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tableau. Moment d’un spectacle, défini non par rapport à l’action (même s’il n’est pas sans effet sur elle), comme la scène ou le coup de théâtre, mais comme unité visuelle et sensible. On rencontre des tableaux dans le théâtre dès la seconde moitié du XVIIIe siècle. Diderot, qui en est le premier théoricien, propose la définition suivante : « Une disposition des personnages sur la scène, si naturelle et si vraie que, rendue fidèlement par un peintre, elle me plairait sur la toile, est un tableau». On distinguera des tableaux qui, au début d’un acte ou d’une pièce, correspondent à une stase de l’action et dans lesquels le spectateur découvre lentement le monde fictif dans lequel va surgir l’action, et des tableaux qui correspondent à un moment où les tensions dramatiques atteignent leur comble, où les personnages s’immobilisent un instant dans une attitude pathétique. Le clou du mélodrame coïncide assez souvent avec ce dernier type de tableaux. Parfois, l’acte se subdivise en tableaux délimités par les changements de décors. « Un drame en quatre actes et six tableaux ». Cette esthétique caractérise le mélodrame et l’opéra du XIXe siècle, le théâtre naturaliste, mais aussi le drame du XXe siècle. Elle conduit à une structuration du récit dramatique qui ressemble au montage des plans au cinéma.
tapinose (n. f., du grec tapeinôsis : « amoindrissement »).. Selon Quintilien {Institution oratoire, Ier siècle ap. J.-C.), ce mot désigne un style trop familier ; par extension, il désigne une figure qui consiste à employer des termes bas pour réduire la grandeur ou la dignité d’un objet ou d’une action. Par exemple, dans cette description du lever de soleil, tirée de Maupassant {Une vie, chap. Vl) : au milieu d’un ciel empourpré, un gros soleil rutilant et bouffi comme une figure d’ivrogne apparaissait derrière les arbres ; la majesté conventionnelle de l’aurore, telle que la décrivent traditionnellement les poètes, est brutalement réduite par l’usage d’adjectifs appartenant au registre bas (bouffi) et par une comparaison humiliante (figure d’ivrogne). Ce procédé est volontiers employé dans le style burlesque.
tautologie. Proposition fondée sur la répétition oiseuse d’une même idée et d’une même expression dans le thème et dans le prédicat, du type : « Un homme est un homme. »
Temple. Des œuvres en vers des Grands Rhétoriqueurs portent le nom de « Temple ». Elles décrivent des édifices imaginaires, séjours des Vertus ou d’une entité allégorique. Le succès de ce genre à la fin du XVe et au début du XVIe siècle répond au goût de la solennité, du théâtre et de la description. La Pléiade, qui voulut rompre avec les « épiceries médiévales », a bien compris l’usage esthétique que l’on pouvait en faire. Ronsard a écrit ainsi un « Temple de Messeigneurs le Connestable et des Chastil-lons » (1555), où il décrit longuement les bas-reliefs représentant les exploits de ses héros. La poésie des guerres de Religion a parfois détourné ce genre et s’en est servie pour la satire.
tempo. Terme d’origine italienne emprunté à la musique pour désigner, au théâtre, la rapidité avec laquelle une scène doit être jouée ou, dans un passage romanesque, la cadence avec laquelle s’enchaînent les actions. tenson. Dans la littérature médiévale de langue d’oc, poème dialogué en forme de débat, dont le sujet peut être l’amour, la politique, des faits de société ou des événements de toute nature. Elle oppose deux voix, qui ne sont pas nécessairement celles de deux auteurs différents : les demandes et les réponses peuvent avoir le même auteur, aussi bien que constituer un dialogue authentique. Celui-ci peut alors être violent, malicieux ou adopter un ton familier. Mais le nom même de tenson (latin tentionem) suppose une opposition plus ou moins vigoureuse entre deux positions.
tercet (emprunté à l’italien terzetto, « strophe de trois vers », vers 1500). En vérité, certains théoriciens considèrent que ce n’est pas une strophe, puisque, en dehors du cas des tercets monorimes, chaque rime n’a pas son répondant dans le tercet. Cependant, le cas de la rime disjointe (cas où la rime restée orpheline trouve son répondant dans le tercet suivant) est considéré comme relevant de la strophe selon une définition « externe ». C’est ce que l’on trouve par exemple dans la terza rima, où les rimes s’ordonnent comme suit : aba bcb cdc ded... yzy z.
ternaire. Adjectif qui qualifie un groupement de trois éléments comparables et solidaires, sémantiquement et syntaxiquement, et qui donnent lieu à un effet rythmique remarquable, tels les trois verbes de ce vers de Phèdre dont la ternarité est accompagnée d’une polysyndète : Tout m'afflige et me nuit, et conspire à me nuire. On parle de vers ternaires pour les alexandrins en 4/4/4, et de vers semi-ternaires pour ceux qui se répartissent en groupes inégaux (par exemple 3/4/5). terreur. Sentiment que le spectateur doit éprouver, au même titre que la pitié, au contact de la tragédie. Selon Aristote, ce sentiment doit être transformé par le spectacle en un sentiment agréable. C’est le sens de ce qu’il appelle catharsis.
testament. Vers la fin du Moyen Âge (fin XIVe-XVe siècle), des poètes ont utilisé de façon parodique la structure des testaments réels pour écrire des testaments fictifs, souvent marqués par un humour grinçant, ou associés à un état mélancolique : Testament par esbatement [pour rire] d’Eustache Deschamps, La Confession et testament de l'amant trespassé de deuil de Pierre de Hauteville, Lais [legs] puis Testament de François Villon. On y retrouve l’indication de la date, des circonstances, un regard sur la vie passée, avant l’énumération de legs fictifs dont beaucoup sont des impossibilia : une enseigne de taverne, une maison en ruine, une mauvaise réputation, un objet qui n’existe pas ou dont le légataire n’a nul besoin. On peut relier cette forme littéraire à la fascination de tout le Moyen Âge tardif pour la mort et pour toutes les formes de la dérision.
tétrasyllabe (n. m., du grec tettares, « quatre »). Vers de quatre syllabes, la plupart du temps employé en hétérométrie. Il est souvent utilisé avec l’octosyllabe, ce qui se conçoit, comme dans cette chanson de Clément Marot : J’ai grand désir D’avoir plaisir D’amour mondaine : Mais c’est grand’peine. Car chaque loyal amoureux Au temps présent est malheureux : Et le plus fin Gagne à la fin La grâce pleine.
texte (terme issu par dérivation métaphorique du participe du verbe latin texere, « tisser »). En analyse littéraire, il désigne le plus souvent un passage écrit de longueur variable. Mais le mot n’est pas si neutre qu’on pourrait le croire : la Nouvelle Critique s’est rassemblée autour de l’idée d’un « retour au texte ». Il s’agissait d’étudier à ce niveau tous les phénomènes de production du sens, en mettant à l’arrière-plan les données extérieures, historiques et biographiques ; en cela, le mot « texte » était proposé à la place d’« œuvre » qui renvoie à une conception datée, sacralisante, de la littérature et donne à l’auteur une priorité absolue sur le lecteur dans la production du sens. En linguistique, cependant, le texte tend à désigner tout ensemble de mots autonome, qu’il soit écrit ou oral ; le texte est donc ici l’objet produit par le discours, entendu comme pratique sociale en général et comme acte d’engendrement des énoncés. La « linguistique des textes » étudie, en dépassant les limites de la phrase, l’organisation des séquences de phrases qui forment des ensembles cohérents.
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