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Stance stemma codicum stichomythie strophe strophe carrée strophe couée strophes unissonantes structuralisme

Stance (n. f., de l’italien stanza). Nom qui a été donné à la strophe du XVIe au XIXe siècle. Aujourd’hui, on réserve plutôt le nom de stance aux strophes lyriques de l’ode ou à celles de monologues de théâtre spécifiques (hétéromé-trie, disposition des rimes différentes de celle de la pièce) comme les stances de Rodrigue, par exemple, dans Le Cid (I, 6) : Percé jusques au fond du cœur Dune atteinte imprévue aussi bien que mortelle.
Misérable vengeur d'une juste querelle,
Et malheureux objet d'une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue. Si près de voir mon feu récompensé, O Dieu, l'étrange peine ! En cet affront mon père est l'offensé,
Et l'offenseur le père de Chimène ! C’est aussi le nom qu’a choisi

Jean Moréas pour un recueil de poèmes mélodieux et méditatifs (1899-1901). stemma codicum (n. m., emprunté au latin, « schéma des manuscrits »). Schéma restituant de façon hiérarchisée les liens de filiation et de parenté entre les divers manuscrits d’un texte, en mentionnant les chaînons manquants et en dégageant clairement des familles. Dans la partie haute figurent l’archétype et les manuscrits qui en sont les plus proches, dans la partie basse ceux qui procèdent de plusieurs maillons intermédiaires. Des lignes pleines signalent les filiations directes, des lignes en pointillé signalent les contaminations entre deux familles. L’établissement du stemma codicum constitue le premier travail de toute entreprise d’édition de texte (du moins pour l’Antiquité et le Moyen Age). Il suppose l’examen complet de la tradition manuscrite de ce texte, y compris les copies fragmentaires.

stichomythie (n. f., du grec stikhos, « vers », et muthos, « parole »). Dialogue en vers dont chaque réplique occupe un seul vers, tel ce dialogue vif entre Vadius et Trissotin dans Les Femmes savantes de Molière : TRISSOTIN — Vous donnez sottement vos qualités aux autres. VADIUS — Fort impertinemment vous me jetez les vôtres. trissotin - Allez, petit grimaud, barbouilleur de papier. VADIUS — Allez, rimeur de balle, opprobre du métier. TRISSOTIN - Allez, fripier d’écrits, impudent plagiaire. VADIUS - Allez, cuistre... strophe (n. f., du grec strophe, « action de tourner »). Au départ, tour d’autel chanté et dansé par le chœur de la tragédie antique. Terme désormais le plus général pour désigner, dans la poésie traditionnelle, cet élément de composition qui constitue l’unité structurelle immédiatement supérieure au vers. Elle présente en principe une autonomie syntaxique et sémantique, et s’organise selon des systèmes précis et récurrents : — en cas d’isométrie, c’est la disposition des rimes qui structure la strophe : le principe est que chaque rime doit trouver son répondant dans la strophe ; — en cas d’hétérométrie, il y a deux systèmes qui se superposent : le système de disposition des rimes, et le système de succession des mètres, qui doit se retrouver de strophe en strophe. On distingue trois types de strophes selon la complexité du système des rimes : — la strophe simple implique que le système, sur deux rimes, n’est clos qu’au dernier vers (quatrains à rimes embrassées ou croisées, quintils abaab) ; — la strophe est dite prolongée quand, à la structure complète, s’ajoute la reprise d’une rime (rime dominante) qui clôt l’ensemble (quintil ababa) ou relance une nouvelle combinaison (septain romantique ababccb) ; — la strophe est composée quand elle résulte de l’association de plusieurs systèmes. Exemple du huitain de « A Némésis » de Lamartine, composé de deux quatrains à rimes croisées (ababcdcd) :

Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle, S'il n'a l'âme et la lyre et les yeux de Néron,
Pendant que l'incendie en fleuve ardent circule
Des temples aux palais, du Cirque au Panthéon !
Honte à qui peut chanter pendant que chaque femme
Sur le front de ses fils voit la mort ondoyer,
Que chaque citoyen regarde si la flamme Dévore déjà son foyer !

Strophe. Unité intermédiaire entre le vers et le poème, qui permet de le construire tant par ses régularités formelles que parce qu’elle articule les idées. La strophe, appelée également taille ou couplet au Moyen Age, stance au xviie siècle, est une caractéristique de la poésie occidentale. Elle est née de la danse et de la musique. A la différence de la laisse, tirade monorime des chansons de geste, la strophe se définit par plusieurs paramètres. La typographie, qui l’isole, n’est qu’un artifice non nécessaire, qui, lorsqu’il existe, ne fait que mettre en évidence son organisation. La strophe représente en effet une combinatoire de rimes, à partir des trois schémas de base, rimes suivies, croisées et embrassées, qui, en fonction du nombre de vers de la strophe, vont être répétés et assemblés. Elle se définit également par une combinatoire de mètres. Les strophes homométriques présentent toujours le même type de vers, cependant que les strophes hétérométriques mêlent des mètres différents. Rimes et mètres peuvent concorder : Ta douleur, Du Périer, sera donc étemelle, Et les tristes discours Que te met en l’esprit l’amitié paternelle L’augmenteront toujours ! (Malherbe, Consolation à Monsieur Du Périer) ou au contraire manifester un contrepoint : Sara, belle d’indolence, Se balance Dans un hamac, au-dessus Du bassin d’une fontaine Toute pleine D’eau puisée à l'Ilyssus [...] (Hugo, Sara la baigneuse) La strophe se définit également sur le plan sémantique, une strophe devant constituer une unité sémantique et syntaxique. C’est en opposition à cette exigence que se définissent les strophes enjambantes : Mais Sara la nonchalante Est bien lente A finir ses doux ébats ; Toujours elle se balance En silence, Et va murmurant tout bas : Oh ! si j’étais capitaine, Ou sultane, Je prendrais des bains ambrés, Dans un bain de marbre jaune, Près d’un trône, Entre deux griffons dorés ! (Hugo, Sara la baigneuse)
La fin des strophes est en général marquée par divers procédés, rime masculine, concentration de sonorités, figures, etc. destinés à lui donner toute son unité. Cependant, les strophes ne sont pas refermées sur elles-mêmes, et se lient l’une à l’autre, bien entendu par la progression sémantique, mais aussi par toute une série de rappels et d’échos, tels qu’un refrain éventuel.
Le parallélisme de la strophe avec le vers a conduit les théoriciens du xviie siècle à exiger pour elle une césure. Cette césure, qui correspond à une articulation sémantique, se place automatiquement après la rime qui annonce la rime finale : Chacun, qu’il doute ou qu’il nie, Lutte en frayant son chemin ; Et l’éternelle harmonie Pèse, comme une ironie, Sur tout ce tumulte humain ! (Victor Hugo, Soirée en mer)

Le quatrain est la grande strophe de la poésie française, la plus utilisée, sans doute parce qu’elle correspond à la dimension d’une idée, ni trop longue, ni trop brève. Le tercet ne constitue pas une véritable strophe, car il ne permet pas de définir une combinatoire de rimes : si les rimes sont identiques et suivies, rien n’indique qu’après la troisième, il n’y en aura pas une quatrième, et si elles sont différentes, seule une d’entre elles peut trouver son écho dans le tercet. L’autre ne peut le trouver que dans le tercet suivant, et constitue alors une rime en l’air, que l’on appelle rime estramp. C’est pourquoi on dit souvent qu’un sonnet est constitué de deux quatrains et d’un sizain. Les strophes supérieures au quatrain sont généralement des quatrains développés, comme le quintil, ou des combinaisons de strophes. Les plus fréquentes sont le sizain, le huitain, et le dizain. S’il n’y a pas en effet de limite théorique au nombre de vers d’une strophe, il est rare qu’elles soient très étendues. Au Moyen Age, les strophes se caractérisent par leur exubérance. Ce foisonnement sera restreint dès la Pléiade et amènera à la stabilité des quelques formes du classicisme. La strophe sera à nouveau l’objet de recherches chez les poètes romantiques pour lesquels la strophe redevient une variable essentielle de la création poétique. A partir de la fin du xixe siècle, la strophe sera emportée dans le même mouvement de contestation que celui qui mit fin au règne du vers codifié.

strophe carrée. Strophe isométrique dont le nombre de vers est égal au nombre de syllabes dans le vers : par exemple un huitain d’octosyllabes. C’est un type de strophe qu’ont recommandé les poètes de la fin du XVe siècle pour la ballade. strophe couée (du latin caudatus, « à queue »). Se dit d’une strophe hétérométrique dans laquelle la distribution des mètres courts correspond à l’agencement des rimes. Par exemple une strophe en 12a-12a-8b-12c-12c-8b, comme celle-ci, tirée de « Plein ciel » de Victor Hugo :
Calme, il monte où jamais nuage n'est monté ; Il plane à la hauteur de la sérénité, Devant la vision des sphères ; Elles sont là, faisant le mystère éclatant,
Chacune feu d'un gouffre, et toutes constatant Les énigmes par les lumières.

Rutebeuf affectionnait particulièrement le tercet coué.

strophes unissonantes. Strophes qui utilisent la même disposition et les mêmes rimes dans tout le poème.

structuralisme. Méthode d’analyse formelle des textes inspirée de la linguistique saussurienne et qui connut son apogée en France dans les années 1960-1970 (R. Barthes, G. Genette, T. Todorov). Le structuralisme littéraire — qui fut au cœur de ce qu’on appela la Nouvelle Critique — n’est qu’un aspect de la vague structuraliste qui traversa les sciences humaines après la Seconde Guerre mondiale (psychanalyse, anthropologie, philosophie...). Tout comme le langage doit se décrire, selon l’analyse de F. de Saussure {Cours de linguistique générale, 1916), comme un système dans lequel chaque élément trouve sa valeur par rapport aux autres éléments, la littérature doit s’appréhender comme un système de formes, de règles combinatoires. Il s’agira pour le critique de faire apparaître les structures en œuvre dans les textes, en mettant au point une taxinomie des procédés de composition qui prendra un appui direct sur les catégories de la syntaxe. Malgré quelques réussites spectaculaires dans l’analyse des textes poétiques, c’est surtout l’étude du récit qui bénéficia des apports du structuralisme.


Structuralisme. Mouvement né dans les années soixante dans le champ de la linguistique et qui s’étendit très vite à d’autres sciences humaines, en particulier à l’anthropologie. Le structuralisme, qui se réclame du Cours de Linguistique générale de Ferdinand de Saussure publié en 1916, cherche à mettre en évidence dans la langue sa structure. Par structure, on entend la loi de composition d’un système, un système étant un ensemble clos d’éléments liés entre eux tel que si un élément disparaît, c’est le système entier qui change. Cela implique que la linguistique doit s’occuper d’états de langue stables. Elle ne saurait plus être historique (diachronique, dit Saussure), mais synchronique. Si le système est susceptible d’une étude en lui-même, c’est que la langue est autonome par rapport à la réalité, et arbitraire. Du coup, l’étude des éléments du système doit se faire à l’intérieur du système. La sémantique, par exemple, conçue comme l’étude du signifié, ne peut porter que sur la place respective des signes les uns par rapport aux autres : « dans la langue, il n’y a que des différences », dit Saussure. Le modèle de l’étude linguistique structuraliste, c’est la phonologie, où ces différences sont décrites en termes de traits pertinents, l’analogue du trait pertinent étant en sémantique le sème. Mais les sèmes sont beaucoup plus difficiles à mettre en évidence que les traits pertinents, la complexité apparaissant avec le sens. Les limites de l’analyse structurale se voient avec encore plus de netteté dans le domaine de la poétique structurale, illustrée en particulier par Jakobson. Il s’agit d’une étude des textes immanentiste, c’est-à-dire qui ne fasse pas intervenir de données externes, même s’il faut au bout du compte ramener le texte à une structure générale, appelée littérarité. Le texte, dans lequel s’incarne cette structure, est considéré comme un tout clos sur lui-même.
Le structuralisme, dans son souci de pureté et dans ses exigences méthodologiques, a constitué pour les sciences humaines le type de l’analyse scientifique. Lévi-Strauss en particulier l’a mis en pratique en anthropologie, pour l’étude des liens de parenté, et pour l’étude des mythes. Les apports du structuralisme, en ce qu’il a permis de décrire systématiquement des domaines qui l’étaient souvent jusqu’alors de manière impressionniste, ont été très grands. Il a néanmoins été remis en cause lorsqu’il a fallu interpréter les structures car elles ne peuvent l’être que par le recours à des données et des questions extérieures à l’objet que l’on décrit.


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