Devoir de Français

zeugma Zutistes

zeugma (n. m., emprunté au grec, « lien, joug »). Figure de mots qui consiste à juxtaposer ou à coordonner des termes ou des membres de phrases, en sous-entendant un élément commun qu’on ne répète pas, ce qui produit des effets d’incohérence sémantique ou syntaxique. Un des exemples canoniques, cité par Pierre Fontanier {Les Figures du discours, 1827), est tiré de La Henriade de Voltaire :
Ses peuples, sous son règne, ont oublié leurs pertes :
De leurs troupeaux féconds leurs plaines sont couvertes,
Les guérets de leurs blés, les mers de leurs vaisseaux
En dépit de l’absence de répétition et d’accord grammatical — il faudrait « couverts » avec guérets —, le sens est compréhensible. Cela peut produire aussi des effets comiques, si l’on joue sur des juxtapositions de termes concrets et abstraits (syllepse) : « Pour affronter l’orage, il s’arma de son courage et de son parapluie. » Zutistes. Dans lés années 1870 et le début des années 1880, des poètes rebelles à l’esprit de sérieux qui triomphait alors avec le Parnasse créèrent plusieurs groupuscules éphémères. En 1871-1872, les participants du « Dîner des Vilains-Bonshommes » (Verlaine, Rimbaud, Richepin, Charles Cros, Raoul Ponchon, etc.) rédigèrent et illustrèrent un album de poèmes parodiques et souvent fort lestes qu’ils nommèrent Album zutique. On retrouve plusieurs d’entre eux, ainsi que Coppée, Bourget, Tailhade, A. Allais en 1878 autour d’Émile Goudeau dont le patronyme suggéra d’appeler le groupe les Hydropathes. Tout le monde était admis. Deux ans plus tard, les Hirsutes prirent la suite et tinrent quelques années leurs assises dans une brasserie du boulevard Saint-Germain. En 1883 enfin, Charles Cros, reprenant l’adjectif «zutique», créa un cercle où l’on retrouvait A. Allais, L. Tailhade, mais aussi J. Moréas, L. Trezenik et Willy. Ces nouveaux Zutistes (qui disaient « Zut ! » à tout) ne se réunirent que quelques mois. Les Jemenfoutistes qui leur succédèrent eurent une existence plus brève encore. Ces groupuscules annoncent le courant « décadentiste » qui se développe à partir de 1884 et plusieurs de leurs membres se retrouveront dans les groupes symbolistes.