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première présent de narration prétérition progression thématique prolepse prologue pronostication prose cadencée prose d’art

première. Première représentation d’une pièce de théâtre. C’était autrefois une première rencontre avec le public. Aujourd’hui, c’est encore une représentation plus élégante que les suivantes, mais les salles des premières sont largement composées d’amis, de professionnels et de critiques et sont donc plus complaisantes.

présent de narration. Emploi du présent dans un récit pour évoquer des faits passés (on parle aussi de « présent aoristique » ou de « présent historique », avec parfois des nuances dans l’usage de ces dénominations). Particulièrement plastique, le présent peut en effet se substituer au seul passé simple ou bien à l’ensemble des temps du passé, certains auteurs n’hésitant pas à mêler les deux usages : [on] me passe le manuscrit du Vent, qui devait paraître [...]. Je demande à rencontrer cet auteur dont j'ignore tout (A. Robbe-Grillet, Les Derniers Jours de Corinthe, 1994). L’emploi du présent en lieu et place des temps du passé n’est en rien réservé à la littérature (il est fréquent dans l’oral familier : « Hier, je vais aux Vaches folles et qui est-ce que je trouve ? Annie ! »), mais la littérature en a tiré des effets importants : en plus de créer l’illusion d’une énonciation contemporaine de l’action évoquée, le présent de narration tend à donner un caractère plus subjectif au récit et à rendre plus flous les repères chronologiques, parce qu’il neutralise l’opposition des plans narratifs (voir ce mot ; d’où l’ambiguïté d’énoncés comme « Louis XIV règne lorsque Mazarin meurt »). La tradition stylistique attribue d’ailleurs au présent de narration l’aptitude de rendre plus vivant le récit, aussi l’hypotypose se faisait-elle fréquemment au présent : Cette obscure clarté qui tombe des étoiles / Enfin, avec le flux, nous fait voir trente voiles (Corneille, Le Cid, IV, 3). Imité des Anciens, le présent de narration a été particulièrement en vogue aux XVIIe et XVIIIe siècles.

prétérition (n. f., du latin praetereo, « passer sous silence »). Cette figure consiste à dire qu’on ne dit pas ce qu’on est en train de dire explicitement. Pierre Fontanier (Les Figures du discours, 1827) la classe parmi les figures d’expression par opposition, aux côtés de l’ironie. En semblant ne pas insister sur quelque chose, on le met encore plus en évidence, car tout en ayant l’air de ne pas adhérer à l’énoncé que l’on produit, on en insinue le contenu dans l’esprit de l’auditeur ou du lecteur, sur le mode de la connivence ou de l’évidence partagée (d’où l’usage fréquent de cette figure dans le genre démonstratif, où il s’agit de célébrer des valeurs communes à l’orateur et à l’auditoire).

progression thématique. Mode d’enchaînement des divers thèmes qui se succèdent de phrase en phrase. La condition élémentaire du bon fonctionnement de tout texte est en effet qu’il ne soit ni incohérent, ni redondant. A chaque étape du discours, on apporte donc une information nouvelle (le prédicat) sur un élément (le thème) conservé de l’étape qui précède. On distingue généralement trois configurations principales : progression à thème constant (reprise du thème de la phrase qui précède : Un de nos deux amis sort du lit en alarme : / Il court chez son intime, éveille ses valets) ; progression linéaire (l’élément apporté dans la phrase qui précède sert d’élément de reprise : La mort ne surprend point le sage ; / Il est toujours prêt à partir) ; progression à thèmes dérivés (le thème est décliné sous plusieurs aspects successifs : Deux voleurs se battaient : / L'un voulait le garder, l'autre le voulait vendre, La Fontaine, Fables).

prolepse (n. f., du grec pro, « devant », et lêpsis, « action de prendre »). Dans un récit, rupture de la ligne chronologique pour mentionner une action qui s’est déroulée après l’action principale. La prolepse peut être fort brève ([...] une petite fille blonde qui ne quittait pas sa chaise longue et qui devait mourir quelques années plus tard, J.-P. Sartre, Les Mots) ou très longue : elle constitue alors un récit enchâssé.


prologue (n. m.). Au Moyen Age, discours liminaire dans lequel l’auteur ou le récitant cherche à capter l’attention de son public (captatio henevolentiae), en vantant les mérites de l’œuvre qui va être lue ou entendue, et/ou en rendant hommage à son commanditaire. Progressivement, le prologue envahit tous les genres et peut contenir des éléments (souvent sommaires) d’esthétique ou de théorie du genre. C’est souvent là, ou dans l’épilogue, que figure le nom de l’auteur. C’est encore le sens du mot dans les « prologues » de romans de Rabelais, au XVIe siècle ; le prologue a ici une fonction paratextuelle qui le rapproche de ce que nous nommons désormais une préface. Depuis le XVIIe siècle, le terme tend à reprendre le sens qui était le sien dans le théâtre antique : dialogue ou monologue qui précède l’entrée dans l’action et offre, souvent de façon indirecte, un accès à la matière diégétique de la pièce (lieux, personnages, situation...). Il s’agit en quelque sorte d’une scène d’exposition. Le mot a pu, avec cette acception non paratextuelle, être occasionnellement employé pour des ouvertures de romans.

Prologue. Texte qui tient lieu d’exposition dans certaines dramaturgies. Dans la pièce grecque, c’est la partie jouée avant l’entrée du chœur. Euripide la transforme en un monologue qui revêt une forme d’adresse au public destinée à exposer la situation. Dans le théâtre latin, au Moyen Age et parfois dans le drame élisabéthain, il a même fonction. Roméo et Juliette commence ainsi : Deux familles, égales en noblesse, Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène, Sont entraînées par d’anciennes rancunes à des rixes nouvelles. Le personnage à qui incombe le prologue est appelé personnage protatique. Le prologue, artifice qui brise l’illusion, tombe en désuétude dès l’époque classique. Il revient en force sur la scène européenne depuis Brecht qui prend plaisir à souligner les conventions.

pronostication. Ce mot ne désigne pas à proprement parler un genre littéraire. Il s’agit plutôt d’un écrit, le plus souvent en vers, où l’on trouve des renseignements astronomiques (phases de la lune), des prévisions météorologiques et des conseils d’hygiène. Le développement de l’imprimerie assure le succès de ces opuscules. Certains ne s’en tiennent pas là et leurs auteurs se mêlent de prévoir l’avenir grâce à leur connaissance de l’astrologie. Cette prétention ne pouvait laisser insensibles ceux qui la considéraient comme une science incertaine et qui estimaient que l’avenir est dans les mains de Dieu. Bonaventure des Périers fait paraître en 1537 une Prognostication des Prognostications qui raille les prétentions des astrologues. Rabelais lui-même parodie en 1532 (Pantagruéline prognostication) le langage de l’astrologie et affirme avec force que le gouvernement du monde n’appartient qu’à « Dieu le créateur, lequel par sa divine parole tout régit et modère ». Il annonce l’indignation de Calvin et de la Réforme, beaucoup plus sévères à l’égard des « prognostiqueurs » que la majorité des auteurs catholiques (à 1 exception de Montaigne).

Prose. Par opposition à la poésie, la prose est ce qui va de l’avant (prorsus, d’où le mot tire son origine). En prose, le sens est fondamental, le langage doit être transparent, alors que dans la poésie, la forme linguistique elle-même est l’objet de l’attention, et est parfois même opaque. Sur fond de cette séparation, que le XVIIe siècle impose, l’histoire esquisse en permanence des rapprochements, soit que les conventions de la poésie, au nom du naturel, soient jugées un obstacle à la perception de la poésie pure, soit que la prose emprunte à ces conventions. On peut alors voir apparaître une prose qui, comme la décrit Molière dans Le Malade imaginaire, est cadencée, avec des mesures et des rythmes repérables : [...] persuader aux ambitieux qu’ils n’ont aucun moyen de se distinguer, ni par leur naissance (5s), ni par leur grandeur (5s), ni par leur esprit (5 s); (Bossuet, Oraison funèbre d’Henriette d’Angleterre) On parle parfois en ce sens de prose nombreuse, bien qu’au sens premier, dans la rhétorique latine et grecque, le nombre désigne la succession des syllabes longues ou brèves. Une période nombreuse était ainsi celle où apparaissent en particulier en fin de membres, des agencements de syllabes longues et brèves sur le modèle des pieds de la poésie.
La prose rimée, elle, utilise des homéotéleutes : [...] ils se traitaient de gueux, de filous, de voleurs, de massacreurs, [...] (Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe) Ces régularités peuvent se rencontrer aussi bien dans des textes oratoires que dans la fiction. La prose poétique du XVIIIe siècle naît du désir de débarrasser la poésie des contraintes de la versification sur le modèle de la prose de Fénelon dans Télémaque (1699). Elle évite ainsi soigneusement les vers blancs, c’est-à-dire des segments de 12 syllabes formant alexandrins. Dans la querelle des Anciens et des Modernes, les modernes luttent contre «l’asservissement des vers » et la prose poétique est donc plutôt de la poésie en prose. Elle ouvre la voie au poème en prose.

prose cadencée. Forme intermédiaire entre la poésie en vers et la prose. C’est en fait un élément important de la prose poétique (effets d’isocolie ou encore de rhétorique) : la phrase s’organise de manière à faire entendre des récurrences rythmiques très nettement perceptibles.

prose d’art. À partir de la Renaissance, le renouveau de la rhétorique classique et les efforts des grands traducteurs ont conduit à rechercher une perfection formelle en prose qui pût concurrencer les plus grandes réussites de la poésie ; l’attention au rythme, l’équilibre de la syntaxe et la perfection à la fois sémantique et sonore de la période caractérisent les grandes œuvres de ce qu’on appelle la prose d’art, comme les sermons (Bossuet), les maximes (La Rochefoucauld), mais aussi les lettres (Guez de Balzac) ou l’histoire. L’expression prose d’art désigne également aujourd’hui la description d’un tableau ou d’une gravure qui prend presque le style d’un poème en prose. Par exemple, les natures mortes de Chardin décrites par les Goncourt (L’Art au XVIIIe siècle) : Sur un de ces fonds sourds et brouillés qu’il sait si bien frotter, et où se mêlent vaguement des fraîcheurs de grotte à des ombres de buffet, sur une de ces tables à tons de mousse, au marbre terreux, habitués à porter sa signature, Chardin verse les assiettes d’un dessert, — voici le velours pelucheux de la pêche, la transparence d’ambre du raisin blanc, le givre de sucre de la prune, la pourpre humide des fraises, le grain dru du muscat et sa buée bleuâtre, les rides et le verruqueux de la peau d’orange, la guipure des melons brodés, la couperose des vieilles pommes, les nœuds de la croûte du pain, l’écorce lisse du marron, et jusqu ’au bois de la noisette. Tout est là devant vous, dans le jour, dans l’air, comme à la portée de la main.

prose poétique. L’expression désigne le style de passages dans des œuvres en prose - à partir du XVIIIe siècle surtout - où toute action cesse au profit d’une stase (arrêt devant la nature, des sentiments, une contemplation) et où l’écriture emprunte à la poésie certains effets lyriques (réseau plus serré d’images, effets de sonorité, de répétition, recherches rythmiques). Ainsi la prose poétique est souvent soutenue par la reprise de groupes syllabiques dans ce qu’on appelle isocolie. Exemple de Chateaubriand : Quitté de mes compagnes, je me reposai au bord d’un massif d’arbres : son obscurité (5), glacée de lumièr(e) (5), formait la pénombr(e) (5) où j’étais assis (5).




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