narrataire narrateur narration narratologie naturalisme naturisme neglegentia diligens néoclassique
narrataire. Destinataire (allocutaire) d’un récit. Le nar-rataire peut être un personnage (auditeur d’un récit par exemple, comme les voyageurs de L ’Heptaméron de Marguerite de Navarre qui se racontent entre eux des histoires, 1559), une figure du lecteur que le texte interpelle (comme dans Jacques le Fataliste de Diderot), ou encore le « cher journal » auquel le diariste confie sa journée, etc. Le narrataire peut aussi être totalement implicite (on dit qu’il est « effacé ») ; on doit alors envisager la relation narrataire/lecteur, sur le modèle de la relation narrateur/ auteur. Comme tout texte, le récit est composé en vue d’un lecteur modèle, qui a la compétence nécessaire pour interpréter les données ou faire les inférences que le texte cherche à provoquer.
narrateur. Tout locuteur d’un récit (« conteur »). Le narrateur peut apparaître explicitement dans le je qui prend en charge certains récits (dits « à la première personne », comme A la recherche du temps perdu de Proust, 1913-1927). Le personnage d’un récit peut aussi se retrouver en position de narrateur, le temps d’un récit enchâssé. On considère traditionnellement que tout récit a un narrateur, même si celui-ci n’est jamais désigné dans le texte ; on parle alors de narrateur implicite ou effacé (comme dans L'Education sentimentale de Flaubert) et on a soin de distinguer cette instance énonciative, qui gère le récit de fiction, de l’auteur du texte. Dès lors, il y a lieu d’étendre cette notion de narrateur aux cas où l’on ne peut lui attribuer directement aucun énoncé, mais où il gère le déroulement général du récit, comme dans le roman dialogué ou le roman par lettres. Dans ce dernier cas, on parle pourtant plus précisément d’archi-énonciateur.
narration. Fait de raconter un événement, de produire un récit. La narration s’oppose donc au récit, comme l'énonciation (acte de production) à l’énoncé (texte produit). Ressortissent à l’analyse de la narration l’ensemble des choix techniques de présentation des données narratives, tels que le mode (première personne ou narration impersonnelle), le point de vue, le rythme narratif, etc. Pour le sens rhétorique, voir l’article disposition.
narratologie. Partie de la linguistique et de la critique littéraire qui s’attache au récit, à son fonctionnement, à ses modalités, etc. Les deux grandes questions traditionnelles de la narratologie sont celles de la structure du récit (intrigue, temporalité...) et celle de l’instance narrative. Mais le narratologue travaille aussi sur des composantes secondaires comme la question du personnage, le rôle des informations non narratives, etc. Il s’agit dans tous les cas de mettre en évidence des invariants et de proposer des classifications sur une base formelle. La narratologie contemporaine est essentiellement redevable au formalisme russe des années 1920 (Vladimir Propp, par exemple) et au structuralisme français des années 1960-1970 (Lévi-Strauss, Greimas, Barthes, Genette).
naturalisme. Mouvement littéraire qui se développe à la suite du réalisme, principalement dans le domaine romanesque, dans le dernier tiers du XIXe siècle. Dès 1863, le critique d’art J.-A. Castagnary parlait d’une « école naturaliste » en peinture. É. Zola reprend le mot et fait bientôt du naturalisme un drapeau, notamment à travers deux « campagnes » qu’il mène dans la presse, en 1865-1866 (articles repris dans Mes haines, 1866) et en 1877-1881 (repris dans Le Roman expérimental, 1880 et dans Les Romanciers naturalistes, Le Naturalisme au théâtre et autres recueils en 1881). Pour Zola, le naturalisme, défini comme « un coin de la nature vu à travers un tempérament », est à situer dans la perspective du mouvement scientifique moderne qui, depuis les Lumières, cherche à analyser les lois du comportement humain. Plus que par une poétique ou une thématique, le naturalisme se caractériserait par une méthode partiellement empruntée à la science expérimentale, à la médecine (étude de cas, influence de l’hérédité), mais aussi à l’enquête sociologique (étude des milieux), voire journalistique (utilisation de faits divers). Il faut « tout voir et tout peindre » (Zola). Tous les niveaux de la société doivent être étudiés. Pour la première fois, la vie ouvrière entre dans la littérature.
Sans qu’on puisse parler d’« école » au sens strict, un grand nombre de romanciers, admettant tout ou partie des principes énoncés par Zola, se laissent au moins pour un temps rattacher au naturalisme, dans une atmosphère d’intenses polémiques. Les Concourt, dont le roman Germinie Lacerteux (1865) fait figure de premier roman naturaliste, ne se laissent pas embrigader mais mènent un combat parallèle, tout en rappelant leur antériorité. Le jeune J.-K. Huysmans est un partisan convaincu, Alphonse Daudet un compagnon de route. Selon la périodisation d’Yves Chevrel, une « première lame de fond naturaliste» se situe en 1879-1881. En 1880, Les Soirées de Médan, recueil de nouvelles sur la guerre de 1870 signées Zola, Maupassant, Huysmans, Henri Géard, Léon Hennique et Paul Alexis, imposent l’existence d’un groupe. Les années 1885-1888 sont celles du « naturalisme triomphant », non seulement en France mais en Europe (Zola, Germinal, Maupassant, Bel-Ami, 1885 ; au théâtre : Tolstoï, La Puissance des ténèbres, 1886, Strindberg, Mademoiselle Julie, 1888). Le début de la décennie 1890 voit passer la « dernière vague naturaliste ». La publication du Docteur Pascal en 1893 marque l’achèvement de la grande fresque des Rougon-Macquart, régulièrement poursuivie par Zola depuis La Fortune des Rougon (1871) à raison d’un volume annuel.
Le naturalisme suscita des réactions violentes, des critiques acerbes (Brunetière, Le Roman naturaliste, 1882), des dissensions internes et des défections. Dès 1884, A rebours de J.-K. Huysmans, roman à un seul personnage, écrit en partie sur le mode du soliloque et proclamant que « la nature a fait son temps », ouvrait la voie du décadentisme. Huysmans expliquera plus tard que le naturalisme zolien commençait à lui paraître une impasse (préface de 1903). Bien des thèmes sont communs cependant au naturalisme et à la littérature de la « décadence », l’optimisme final affiché par Zola ne pouvant suffire à compenser la somme de tares, de névroses, de crimes et de malheurs que le naturalisme met au jour dans la peinture d’un monde moderne à la fois révéré et condamné.
naturisme. Mouvement fondé autour de 1895 par Saint-Georges de Bouhélier et Maurice Leblond qui, contre le symbolisme, prône « une joyeuse acceptation du monde » qu’il convient de célébrer au plus près de ce qu’il est, le naturisme est une philosophie de l’existence autant qu’une doctrine littéraire. Des œuvres s’en réclamèrent jusque vers 1910, mais aucune d’entre elles n’eut vraiment d’éclat, et si André Gide, Francis Jammes ou Paul Fort témoignèrent un moment de la sympathie pour le mouvement, ils restèrent en dehors de lui.
neglegentia diligens. Cette expression due à Cicéron, que l’on peut traduire littéralement par « négligence diligente », désigne une notion cruciale de la pensée rhétorique classique : elle est liée à l’idée de naturel et appartient aux qualités du style simple. Elle vise l’idéal d’élégance de la parole souple et improvisée de la conversation {sermo), et s’oppose donc aux aspects trop artificiels d’une rhétorique publique : cet idéal nourrit tout l’imaginaire de la conversation classique, qui est elle-même le « patron » de la littérature mondaine (romans, nouvelles, comédies, poésies), et correspond aussi au naturel rêvé d’une langue française où l’on s’efforce de définir le « bon usage » en voulant échapper au pédantisme des grammairiens. Venue de la rhétorique, cette notion est au cœur de la sociabilité mondaine qui s’instaure alors autour de l’idéal d’honnête homme : elle a été relayée par l’Italie (avec la sprezzatura décrite dans Le Courtisan de Baldassare Castiglione) et aboutit au « je-ne-sais-quoi » défini par le P. Bouhours, qui qualifie ainsi ce qui fait l’élégance d’un discours sans qu’il soit possible de le définir avec précision {Entretiens d'Ariste et d'Eugène, 1671).
néoclassique. Cet adjectif désigne généralement l’esthétique qui a dominé, en Europe, de la veille de la Révolution française jusqu’au romantisme : il caractérise un retour aux formes antiques, redécouvertes notamment par l’archéologie et l’histoire de l’art du second XVIIIe siècle {Histoire de l'art de l'Antiquité de Winckelmann, 1764), et il correspond à une réaction contre les excès de l’esthétique rococo dominante au milieu du siècle. En littérature, néoclassique s’applique par extension aux œuvres qui s’inspirent à nouveau des sources grecques et latines, à la fois par goût de la simplicité, et par nostalgie pour les grands modèles classiques de la littérature du XVIIe siècle : à ce titre, Fénelon, auteur du Télémaque (1699), est un grand modèle pour les années 1770-1780. Le poète André Chénier (1762-1794) est caractéristique de cette tendance esthétique, qui sera dominante pendant le Premier Empire (au point de s’identifier avec cette période), quitte à dériver vers un académisme un peu artificiel. Contemporain du romantisme, Maurice de Guérin (1810-1839) poursuit cette tendance dans les années 1830 {Le Centaure, 1835), et, à la fin du XIXe siècle, une nouvelle tentative de retour aux sources helléniques, liée à l’École romane, peut être qualifiée aussi de néoclassique (Jean Moréas, Les Stances, 1905).
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