PÉGUY Charles 1873-1914
PÉGUY Charles
1873-1914
Poète, auteur dramatique, et aussi pamphlétaire politique, né à Orléans. Sa mort, au premier jour de la bataille de la Marne, termine en un style triomphal une existence vouée tout entière à la lutte. L’objet de cette lutte, il est vrai, devait changer en cours de route et à plusieurs reprises : foi catholique, foi révolutionnaire, et, de nouveau, foi catholique pour finir. Une chose est sûre, c’est que le poète ne crut pas un instant se renier lui-même. Orphelin.de père, élevé par sa mère (pieuse, droite et, de son métier, rempailleuse de chaises), il ne sera pas peu fier de sa « basse » condition. Fier aussi de son acharnement au travail, qui l’amènera, lui, l’ancien boursier au lycée d’Orléans, au poste tant désiré d’instituteur ; puis, étape par étape, jusqu’à l’École normale supérieure à Paris. Il y aura pour maître, entre autres, Henri Bergson, dont il va subir l’influence anti-intellectualiste. Mais il est, à cette époque de sa vie, surtout sensible aux idées révolutionnaires. Fondateur de la « Librairie socialiste » (où il bataille, lors de l’affaire Dreyfus, en faveur de la révision), son œuvre de début sera Marcel, premier dialogue de la cité harmonieuse (1897). Une fraîche et audacieuse Jeanne d’Arc (1897), œuvre dramatique en trois parties, développe un thème qui, depuis son enfance, le fascinait ; mais cette Jeanne, très peu historique, est comme lui-même à cette époque une révolutionnaire, et il nous la montre imposant le vouloir du peuple au pouvoir du roi.
Pourtant Péguy rompt très vite avec le socialisme et installe face à la Sorbonne, presque par défi, la célèbre « boutique » des Cahiers de la Quinzaine, d’où il va prendre à partie, précisément, les socialistes orthodoxes et l’enseignement officiel. De 1900 à 1914 sortiront 229 de ses Cahiers, tirés à moins de 1 000 exemplaires et dans des conditions financières toujours hasardeuses. « Boutiquier qui compte et recompte ses sous », a dit de lui Barrés (très admiratif pour le reste). En fait, le poète Péguy paya cher, en cette aventure, un excès de rectitude. Entier dans ses idées et dans ses principes moraux, jaloux de son indépendance, désintéressé ; c’était trop de vertus pour un directeur d’entreprise commerciale. Du moins ses lecteurs, subjugués, le suivirent-ils sans faillir dans son évolution surprenante et rapide à travers le catholicisme vers le nationalisme le plus cocardier. Sans doute, aussi, considéra-t-il toujours sa revue comme une maison vouée à l’édition par fascicule de son intarissable production personnelle, poétique ou polémique ; mais il faut souligner qu’il fit large place aux plus audacieux de ses confrères, et sans regarder de trop près si leurs thèses ne contredisaient pas les siennes (par exemple Anatole France, ou Romain Rolland).
Deux versants, très dissemblables l’un de l’autre, dans cette œuvre immense ; les poèmes (dramatiques ou épiques), qui sont d’un homme enclin au mysticisme et fort détaché des choses de ce monde ; et la prose, qui est d’un homme d’action, militant politique très préoccupé d’efficacité dans son prosélytisme, qu’il soit socialiste, ou socialiste chrétien, ou, vers la fin, chrétien nationaliste. Ce deuxième versant -prosaïque - de sa production n’est plus guère prospecté ; ni même vrai