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Narration Naturalisme Néologisme Niveau de langue Nom propre Nonsense Nouveau Roman

Narration. Façon dont, dans un récit, les événements sont relatés par un sujet dit narrateur. Dans une œuvre littéraire, le narrateur est distinct de l’auteur, l’écrivain, même s’il lui arrive d’entretenir avec lui des relations privilégiées. Le narrateur peut se manifester comme tel dans la narration. On parle alors de narration intradiégétique, comme dans Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier. Il peut au contraire en être complètement effacé, n’être qu’une voix anonyme qu’on ne sait pas exactement à qui attribuer, par exemple dans les romans de Flaubert. Il est alors extradiégétique. Le narrateur peut être un personnage du récit, comme c’est nécessairement le cas dans l’autobiographie, mais aussi dans certains romans, comme Manon Lescaut où Des Grieux est tout à la fois narrateur et personnage. On dit alors qu’il est homodiégétique. Il peut au contraire en être distinct, tel le narrateur des Faux-Monnayeurs de Gide. Il est alors hétérodiégétique. Ces catégories peuvent se combiner : ainsi le narrateur du Moulin de Pologne de Giono est-il tout à la fois intradiégétique et hétérodiégétique, puisque, s’il se manifeste dans la narration, il ne joue pas de rôle dans l’histoire. La relation du narrateur au personnage détermine le point de vue. Le narrateur s’adresse, implicitement, ou explicitement, à un destinataire, que l’on appelle parfois un narrataire. Il est intéressant dans une narration d’étudier l’image de ce destinataire, figure du lecteur dans le texte. Il peut être évoqué dans le texte, comme dans La Modification de Butor qui s’adresse à un vous omniprésent, qui est en même temps un personnage du roman. Il peut à l’inverse ne représenter qu’une sorte d’horizon, et n’être constituable qu’à travers les détails choisis par le narrateur, qui agence son récit en partie en fonction de lui. > Focalisation, intrigue, personnage, roman • Genette G., 1973.

Naturalisme. Courant littéraire qui systématise la voie ouverte par le réalisme, par l’observation méthodique et objective de la réalité, et dont Zola est le chef de file. Deux textes consacrent, en 1880, la naissance du naturalisme. Le Roman expérimental est un recueil d’articles où Zola expose sa théorie du roman. Les Soirées de Médan sont un recueil collectif (publié sous l’égide de Zola) de nouvelles écrites par cinq de ses amis qui se réunissent régulièrement chez lui à Médan. Ce sont Maupassant, Huysmans, Hennique, Céard, Alexis. Zola se réclame de Flaubert, de Balzac et même de Stendhal, chez qui il trouve déjà la recherche de la vérité psychologique et la constitution de documents humains, toutes deux absentes des romans antérieurs. C’est grâce aux contemporains de Flaubert, à cette « génération de 1850 », selon la terminologie de Thibaudet (critique de la N.R.F. dont l’œuvre domine l’entre-deux-guerres) que pourra s’opérer le passage du réalisme au naturalisme. Ce sont notamment Henri Murger, Husson, Champfleury, Duranty.
Les prédécesseurs immédiats de Zola sont les frères Concourt, Edmond et Jules. Pour ces deux historiens, le roman ne doit pas être le produit de l’invention, mais le récit d’événements réels : souvenirs personnels ou histoires rapportées. Ils font entrer le peuple sur la scène littéraire, peignant crûment la misère du prolétariat (le monde des prostituées, celui des hôpitaux, etc.). Ex. : Germinie Lacerteux, 1865, raconte la vie d’une servante hystérique. Les Concourt annoncent les buts de Zola qui déclarera dans la Préface de L'Assommoir en 1877 : «C’est une œuvre de vérité, c’est le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l’odeur du peuple. » Zola emprunte à Claude Bernard, dont l’Introduction à l'étude de la médecine expérimentale date de 1865, sa définition de la méthode expérimentale. Cette caution scientifique est pour lui une confirmation de sa méthode de romancier. Selon Claude Bernard, cette méthode applicable à l’étude des corps bruts (en chimie et en physique) l’est également aux corps vivants (en physiologie). Conduisant à la connaissance de la vie physique, elle devrait également, selon Zola, mener à la découverte des mécanismes de la vie passionnelle et intellectuelle. Reprenant la distinction établie par Claude Bernard entre science d’observation et science d’expérimentation, et sa définition de l’expérience comme une observation provoquée, Zola demande que le romancier, qui jusqu’ici n’a été qu’un observateur, soit aussi un expérimentateur. Il doit exposer les faits tels qu’il les a observés puis, en tant qu’expérimentateur, faire mouvoir les personnages d’une histoire particulière pour montrer que la succession des faits y est telle que l’exige le déterminisme des phénomènes étudiés: «Le problème est de savoir ce que telle passion, agissant en tel milieu et dans telle circonstance, produira au point de vue de l’individu et de la société. » Empruntant à Claude Bernard l’idée que, dans l’étude du vivant, deux facteurs sont à considérer : le milieu intérieur et le milieu extérieur, Zola veut analyser l’influence sur l’individu de deux paramètres, la société et l’hérédité. Aussi élabore-t-il de 1871 à 1893 cette Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire, cycle de dix-neuf romans consacrés aux Rougon-Macquart, famille qu’il étudie à travers cinq générations successives et dont il dessine même l’arbre généalogique dans Le Docteur Pascal, roman qui constitue la clausure du cycle. Une telle conception du roman infléchit l’écriture du romancier. Le roman étant une enquête impersonnelle comme celle d’un greffier, la description est l’outil majeur de l’écrivain. Zola, pour chacune de ses œuvres, constitue un « dossier préparatoire » rassemblant notes, documents. Les naturalistes sont surtout des romanciers. Zola, qui rêve également d’un théâtre naturaliste, définit sa conception du théâtre, héritée de celle de Diderot et de Sébastien Mercier en qui il salue ses prédécesseurs, dans Le Naturalisme au théâtre, texte de 1881. Il crée, en 1887, avec un metteur en scène, Antoine, le Théâtre Libre où sont produites les pièces naturalistes. Lui-même adapte pour la scène quelques-uns de ses romans, dont Thérèse Raquin et Nana. Comme la scène est censée représenter le monde réel, Zola attache beaucoup d’importance au décor, qui est l’équivalent, selon lui, de cette « tranche de vie » que le romancier essaie de saisir. Le décor doit fonctionner comme des « descriptions continues ».
Les œuvres dramatiques créées par les naturalistes, celles de Victorien Sardou, d’Alexandre Dumas fils, d’Augier, de Becque (Les Corbeaux, 1882) ne répondent pas à l’attente de Zola. Cet échec du théâtre naturaliste était inévitable dans la mesure où l’exigence du réalisme est incompatible avec la scène. Zola et Antoine, voulant substituer la réalité brute à sa représentation, nient la théâtralité. L’influence du naturalisme en France est immédiate sur des romanciers comme Jules Vallès, Jules Renard, Octave Mirbeau. A l’étranger cette influence est immense, notamment en Allemagne sur le théâtre de Hauptmann, en Russie, sur Tolstoï, Tchékhov, en Scandinavie sur Ibsen, Strindberg, Knut Hamsun, enfin en Italie sur Giovanni Verga, fondateur du vérisme, et aux Etats-Unis sur Steinbeck, Hemingway (tous deux très marqués par Maupassant).

Néologisme. Mot nouvellement introduit dans la langue. Les néologismes peuvent être de forme, lorsque le signifiant lui-même est nouveau, ou d’emploi, lorsqu’il s’agit d’un signe déjà existant utilisé avec un sens nouveau. Les néologismes qui sont une des manifestations de la vie des langues peuvent répondre à des besoins collectifs pour désigner par exemple des réalités nouvelles, comme alunir, qui fut un néologisme lorsqu’on atterrit pour la première fois sur la lune. Ils cessent alors très vite d’être sentis comme tels et s’intégrent dans le lexique de la langue. Ils peuvent également être le résultat d’une création individuelle, auquel cas ces mots fabriqués (par exemple par Boris Vian, Henri Michaux) ont moins de chance de s’imposer et continuent à être ressentis comme des éléments marginaux.


Niveau de langue. Variations à l’intérieur d’une communauté linguistique qui sont affectées par le groupe d’un plus ou moins grand prestige. Tout groupe linguistique, en particulier en fonction de la situation, possède une multiplicité d’usages qui sont classés à l’intérieur du groupe : par exemple, langue populaire, langue standard, langue littéraire. Ces classements n’ont aucune valeur absolue. Ils varient selon les normes sociales et esthétiques du groupe. Les trois styles de la rhétorique ancienne constituent un de ces classements. A côté des niveaux de langue, il faut faire une place aux registres de langue qui concernent la variation des usages selon le médium utilisé, écrit ou oral, et selon les domaines visés, courants ou spécialisés. Ainsi analepse est-il un terme technique du vocabulaire de la critique, qui désigne la même chose que le mot courant retour en arrière.


Nom propre. Nom qui renvoie à un individu, et sert à le désigner, mais n’a pas de définition. Ainsi la seule façon de définir un prénom comme Jean est-elle de dire qu’il s’agit d’un nom qui désigne un individu appelé Jean ! Les noms propres peuvent être des noms de lieu, d’institutions, d’animaux, des anthroponymes, c’est-à-dire des noms de personne. Ils se caractérisent linguistiquement par un certain nombre de particularités morpho-syntaxiques, comme, sauf exception, le fait de ne pas prendre d’article, ou de ne pas s’employer au pluriel. Comme un matricule, ils servent à identifier et à classer, mais ils sont souvent liés à l’énonciation, puisqu’ils peuvent servir à interpeller. Ils ont donc une place intermédiaire entre les noms communs et les déictiques. S’ils n’ont pas à proprement parler de contenu, ils se chargent de toute une série de valeurs affectives, en particulier les hypocoristiques, Pierrot, Nine, etc., et symboliques. Les prénoms et les noms de lieu en particulier, comme on le voit par exemple chez Proust : [...] le nom de Guermantes ayant repris pour un instant après tant d’années le son, si différent de celui d’aujourd’hui, qu’il avait pour moi le jour du mariage de Mlle Percepied, il me rend ce mauve si doux, trop brillant, trop neuf, dont se veloutait la cravate gonflée de la jeune duchesse, et, comme une pervenche incueillissable et refleurie, ses yeux ensoleillés d’un sourire bleu. (Proust, Le Côté de Guermantes) possèdent une charge poétique très grande et sont le point de départ de toute une série d’évocations parce qu’ils se rattachent à une histoire, collective ou personnelle. C’est cette charge affective qui explique qu’ils soient souvent motivés.

Nonsense. Forme particulière de l’humour qui à proprement parler n’offre pas de sens. Le nonsense est une pensée sans consistance qui peut ignorer les règles de la logique, et confiner à l’absurde, mais peut aussi par la tautologie (a est a) ou la profération d’évidences, parler pour ne rien dire. Derrière une apparence de sérieux et d’objectivité, se fait jour une pure mécanique verbale qui fonctionne à vide. Le nonsense est d’origine britannique et naît avec la publication en 1846 du Book of Nonsense d’Edward Lear, en principe adressé à un public d’enfants et rempli de petits poèmes aussi abracadabrants que les comptines. Lewis Carroll lui succédera avec Alice au pays des merveilles et La Chasse au snark. En France, les héritiers de cette forme d’humour sont Alphonse Allais ou Alfred Jarry et plus proche de nous, R. Devos ou P. Desproges :
Yang-Tseu-Kiang (le), le plus long fleuve de Chine, appelé aussi fleuve Bleu bien qu’il tire sur le rouge*. Le Yang-Tseu-Kiang est un fleuve surprenant. Un de mes amis brasseur d’affaires internationales, qui l’avait bien descendu et à qui je demandais ses impressions, m’a répondu: «Le Yang-Tseu-Kiang est un fleuve surprenant. » C’est bien ce que je disais. *En Chine, il est interdit de tirer sur quelque rouge que ce soit. (P. Desproges, Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis, Paris, Seuil, 1985)
S’il est souvent source de comique, le nonsense, en particulier parce qu’il révèle les possibilités que possède le langage de tourner en rond, peut être également, comme chez Ionesco, générateur d’angoisse.

Anthologie du nonsense, ouvrage de Robert Benayoun (1957) recueillant, dans le domaine français, anglais et allemand, des exemples de ce défaut de sens commun ou encore de cette absence de sens final caractérisant le « nonsense », auquel il conserve sa graphie britannique pour le différencier des théories contemporaines sur l'absurde. La faculté d'émerveillement, la mystification et la logique du contradictoire affectent ce parcours privilégiant les fatrasies médiévales, et, pour l'âge d'or, Edward Lear, Lewis Carroll — période prolongée avec A. Allais et Jarry jusqu’à Desnos, Tardieu, Ionesco, Benchley, Chase Taylor.


Nouveau Roman. Roman créé après la guerre par des écrivains qui témoignent d’un refus commun des formes romanesques antérieures. Si certains ont commencé à écrire avant-guerre, comme Sarraute, Beckett, Duras, la plupart des œuvres sont produites entre 1950 et 1970. On regroupe sous cette étiquette des romanciers comme Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Michel Butor, Alain Robbe-Grillet, Jean Ricardou, Claude Ollier, qui constituent un groupe, et comme Samuel Beckett, Robert Pinget ou Claude Simon qui font cavalier seul. Certains de ces écrivains sont aussi auteurs dramatiques. C’est le cas de Beckett, de Pinget, Duras, Sarraute. Duras et Robbe-Grillet, passionnés par les recherches cinématographiques, écrivent également des scénarios de film. Ex : en 1959, Duras écrit, pour Alain Resnais, le scénario d'Hiroshima mon amour. Ce courant est reconnu dès les années soixante, grâce aux théorisations de Robbe-Grillet (Pour un nouveau roman, 1963), de Butor (Répertoire I et II, 1960-64), puis grâce à celles de Ricardou (Problèmes du Nouveau Roman, 1967). Pour les nouveaux romanciers, « le monde n’est ni signifiant ni absurde, comme l’affirme Robbe-Grillet. Il est tout simplement». Selon eux, cette réalité, opaque, est très difficile à saisir par le langage. Aussi le roman leur apparaît-il comme le domaine phénoménologique par excellence, le lieu où étudier de quelle façon la réalité nous apparaît. De cette prise de conscience résulte une esthétique nouvelle, amorcée au XIXe siècle par Flaubert, puis au début du XXe siècle par Proust, Kafka, Joyce et Faulkner. La littérature est entrée désormais dans «l’ère du soupçon» (titre d’un recueil d’articles de Sarraute, sur le roman, datant de 1956). Comme ces écrivains ont le sentiment que l’expérience vécue est une énigme indéchiffrable, leur écriture est entachée d’incertitude, à tous les niveaux de la fiction. La crédibilité de l’intrigue est sans cesse mise en question. Le paradoxe du menteur est au cœur de l’écriture d’un Robbe-Grillet ou d’un Beckett (cf. Molloy, 1951). Les repères temporels, volontairement brouillés, ne permettent pas de distinguer scènes présentes et passées. L’absence de frontière entre le réel et l’imaginaire, dans cette littérature très marquée par la psychanalyse, ne permet pas non plus de différencier scènes remémorées ou imaginées. Le romancier ne croit pas davantage à l’existence de son personnage, que parfois il ne nomme pas, comme en témoigne le titre du roman de Beckett L'Innommable, ou affecte de noms différents, ou désigne simplement par une lettre (héritage de Kafka). L’espace, scrupuleusement décrit, est également perçu comme un labyrinthe. L’objet, appréhendé dans des descriptions interminables, échappe toujours à la saisie. L’abondance de détails, loin de le caractériser, augmente son opacité. Le paradoxe de ce « nouveau réalisme», selon les termes de Robbe-Grillet, c’est qu’il crée une atmosphère d’étrangeté. «Rien n’est plus fantastique, en définitive, que la description », déclare Robbe-Grillet.
Le Nouveau Roman se caractérise par son autoréflexivité, s’interrogeant sans cesse sur ses matériaux (le langage est l’objet d’un questionnement perpétuel, dans tous les romans de Beckett), sur ses modes de fonctionnement.


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