PARNY Évariste de Forges, vicomte de 1753-1814

Poète (le seul, avec Chénier, au XVIIIe siècle), né à Saint-Paul dans l’île Bourbon, actuellement: Réunion. Fils de nobles planteurs, il' revient à vingt ans dans son île natale, s’éprend d’Éléonore, « blonde créole » de quatorze ans dont il veut faire sa femme, mais son père s’oppose à un mariage roturier. De retour en France, il chantera cet amour sincère dans ses Poèmes érotiques (1778). «Adjectif » qui peut prêter à malentendu : le champ d’application de cette notion n’allait guère au-delà de ce que les écrivains de la Renaissance nommaient poésie « anacréontique » ; et les élégies à l’adresse d’Éléonore, sans être chastes, sont dénuées de toute malice. Érotisme à ciel ouvert. Lamartine imitera d’ailleurs leur mélancolie, leur nonchaloir, mais sans rencontrer les mêmes bonheurs d’expression. Les strophes de Parny ont tout à la fois la sensualité chaleureuse et la fraîcheur d’âme de ces peuples qu’il aima et qu’il comprit. (Seul Leconte de Lisle, né à la Réunion comme lui, retrouvera cette savoureuse formule dans Le Manchy et La Fontaine aux lianes.) Mais son chef-d’œuvre reste le bref recueil des Chansons madécasses (1787): Belle Néhalé,. conduis cet étranger...; ou encore,-mise en musique par Ravel : Méfiez-vous des Blancs. Ce sont en vérité, sous prétexte de traductions, de libres improvisations, d’un rythme souple et nerveux, semées de rappels, d’un bout des « tirades » à l’autre bout, comme dans : Nahandove, ô belle Nahandove. Avant Baudelaire, et avant même Aloysius Bertrand, Parny crée ici le poème en prose. Hors de doute que l’auteur des Poèmes érotiques et des Chansons madécasses — seize pages dans l’édition actuelle - est, pour le grand public, à découvrir.

■ Œuvres - M.-P. Fouchet, Anthologie thématique de la poésie française (Seghers). - Chansons madécasses (tirage limité) (L'Arrière-Boutique, 1954). ■ Critique - R. Barquissau, Les Poètes créoles du XVIIIe siècle (Vigneau, 1949).