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trobairitz trobar dus et trobar leu trope tropisme troubadour trouvère typologie valentin variance, variante vaudeville verbigération

trobairitz (n. f.). En langue d’oc, ce terme (le féminin de « troubadour ») désigne les femmes poètes. Une vingtaine de noms ont pu être répertoriés, souvent énigmatiques (Marie de Ventadour est la plus célèbre). On s’interroge encore sur la réalité de certaines d’entre elles (des troubadours ont pu adopter pour senhal [pseudonyme] un nom féminin).

trobar dus et trobar leu (n. m., « poésie fermée » ; « poésie légère »). Ces deux termes désignent respectivement, dans la poésie médiévale d’oc, la poésie hermétique et la poésie « légère », plus simple. L’opposition recouvre une philosophie différente : pour Raimbaud d’Orange par exemple, la poésie doit être obscure, fermée {dus) parce qu’elle s’adresse exclusivement à une élite intellectuelle et que son essence réside dans le raffinement de la pensée et de l’expression. Pour Bernard de Ventadour ou Guiraut de Bornelh au contraire, elle doit être compréhensible par tous : poésie aristocratique, d’une part (l’argument est sensible dans les discours de ce grand seigneur qu’était Raimbaud d’Orange), poésie plus proche des gens du peuple, de l’autre ? En fait, chacun a pratiqué quelque peu les deux formes, et cette opposition sociologique est réductrice. Le trobar leu joue sur la fluidité, sur la sensibilité d’images simples mais délicates, alors que le trobar dus (et l’une de ses variétés, le trobar ric, « riche ») multiplie les tours complexes et difficiles (syntaxe heurtée, riche en ellipses, goût du paradoxe et des figures contradictoires), vise une versification sophistiquée, refuse toute facilité dans les images comme dans la conception du sentiment. Le trobar ric offre surtout un souci de recherche formelle, sans tendre à l’hermétisme ; ses principaux maîtres sont Guiraut de Bornelh et Arnaut Daniel.


trope (n. m., du grec tropos, « tour »). Désigne l’ensemble des figures où la signification donnée au mot est non pas son sens propre mais, en faisant en quelque sorte « tourner » le sens, un signifié qui appartient à un autre. C’est le cas dans la métaphore, la métonymie, la synecdoque, qui sont les tropes les plus importants.

tropisme. Terme entré dans l’analyse littéraire depuis que Nathalie Sarraute l’a utilisé pour désigner la succession des phénomènes psychiques qui glissent à la lisière de la conscience : « un foisonnement innombrable de sensations, d’images, de sentiments, de souvenirs, d’impulsions, de petits actes larvés qu’aucun langage intérieur n’exprime, qui se bousculent aux portes de la conscience » (L'Ère du soupçon, 1956). L’écriture romanesque moderne permettrait seule de rendre compte de cet ensemble d’émotions, intuitions, désirs, sensations... qui restent en deçà du monologue intérieur : Elle a envie maintenant, comme cette fois-là, de se cacher la tête pour ne pas voir, de se boucher le nez, le cœur va lui manquer, elle voudrait s'asseoir n'importe où, là, sur une marche de l’escalier... ou non, plutôt là-bas, dehors, sur un banc... Tout vacille... (N. Sarraute, Le Planétarium, 1959).

Tropisme. Terme de biologie qui désigne la croissance d’un végétal en fonction d’éléments externes. Par extension, le terme a été utilisé par Nathalie Sarraute pour désigner tous les mouvements infimes de la conscience vers le monde : « Ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience; ils sont à l’origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu’il est possible de définir. Ils me paraissaient et me paraissent encore constituer la source secrète de notre existence. » Ce sont ces mouvements qui sont analysés dans ses romans, et d’une manière générale dans les textes où règne le monologue intérieur, comme chez V. Woolf, à laquelle se réfère d’ailleurs N. Sarraute. La psychologie importe peu, ni même le personnage « anonyme », qui se réduit à ces mouvements.


troubadour. Nom donné, dans le midi de la France médiévale, aux poètes lyriques des xie-xiiie siècles qui ont élaboré et chanté la fin’amor. Le terme signifie « inventeur » (cf. « trouvère », au Nord). Les troubadours sont d’abord liés aux cours féodales du Midi : les deux plus anciens que l’on connaisse sont Guillaume IX d’Aquitaine, comte de Poitiers (et grand-père d’Aliénor, future reine de France puis d’Angleterre) et le vicomte Eble II de Ventadour (en Limousin). Bernard de Ventadour était le fils d’un simple archer du château de Ventadour, mais vivait lui aussi dans le château et participait à sa vie intellectuelle et poétique. Dès la fin du XIIe siècle, cette poésie est également pratiquée dans les milieux de la grande bourgeoisie citadine (Folquet de Marseille). Au début du XIVe siècle (1323), des bourgeois de Toulouse fondent le Consistoire du Gai Savoir, qui ne parviendra pas à ressusciter un mouvement poétique lourdement frappé depuis la croisade contre les Albigeois par la fin de l’indépendance des cours méridionales. La poésie des troubadours est une poésie chantée, et le raffinement de la mélodie est pour elle essentiel. On distingue des degrés dans la sophistication des poèmes (trobar clus, trobar leu). Les formes pratiquées sont diverses : la canso, considérée comme la forme reine, développe le culte de la fin’amor, le surventes est une poésie d’actualité au service d’une cause (politique ou locale) ; il existe aussi quelques formes mineures (alba, etc.). Cette poésie ne se limite pas au nord des Pyrénées : les troubadours abondent dans les royaumes de la péninsule Ibérique (Aragon, Castille, Portugal) aussi bien qu’en Provence.

trouvère. Ce terme, qui peut désigner tout auteur de texte versifié (y compris de chanson de geste), est plus spécifiquement employé pour désigner les poètes lyriques de la France de langue d’oïl. Héritiers des troubadours d’oc, dont ils transposent la forme maîtresse, la canso, dans ce que P. Zumthor a appelé le « grand chant » ou « grand chant courtois », les trouvères reprennent les grandes lignes de la fin ’amor, mais en épurent encore l’esprit dans un sens moins charnel. Les plus grands noms sont Huon d’Oisy, vicomte de Meaux (le plus ancien de tous : il a été actif entre 1170 et 1189), Gace Brulé, Conon de Béthune, Blondel de Nesle, le Châtelain de Coucy, Thibaud de Champagne, Adam de la Halle, du XIIe au XIIIe siècle. On les rencontre principalement dans l’entourage des cours de Champagne et de Flandre au XIIe siècle, mais leur aire d’activité s’étend au siècle suivant à toute la France du Nord. Les formes poétiques pratiquées par les trouvères sont nombreuses, surtout au XIIIe siècle (grand chant, serventois, descort ou. lai-descort, jeu-parti, pastourelle, lai lyrique). Le mouvement s’éteint entre la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle.

typologie. Terme du vocabulaire de l’herméneutique, spécialisé habituellement dans l’exégèse biblique, qui désigne le mode de pensée « qui lit dans l’Ancien Testament la révélation anticipée du Nouveau » (Dictionnaire des mots de la foi chrétienne). Dans ce système, on appelle type le personnage, l’institution ou l’événement de l’Ancien Testament, et antitype son correspondant dans le Nouveau Testament. Cependant, le type et l’antitype ont l’un et l’autre une existence historique, et la typologie se distingue en ce sens de l’allégorie, même si elle s’en approche quelquefois. Ce principe est transposé à la création littéraire dans les vies de saints du Moyen Age : ainsi chez Alcuin (à la fin du VIIIe siècle) les saints Vaast, Riquier ou Willibrord sont présentés comme les antitypes des prophètes de l’Ancien Testament.

unanimisme. Plus qu’un véritable mouvement, l’unanimisme est une pensée théorisée en 1905 par Jules Romains, mais aussi Georges Chennevière, l’un et l’autre poètes, et qui cherche à donner à l’existence une signification nouvelle fondée sur « le recouvrement des consciences individuelles » par « un être vaste et élémentaire» de telle sorte que s’affirme une communion humaine. Bien que Chennevière et Romains se soient, l’année suivante, rapprochés de l’abbaye de Créteil, trop de divergences interdisent, comme on l’a fait parfois, de les réunir en une même école. L’unanimisme, dont se réclama un moment Pierre Jean Jouve, est resté, au moins jusque vers 1914, une tentative indépendante pour mieux nouer au monde et à la ville modernes une littérature délibérément humaniste.

Unanimisme. Mouvement poétique du début du XXe siècle qui, en réaction contre l’individualisme, contre les esthétiques du discontinu et devant les menaces que la vie moderne fait peser sur l’homme, voit dans la poésie la possibilité de créer un lien entre eux. L’unanimisme croit en la collectivité, en la possibilité d’une âme «unanime». Aux côtés de Jules Romains ont participé au mouvement en particulier Pierre-Jean Jouve et Georges Chennevière, qui dirigea la page littéraire de L’Humanité de 1919 à 1923. Avec Jules Romains, il rédigea un Petit Traité de versification (1923). Les poètes unanimistes étaient proches des poètes de l’Abbaye, qui, de 1906 à 1908, tentèrent de mener à Créteil avec d’autres artistes une vie communautaire (René Arcos, Charles Vildrac, Georges Duhamel).


unités. La dramaturgie classique est fondée sur des règles impératives (constitutives lorsqu’il s’agit des distinctions de genres). La plus célèbre est celle des trois unités, d’action, de lieu et de temps. L’unité d’action est liée à la définition aristotélicienne de l’action et à sa condamnation des épisodes adventices : il faut que l’action soit une, c’est-à-dire que toute l’histoire soit unifiée, que l’intrigue soit unique et que les épisodes secondaires apparaissent clairement dans une subordination hiérarchique par rapport à l’action principale. L’unité de temps impose à cette action de se dérouler, si possible, dans le temps réel de la représentation, sinon, du moins, dans une durée qui n’excéde pas 24 heures. L’unité de lieu, qui découle de la précédente, impose à l’action de se dérouler dans un lieu qui soit au mieux la même pièce, ou du moins dans lequel on puisse se déplacer dans une durée raisonnable, c’est-à-dire une ville. Cette règle des trois unités s’est imposée progressivement au cours du XVIIe siècle et a fait l’objet de théorisations très intéressantes, de la part de Corneille et de d’Aubignac surtout. Elle répond à l’exigence de soumission du théâtre au contrôle de la raison : elle doit assurer la vraisemblance du spectacle. Cette règle est liée aux poétiques rationalistes et ne s’autorise d’Aristote et d’Horace qu’au prix de relectures discutables. Elle fait bon marché de l’expérience de la scène, qu’elle invoque pourtant comme justification. Critiquée par Les-sing, la règle des unités n’est pas vraiment remise en cause avant le Du théâtre de Louis Sébastien Mercier en 1773 et elle ne disparaît vraiment qu’avec Hugo.


Urtext (n. m.). Ce terme germanique est employé en médiévistique pour désigner l’original perdu et supposé d’une œuvre dont les manuscrits ne nous transmettent qu’une version déjà profondément remaniée. La philologie s’est longtemps assigné pour but la reconstitution de ce texte hypothétique, se refusant à accorder une valeur équivalente aux dérivés bien réels qui en constituent autant de versions postérieures. Depuis les années 1970 environ, la tendance générale s’est inversée : on a reconnu l’impossibilité d’atteindre sérieusement l'Urtext, et admis l’importance littéraire du caractère mouvant des textes médiévaux.

valentin. Petit poème d’amour, du genre de l’épigramme ou du madrigal, que s’échangent les amoureux et qui relève de la poésie fugitive. C’était un jeu de salon à l’époque classique.

variance, variante. Phénomène propre à la vie des manuscrits médiévaux et lié aux conditions particulières de la transmission des textes à cette époque : les copistes, en l’absence de toute notion de propriété intellectuelle, pouvaient modifier à leur gré, plus ou moins profondément, les textes qu’ils copiaient, voire les amplifier, les abréger, en réécrire des passages. On appelle variantes les différentes versions d’un même passage. L’examen attentif des variantes permet de voir plus clair dans la tradition manuscrite et de reconstituer, avec un degré d’approximation variable, le stemma codicum.

vaudeville (altération de vaudevire}. Le sens de ce mot n’a cessé de se modifier au fil des siècles. « Le Français, né malin, forma le vaudeville », dit Boileau (Art poétique, II, 182). Il s’agit alors de chansons de circonstance de tonalité satirique, comme celles qu’on chantait depuis le XVe siècle dans le val de Vire. Puis la mode se répandit au théâtre de terminer une comédie par un vaudeville, chanson dont chaque personnage chantait un couplet. L’expression comédie-vaudeville, plus tard abrégée en vaudeville, fut alors employée pour désigner de petites comédies, sans prétention littéraire, où le dialogue était entremêlé de couplets chantés. Le vaudeville fut, avec le mélodrame, le genre théâtral le plus populaire au XIXe siècle. A côté d’Eugène Scribe (1791-1861, L’Ours et le Pacha, Folie-vaudeville, 1820), d’obscurs vaudevillistes fournissaient les scènes françaises d’innombrables vaudevilles souvent écrits en collaboration. Le genre fut porté à sa perfection sous le Second Empire par Eugène Labiche (1815-1888). Ses comédies-vaudevilles avec couplets, tirant d’extraordinaires effets comiques de la médiocrité même de ses personnages fantoches, continuent à faire la joie du public (Un chapeau de paille d’Italie, 1851). Après lui, le vaudeville, définitivement coupé de ses origines musicales, devint une comédie légère caractérisée par une intrigue à rebondissements, et dont le maître au tournant du siècle fut Georges Feydeau (1862-1921, Un fil à la patte, 1894). Au XXe siècle, la comédie de boulevard tendit à supplanter le traditionnel vaudeville, tandis que le Théâtre du Vaudeville, créé en 1792 et reconstruit somptueusement dans le Paris d’Haussmann, devenait le cinéma Paramount.

Vaudeville. Chanson gaie et satirique, du XVe au XVIIIe siècle. Ex. : Olivier Basselin nous a laissé au XVe siècle de nombreux «vaudevilles» ou « vaudevires ». Le sens change au XVIIIe siècle. Le vaudeville est alors une chanson destinée aux spectacles théâtraux, assortis de musique, de danse et d’acrobaties que donnent les théâtres de foire. Lesage écrit plusieurs comédies à vaudevilles, c’est-à-dire avec couplets chantés sur des airs à la mode, pour les forains. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, apparaît une forme voisine, la comédie à ariettes, c’est-à-dire avec chants accompagnés d’une musique originale. Par ariette, on entend à l’origine un air léger pour la voix. Le terme fut d’abord appliqué aux airs français composés à l’italienne, puis à tous les airs de l’opéra-comique. On opposa ensuite les airs d’opéra à l’ariette, lorsqu’elle fut liée au vaudeville. Les deux genres de la comédie à vaudevilles et de la comédie à ariettes disparaissent pour donner naissance à l’opéra-comique où alternent chant et déclamation. Au XIXe siècle, le vaudeville, renonçant à son ambition musicale, subsiste pourtant avec des auteurs à succès comme Scribe et Labiche. Le terme devient alors synonyme de comédie : il désigne une pièce gaie qui peut intégrer quelques chants au dialogue. C’est une comédie d’intrigue où l’action prime sur l’étude de caractères. L’imbroglio, terme par lequel on désigne une intrigue compliquée dans laquelle le spectateur a du mal à repérer les positions respectives des personnages, est souvent une source de plaisir dans le vaudeville, d’autant que la confusion se dissipe toujours au dénouement. Le vaudeville est une pièce bien faite, selon l’expression de Scribe, c’est-à-dire une pièce où l’action est parfaitement agencée. Le vaudeville fait fureur sur les scènes de boulevard.


verbigération (n. f.). Profération ou texte dont les éléments verbaux pris en eux-mêmes ont un sens, mais dont l’ensemble est incohérent. On appelle aussi verbigération la répétition incohérente des mêmes mots ou groupes de mots. Par exemple, le plaidoyer de l’avocat dans Le Sapeur Camember de Christophe : «Messieurs, comme l’a fort bien dit Bossuet, il n ’est si petit oiseau qui ne finisse par porter ombrage ! Si l’on en croyait l’acte d’accusation qui, de son doigt sévère, nous a plongé sur ce banc d’infamie, messieurs, nous aurions frappé le major Mauve dans l’exercice de ses fonctions... Or, dussé-je faire rougir vos cheveux blancs, ce n'est pas à cet endroit-là que nous avons atteint l'honorable docteur [...]. »


vérisme. Autre nom du naturalisme pour une œuvre ou une représentation théâtrale. Le terme de vérisme a plus particulièrement été utilisé pour l’opéra. Il s’agit donc d’une représentation qui prétend non seulement donner une image mimétique de la réalité, mais provoquer un effet de réel, c’est-à-dire un effet violent, un effet d’« écart » par rapport aux conventions implicites du théâtre. La Bohème de Puccini, Cavalleria rusticana de Mascagni, Louise de Charpentier sont des opéras véristes.

Vérisme. Courant littéraire italien de la seconde moitié du XIXe siècle, qui correspond au réalisme et au naturalisme français. L. Capuana, romancier et auteur dramatique, est l’un des premiers en Italie à se réclamer du réalisme puis du naturalisme. Il dédie à Zola l’un de ses romans Hyacinthe (1879). G. Verga, dans son cycle romanesque Les Vaincus (1881-1889), dépeint minutieusement la vie des paysans et des pêcheurs en Sicile. Parmi les autres romanciers véristes, on peut citer F. di Roberto et S. di Giacomo.






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