Phénoménologie Pièce à tiroirs Platonisme Pléiade Poème en prose
Phénoménologie. Théorie philosophique qui, considérant que le monde n’est qu’une émanation de la subjectivité humaine, vise à décrire les «phénomènes» et les mouvements de la conscience qui les appréhende. Hegel, dans la Phénoménologie de l’esprit, la définit comme la « science de l’expérience que fait la conscience ». On désigne par « phénomène » ce qui est perçu par les sens, ce qui apparaît à la conscience dans le temps ou dans l’espace, par opposition à ce qui «est», à la chose en soi (appelée depuis Kant le « noumène »). Au sens strict, par phénoménologie on entend la méthode de Husserl (Idées pour une phénoménologie pure et pour une philosophie phénoménologique, 1913) et des philosophes qui se situent dans sa mouvance. Husserl désire appréhender à travers des événements les essences, c’est-à-dire les lois idéales. Celles-ci sont saisies intuitivement à l’occasion d’expériences sensibles singulières. Cette phénoménologie « pure ou transcendante » veut mettre en lumière le principe de toute réalité. Les phénoménologues qui se réclament de Husserl, comme Merleau-Ponty (Phénoménologie de la perception, 1945) et Sartre dans sa théorie de l’existentialisme, cherchent dans la perception le point de contact entre l’esprit et le réel. La littérature du XXe siècle est très marquée par les théories phénoménologiques de la perception, depuis Gide, Joyce ou Virginia Woolf et plus encore depuis la Deuxième Guerre mondiale avec des écrivains du Nouveau Roman ou du Nouveau Théâtre, comme Cl. Simon, S. Beckett ou E. Ionesco, et plus récemment encore avec des auteurs comme Peter Handke ou Thomas Bernardt.
► Existentialisme, Nouveau Roman, Nouveau Théâtre
Pièce à tiroirs. Pièce dépourvue d’unité d’action où des scènes épisodiques se succèdent, de façon décousue, reliées entre elles artificiellement par une intrigue. Ex : dans Les Fâcheux de Molière (1661), rien d’autre que le hasard ne motive les rencontres des personnages sur un boulevard parisien par un beau soir d’été. Chacun des « fâcheux » qui retarde Eraste entretient avec lui une conversation sans lien aucun avec celle des autres. Molière, dans l'Avertissement, explique l’aspect décousu de la pièce par le peu de temps qui lui fut imparti pour la créer : comme « il m’était impossible de faire un grand dessein, et de rêver beaucoup sur le choix de mes personnages et sur la disposition de mon sujet, [...] pour lier promptement toutes ces choses ensemble, je me servis du premier nœud que je pus trouver ». Les pièces à tiroirs sont rares, à l’inverse des romans à tiroirs. La représentation supporte difficilement l’éclatement de l’action, car c’est le regard du spectateur qui sert à faire le lien entre les différents épisodes : au sein du roman, en revanche, divers procédés, notamment l’intervention du narrateur, permettent d’établir un lien entre les épisodes. Platonisme. Pensée philosophique héritée de Platon dont l’œuvre est connue indirectement dès le Moyen Age (où elle influence la littérature courtoise) à travers les textes latins de Cicéron et de saint Augustin. A la Renaissance, l’œuvre de Platon est accessible directement, en traduction latine d’abord, en Italie, puis dans l’original grec, et en traduction française, grâce aux travaux des humanistes, ces infatigables traducteurs. Pour Platon, nous ne percevons que des apparences, car le monde visible n’est que la copie imparfaite du monde parfait et éternel des Idées. Tels les prisonniers de la caverne, enchaînés dans la nuit, qui ne perçoivent que des ombres dessinées sur le fond du mur de la caverne, nous sommes abusés en ce monde, victimes d’une illusion. Par la sagesse, nous devons essayer d’accéder au monde transcendant des Idées avec lequel notre âme a été en contact dans une vie antérieure et dont elle garde une confuse nostalgie. Prisonnière du corps, elle désire s’en libérer pour retourner dans l’absolu. L’amour, dans sa dimension spirituelle, peut lui permettre ce cheminement. Il est un moyen d’accéder à l’idéal. La pensée de Platon exerce une grande influence au XVIe siècle tant sur Rabelais que sur les poètes, ceux de la Pléiade et ceux de l’Ecole lyonnaise (Maurice Scève, notamment). Ces écrivains retiennent essentiellement deux idées, la conception de l’inspiration de Ion, selon laquelle le poète est un « interprète des dieux », et celle de l’amour, considéré comme une aspiration à la beauté idéale, issue principalement du Phèdre et du Banquet, comme en témoigne ce passage du 113e sonnet de L'Olive de du Bellay, intitulé « L’Idée » :
Là est le bien que tout esprit désire,
Là le repos où tout le monde aspire,
Là est l’amour, là le plaisir encore.
Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée,
Tu y pourras reconnaître l’idée
De la beauté, qu’en ce monde j’adore.
Roman à tiroirs. Roman où se succèdent plusieurs histoires rattachées plus ou moins directement à l’intrigue centrale. Ainsi, dans Les Métamorphoses d’Apulée, écrivain latin du IIe siècle ap. J.-C., le récit que fait le héros Lucius de ses aventures est interrompu par des récits secondaires qui concernent d’autres personnages et qui sont placés soit dans la bouche du narrateur, soit dans celle d’un individu dont il reproduit le propos. C’est ainsi que le Conte d’Amour et de Psyché est un récit second inclus dans le récit principal. Le roman à tiroirs est aux siècles classiques le modèle de composition du roman français, bien que certains romans, comme La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette soient déjà organisés autour d’une intrigue unique. C’est aussi celui du roman picaresque, comme on le voit dans Gil Blas de Santillane. Le Manuscrit trouvé à Saragosse du polonais Jean Potocki, publié en 1847, est le prototype du roman à tiroirs. On parle pour lui de romans à tiroirs gigogne, les histoires s’insérant les unes dans les autres : par exemple, un narrateur raconte une histoire dans laquelle un personnage devient narrateur d’une autre histoire. Un des apports du roman historique sera de ne plus raconter une série d’épisodes, mais de recentrer l’action, comme au théâtre, autour d’une crise centrale.
Pléiade. Nom donné à un groupe de poètes qui, à la Renaissance, sous le règne d’Henri II (1547-1559), se réunissent à Paris autour de Ronsard et qui adhèrent aux idées développées par Du Bellay dans sa Défense et illustration de la langue française (1549). Le groupe se nomme d’abord la Brigade. Le terme de Pléiade, qui désigne une constellation de sept étoiles, déjà usité dans l’Antiquité grecque par sept poètes alexandrins, est adopté par Ronsard en 1556. Il choisit à ses côtés Du Bellay, Jodelle, Baïf, Pelletier (traducteur d’Horace), Belleau, Tyard. Au groupe des sept s’ajoute Dorat (grand helléniste), La Péruse, Garnier, Grévin, etc. Ces poètes poursuivent un double but. Ils veulent, selon les termes même de Du Bellay, « défendre » la langue française contre ses détracteurs qui lui préfèrent le latin. De 1500 à 1549, fleurit en effet une poésie néolatine, inspirée de Virgile, d’Horace, etc., qui frise le plagiat. Les poètes de la Pléiade accomplissent sur la langue un travail considérable, ce qui leur vaudra, au début du XVIIe siècle, les foudres de Malherbe, soucieux de purisme. Ils introduisent quantité de termes techniques (empruntés au langage des petits métiers), de termes dialectaux, de mots tombés en désuétude. Ils forgent des termes savants, à partir de mots grecs ou latins qu’ils francisent, des mots composés. Ils créent des mots nouveaux par dérivation, c’est-à-dire en adjoignant à des termes existants des suffixes. Sur le modèle des poètes italiens comme Dante, Boccace, Pétrarque, L’Arioste, les poètes de La Pléiade désirent également « illustrer » la langue en lui donnant une grande littérature nationale, qui ne saurait être obtenue que par Limitation des Anciens et par le refus de l’héritage médiéval. Ils préfèrent à la traduction scrupuleuse des œuvres antiques, telle que la concevait la première génération d’humanistes au tout début du siècle, une imitation originale. Du Bellay qui emprunte partiellement à Quintilien sa théorie de l’imitation, incite l’écrivain à pratiquer journellement la poésie grecque et latine jusqu’à la faire sienne. La Pléiade prépare ainsi la voie au classicisme qui voudra également imiter les Anciens car ils ont eux-mêmes imité la nature à la perfection. Ces poètes condamnent les genres médiévaux, « comme rondeaux, ballades, virelais, chants royaux qui corrompent le goût de notre langue », comme le dit Du Bellay. Ils pratiquent les petits genres antiques, épigrammes, élégies, épîtres, satires et églogues que Marot a ressuscités au début du siècle. Ils prônent surtout le retour aux grands genres antiques : ode, tragédie, comédie, poème épique. En outre, ils importent en France le sonnet italien, dans lequel ils introduisent l’alexandrin. L’Olive (1550), premier recueil de sonnets de Du Bellay, inspiré de Pétrarque, jouit, dès sa parution, d’un grand succès et inaugure la vogue du pétrarquisme, à laquelle s’adonne Ronsard dans Les Amours de Cassandre.
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