlant nous l’a livré : Hélas, je suis un tendre. Souvent, on ne s'en douterait pas.




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