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NOËL Bernard 1930

NOËL Bernard 1930 Poète et romancier, né à Sainte-Geneviève-sur-Argence, Aveyron. Le public, en général, a découvert Bernard Noël à l’occasion de son roman Le Château de Cène (1969, chez Jérôme Martineau), connu surtout dans sa réédition chez J.-J. Pauvert en 1971. Un chef-d'œuvre. Et salué comme tel par André Pieyre de Mandiargues : « Le très priapique, très ésotérique et très luxueux et très flamboyant Château de Cène, que je crois pouvoir attribuer à l'un des plus purs parmi les jeunes poètes de ce temps. » Le livre était sorti sous pseudonyme et l'on ne sut le nom de l'auteur que lorsqu'il passa, la même année, en jugement pour « outrage aux mœurs ». Du coup, on apprit que Bernard Noël avait publié chez Flammarion plusieurs recueils de poèmes très favorablement accueillis par la critique et le public d'avant-garde (public bien clairsemé, comme l’on sait), mais qui vont être réédités dès lors - peu après le procès (1976)-en un seul volume. Et ce, dans une collection à grande diffusion (« 10/18 »): Extraits du corps, poèmes complets 1954-1970. Les titres de ses recueils antérieurs sont, en eux-mêmes déjà, très évocateurs du « climat» de son œuvre: Les Yeux chimères (l’auteur avait vingt-quatre ans), Extraits du corps, La Face de silence, À vif enfin la nuit, La Peau et les mots.
À l'exemple d’Antonin Artaud, et (plus encore) de D.H. Lawrence qui fut l’un des dieux de sa première jeunesse, il cherche à exorciser les monstres qui sont en lui (il a été élève du collège religieux d’Espalion, près de Rodez), et il décide de mettre au jour le corps, avec sesjoies, mais aussi ses «hontes»; qu’il nie (qu’il expulse) en les nommant. Froidement, crûment (... et baver, pourquoi pas [... ] Vider dehors tout ce dedans pour s'accrocher un nouvel organisme autour de la peau blanche et planter les yeux du côté rouge de l’écorché- il faudra bien que ma pensée ait aussi un cul et chie...). Il ne peut accepter que l’on ait honni le corps et insisté (avec un pieux et pesant acharnement) sur ses aspects les plus dérisoires (C'est l'esprit, dit-il, qui souille la chair). Le «physique» de l’amour doit être conçu comme un tout : tout compris. Avec son vomi, ses morves, ses glaires, ses humeurs, ses sanies. Ses râles aussi. Ses haut-le-cœur. Quand il nous parle de l’amour, on croit parfois qu’il parle de mort. Ou l'inverse. Ainsi dans La Face de silence (1967), ce début d'Un poème pourvoir:

la vie rentre le soleil va pourrir ailleurs la fleur noire entrouvre sa caverne.

Ou ceci, extrait d’un poème en prose de 1970: la bave aux lèvres [ ...], les yeux secs, brillants de désespoir et fixes; ce long poème, Une messe blanche, bien qu'illustré (par Alain Le Foll) d’un très audacieux nu partiel de femme, mais protégé par son éditeur (spécialisé dans les plaquettes de vers en province : Montpellier), n’a pas attiré la colère de nos justiciers littéraires. Comme, un an plus tard, Le Château de Cène! Ajoutons que le roman en question a valu à l’auteur le reproche de s’être abrité prudemment sous un nom d’emprunt; il s’en est justifié (dans Le Sens la sensure, 1985) par une boutade qui pourrait bien être après tout une indication sur l'âme pudique du poète Bernard Noël : Pourquoi un pseudonyme? Aujourd'hui je dirais que plus je suis l'auteur de mes livres et moins j'ai envie de les signer..


■ Œuvres - En poche : Le Château de Cène; Le Château de Hors; L'Outrage aux mots (en 1 vol., coll. L'Imaginaire).

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