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RENAN Ernest 1823-1892

RENAN Ernest 1823-1892
Historien, philosophe et poète dramatique, né à Tréguier, en Bretagne. Après des études de théologie, au terme d’une crise de conscience il renonce à la prêtrise (1845), et doit gagner sa vie en qualité de « pion ». Agrégé de philosophie en 1848, il commence la même année ce grand et gros livre (tenu pour son ouvrage le plus grave et, de ce fait, élevé à la dignité de « matière scolaire ») : L'Avenir de la science, qui ne paraîtra que quarante ans plus tard ; acte de foi, et, selon Anatole France, son disciple, « recueil de ses jeunes et chères croyances : le règne de la Science, et le salut du monde par la Science ». Chargé d’un cours sur les langues sémitiques au Collège de France en 1862, la hardiesse de sa conférence inaugurale lui vaut d’être destitué. Presque aussitôt après, sa Vie de Jésus (1863) fait scandale ; il y raconte, en se limitant aux faits réels, une histoire qu’il avait trouvée pour sa part trop ornée de tous les prestiges du « merveilleux » ; il en éliminera donc les miracles (transformation de l’eau en vin, guérison de l’aveugle-né, etc.) afin que, ramenée à la seule spiritualité, la doctrine chrétienne apparaisse à la fois plus pure et plus humaine. Dans l’idée de Renan, ce n’est là d’ailleurs que le premier volume d’une vaste Histoire des origines du christianisme (qu’il ne terminera qu’en 1883). Entre-temps, sa route intellectuelle s’est poursuivie de façon assez inattendue : après avoir cherché la certitude dans la foi et dans l’Église (d’où il sort déçu), puis dans la vérité scientifique, qui se révèle bientôt toute relative (et, pis encore, anti-scientifique lorsqu’elle s’érige en absolu sous le nom de scientisme), il finit par chérir la non-certitude, et - par la confrontation des plus divers « idéals » - les charmes du dilettantisme spirituel. Cette métamorphose apparaît dès 1876 dans ses Dialogues philosophiques, mais surtout dans son chef-d’œuvre, la série des Drames philosophiques (1878-1888) : Caliban, L'Eau de jouvence, Le Prêtre de Némi, L'Abbesse de Jouarre. L'Eau de jouvence, par exemple (1880), reprend les protagonistes du premier de ses ouvrages dramatiques, et nous fait voir l’épais Caliban, dégagé peu à peu de l’infantilisme qui, mêlé d’ombrageuse brutalité, caractérise son personnage (« type » classique depuis Shakespeare) et disposé désormais à faire sa place à Prospero, le subtil aristocrate de l’esprit. À travers les images symboliques de Prospero et du plébéien Caliban, on a pu voir une variation sur le thème de la « lutte des classes » mis à l’ordre du jour, peu auparavant, par Karl Marx ; mais en réalité, bien au-delà de tout schéma politique, c’est ici une vision harmonieuse de l’évolution de l’humanité telle que Renan la rêve, sans y croire pour autant. Le style véritablement inventé par lui dans ces quatre drames philosophiques, tout en allusions, et en imperceptibles touches d’humour, n’a pas été perdu pour Anatole France (qui, sur ce plan ne le vaut pas) ; mais son véritable continuateur sera Giraudoux, qui seul retrouvera dans l’art du dialogue ce ton de feinte légèreté, suprême élégance de la profondeur.
Il faut évoquer enfin, parce que c’est sans aucun doute le titre le plus célèbre de Renan, les Souvenirs d'enfance et de jeunesse (1883), qui valent par la fraîcheur des récits (celui, par exemple, du fol amour d’une fille de Tréguier) ; d’autre part, on fait grand cas, dans ce livre, des émotions touristiques de notre philosophe, et, en particulier, de la fameuse Prière sur VAcropole (O Abîme, tu es'le Dieu unique [...] Tout n'est ici-bas que symbole et que songe. Les dieux passent comme les hommes...), tirade sonore et qui a été paraphrasée allègrement par son admirateur Giraudoux, dans Juliette au pays des hommes (la célèbre Prière sur la tour Eiffel : « Cet air léger, ce vide au-dessous de moi, ce sont les stratifications, combien accumulées, de l’esprit, du raisonnement, du goût... »).

■ Œuvres- En POCHE: Vie de Jésus (Folio). - Histoire des origines du christianisme (Le Livre de Poche/Biblio Essais). - Qu'est-ce qu'une nation? (Presses-Pocket). - Souvenirs d'enfance et de jeunesse (id.). ■ Critique- J. Pommier, La Pensée religieuse de Renan (PUF, 1945) et L'Univers poétique et musical de Renan (Lettres modernes, 1967). - F. Mille-pierres, La Vie d'Ernest Renan (Marcel Rivière, 1961). - H. Gouhier, Renan, auteur dramatique (Vrin, 1972).

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