Devoir de Français

Lle théâtre africain

Publié le 19/09/2022

Extrait du document

Tout comme les autres sociétés traditionnelles, celles du continent africain ont depuis
longtemps présenté des spectacles liés aux cérémonies essentielles de la vie la naissance, la
mort, l’intronisation d’un chef, le mariage, la circoncision, les rites, la fête des moissons ou
des semailles apparaissent comme des manifestations relevant du drame c’est dans ce
contexte qu’est apparu le théâtre francophone de William Ponty, école dans laquelle s’est joué
pour la première fois une représentation théâtrale négro-africaine en langue étrangère : le
français
L’objectif de cet établissement était de mettre en scènes les traditions il s’agissait de
montrer les coutumes africaines pour mieux les dénigrer et justifier ainsi l’entreprise coloniale
le passé servait donc, à cerner non plus les moeurs africaines mais les réalités coloniales
Vers 1960, le théâtre africain se tourne dans une voie autre que celle de Ponty. Cette
fois, il s’agit de jouer pour critiquer certaines pratiques sociales, politiques des sociétés
postcoloniales. Cette orientation nouvelle fait écho à l’option socialiste et nationaliste de
beaucoup de pays africains au lendemain des indépendances et qui se renforcent par un appel
aux éléments de la tradition historique.
Par l’ajout des thèmes relatifs au vécu quotidien des africains, les dramaturges
témoignent leur engagement dans le choix d’un ordre nouveau où toutes les énergies seront
mises à contribution pour des sociétés progressistes.
Le théâtre africain moderne est un art dicté par l’histoire. Il emprunte non pas les voies
de l’absurde ou de la dérision mais celles de l’engagement pour « aider à s’amuser
pleinement 1». Les dramaturges africains jettent un regard sur le passé sous un jour qui diffère
de l’éclairage colonialiste. Ainsi, les rois redeviennent-ils de véritables héros d’une noble
cause.
Aussi, il s’agit, dans un premier temps, pour ces dramaturges de perpétuer la tradition
africaine, de réhabiliter les anciennes valeurs déniées par la colonisation, avant de s’atteler à
la reconstruction du continent. Ce noble projet à la fois intellectuel et culturel, politique et
historique marque l’activité théâtrale des dramaturges africains, de Wole SOYINKA et de
Guillaume OYONO MBIA en particulier. A coté des historiens, ils s’engagent dans un
mouvement de réappropriation de l’histoire du continent en mettant en scène ses réalités
traditionnelles et sociales.
1 FIANGOR KOFFI, Rogo. Le théâtre africain francophone : Paris l’Harmattan. 2002. p127.
En ce sens, l’histoire comme cadre de représentation des réalités historiques, lieu de
revendication politique et idéologique aussi, mode d’écriture et de réécriture devient l’enjeu
fondamental des oeuvres négro-africaines et du théâtre en particulier. Elle est, à la fois, ce
miroir qui permet de conserver l’identité africaine et ce rétroviseur aidant à ce projeté vers
l’avenir. Sous l’angle esthétique, elle devient le lieu dramatique où s’affirment le mieux
l’originalité et la spécificité de la création négro-africaine.
Les pièces négro-africaines peuvent-elles se lire dans une telle perspective ? Comment
les dramaturges, en nous présentant des événements historiques, nous plongent dans une
brûlante actualité sociale qu’est le mariage. La réponse à ce triple questionnement constitue
les mobiles de notre future recherche.
Plusieurs raisons expliquent le choix porté sur ces deux éminents écrivains. D’abord,
nous constatons que, les études consacrées aux oeuvres de Monsieur SOYINKA ne sont pas
pour la plupart accessibles au public francophone. Or, cet auteur nigérian et Monsieur
OYONO MBIA sont des figures emblématiques de la littérature africaine. Aussi, ce thème du
mariage traditionnel que nous essayons de déceler dans la permanence de l’histoire ou de la
tradition apparaît clairement dans ces deux pièces. A savoir Trois prétendants…un mari 2et Le
Lion et La Perle3.
Par ailleurs, dans un contexte où l’édifice des valeurs s’écroule progressivement, il est
toujours utile de retourner à son histoire pour en tirer des modèles de conduites et de
comportements exemplaires. Notre intention est de dégager l’importance que l’écrivain
accorde au théâtre et à ses valeurs esthétiques.
S’il faut admettre que, dans l’ensemble de la production littéraire africaine, la plus grande
partie relève encore du drame, il convient de souligner les différents modèles de
représentations en même temps que l’esthétique de cette littérature.
L’analyse qu’on fera du théâtre africain, chez Guillaume OYONO MBIA et Wole
SOYINKA permet d’établir les modes de permanence et d’insertion du théâtre dans la
littérature moderne. Chez ces derniers, des éléments de la vie quotidienne sont souvent utilisés
2 SOYINKA, Wole. Lion et La Perle. Yaoundé. Editions Clé, 1986.
3 OYONO MBIA, Guillaume. Trois prétendants…un mari. Yaoundé. Editions Clé, 1975.
comme matériaux selon les techniques de collages, de références. Ils apparaissent comme des
éléments de dynamiques du drame en constituant la toile de fond marquant l’africanité de
l’oeuvre.
En effet, le choix de ces deux ouvrages LP4 et TPM5, n’est pas gratuit en ce sens qu’à
travers ces oeuvres, les auteurs ont opéré de véritables diagnostiques d’une actualité brûlante
en Afrique, à savoir le mariage traditionnel, et ceci apparaît de façon indicielle. C’est dire que
ces écrivains imprègnent le lecteur de la culture dont ils lui parlent.
De plus, ce qui nous intéressent dans cette étude, c’est souligner la résurgence de
certaines pratiques anciennes dans le théâtre écrit. Les oeuvres que nous avons retenues
appartiennent à deux aires culturelles différentes à savoir le Nigéria et le Cameroun, ce qui
permet de souligner la fréquence et l’emploi presque commun de cette pratique littéraire.
Dans ces ouvrages, persiste l’esthétique de la représentation théâtrale qui apparaît comme une
de leurs grandes richesses. C’est dire que le théâtre est loin d’être absent de la littérature
africaine moderne, pour peu qu’on le repère là où elle est, non dans une résurgence littérale.
Même si les oeuvres varient sur le plan thématique, elles ont presque le même fonctionnement
littéraire.
En effet, auteur dramatique, poète et romancier, Prix Nobel de littérature en 1986, il
est né à l’Ouest du Nigéria, dans le pays yourouba, dans une ville où parut en 1857 le premier
journal imprimé en yourouba. Son père est directeur d’une école anglicane à Ake, un quartier
de la ville dont Wole SOYINKA fera la description dans l’ouvrage du même nom. Il étudie à
Lagos, puis à Ibadan, et en Angleterre à Leeds. Il fréquente le Royal Court Théâtre, haut lieu
brechtien à Londres. Il revient au Nigéria avec une bourse de recherche sur le théâtre local et
il fait jouer dès 1959 LP (1963), qui oppose un jeune instituteur, discoureur et vantard, fier de
son éducation européenne, à un vieux chef de village, roué et lubrique, qui séduit la belle du
village au grand désespoir du jeune homme.
Guillaume OYONO MBIA, dramaturge et conteur né en 1939 à Mvoutessi, près de
Sangmélima, a fait une partie de ses études supérieures en Grande-Bretagne et enseigne
actuellement à l’université de Yaoundé. TPM, publiée en 1962, est une pièce qui se situe dans
le cadre de la société traditionnel d’un village au Cameroun. Sous prétexte de distraire le
4 Lion et La Perle sera orthographié par les initiales LP.
5 Trois prétendants…un mari sera orthographié par les initiales TPM.
lecteur, elle repose d’une façon dramatique la question très actuelle de la situation sociale de
la femme camerounaise en particulier, Africaine en général. Dans ce cadre traditionnel, on
nous fait assister à l’affrontement non seulement de générations, mais aussi d’idées et de
valeurs issues, d’une part, de l’Afrique traditionnelle et d’autre part, de l’Occident
progressiste.
Dans cette Afrique pleine de paradoxes, qui s’occidentalise et se métamorphose
chaque jour d’avantage tout en affirmant ses valeurs traditionnelles où ces mêmes valeurs
cèdent progressivement à un nouvel ordre instauré par l’intermédiaire de l’école occidentale,
la situation sociale de la femme reste encore, à bien des endroits, soumise à des pratiques qui
ne sont plus de mise dans le monde moderne. TPM, dramatise cette situation notamment dans
l’institution du mariage et de la dot à l’africaine. Il dépeint en même temps la lutte de la
jeunesse féminine africaine contre les préjugés et les tabous dont elle se croit victime,
notamment ceux qui l’empêchent de se choisir librement un époux, selon la dictée de son
coeur et en dehors de tout diktat familial et clanique. Tout est présenté avec habileté et
humour, de sorte que les insuffisances et les contradictions de l’Afrique d’aujourd’hui sont
soulignées sans qu’elle paraisse grotesque ou bizarre.
L’Afrique noire, malgré les apparences, n’est pas culturellement homogène. Elle est,
au contraire, bien complexe, bien diverse et aussi « protéiforme » que n’importe quel autre
continent. Il faut donc se garder, lorsqu’on étudie ses phénomènes culturels, d’essayer de
simplifier ceux-ci, de les unifier et de réduire tout le continent, pour ainsi dire, à un commun
dénominateur culturel. Cependant, les situations que soulève TPM, paraissent suffisamment
actuelles dans toute l’Afrique noire pour être considérées comme des problèmes africains.
D’où l’intérêt que revêt la pièce dans l’étude de la situation sociale de la femme africaine
aujourd’hui.
Dans cette analyse des deux pièces, la tâche sera d’autant plus ardue qu’il faudrait
étudier avec prudence les événements mis en scène à cause de leur pertinence et de la posture
idéologique des deux auteurs.
Mais, nous avons essayé d’alléger le fardeau en nous dotant d’un pluralisme critique. Ainsi,
les trois modes d’approches du théâtre, dégagés par Marie Claude Hubert, seront utilisés :
analyse textuelle, art de l’interprétation, esthétique de la réception. C’est d’autant plus
important que la critique ajoute : « il est impossible d’ignorer les deux autres quand on opte
pour l’un d’entre eux, tant les trois partenaires auteur, acteur, public, ont partie liée au
théâtre6 ».
Par ailleurs, procéder à un éclairage conceptuel, permettrait de mieux poser les
fondements d’une étude destinée au futur mémoire, surtout quand on travaille sur de grandes
notions telles qu’Historicité, Mariage. Il va falloir recourir aux dictionnaires spécialisé.
Selon l’Encyclopédie Universalis, Historicité signifie le caractère de ce qui est
historique, c’est-à-dire relatif à l’histoire et qui mérite d’être conservé par elle. L’histoire est
définie comme la connaissance ou la relation des événements du passé, des faits relatifs à
l’évolution des peuples ; de l’humanité.
Cette même Encyclopédie dit que le Mariage est un acte solennel par lequel un
homme et une femme établissent entre eux une union dont les conditions, les effets et la
dissolution sont régis par les dispositions juridiques en vigueur dans leur pays (en France, par
le Code civil), par les lois religieuses ou par la coutume ; union ainsi établie.
Dans un souci de clarté, nous procéderons de façon systématique afin d’indiquer les
éléments qui permettent d’analyser le théâtre africain dans les ouvrages choisis. C’est dans
cette mouvance que nous analyserons en première partie l’historicité du théâtre africain et
explorerons deux grandes sous parties : le théâtre traditionnel et le théâtre négro-africain
moderne tout en évoquant les origines, les sources d’inspirations, le théâtre coloniale, la mise
en scène et la signification ; et en deuxième partie, la femme dans le mariage traditionnel.
Ainsi, dans la première partie, nous verrons d’une manière générale comment s’est
construit le théâtre africain, et par quelles voies les auteurs africains ont appréhendé la société
africaine dans sons évolution ; éléments que nous jugeons importants pour expliquer l’attitude
des écrivains face à la révolte et au jugement de la tradition. La deuxième partie aura surtout
pour but de voir comment les dramaturges Wole SOYINKA et Guillaume OYONO MBIA
manient la dualité forme/contenu dans leurs ouvrages, les moyens qu’ils utilisent pour faire
apparaître le poids de la tradition sur les femmes dans le mariage.
6 HUBERT, Claude Marie. Les grandes théories du théâtre. Paris : Armand Colin, 1988, p. 12.
PLAN DETAILLE
SUJET : LE MARIAGE TRADITIONNEL DANS LE THEÂTRE NEGROAFRICAIN.
L’EXEMPLE DE TROIS PRETENDANTS…UN MARI DE GUILLAUME
OYONO MBIA ET LE LION ET LA PERLE DE WOLE SOYINKA.
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE. L’historicité du théâtre africain
Chapitre II : Le théâtre traditionnel
II.1. Origines et manifestations
I.2. Sources d’inspiration et thèmes du théâtre négro-africain
I.3. Mise en scène et signification
Chapitre II : Le théâtre négro-africain moderne
II.1. Les traces de l’histoire dans la thématique du théâtre
II.2. L’attachement à la tradition dans le mariage traditionnel
II.3. La perte des valeurs traditionnelles dans le processus du mariage
africain.
DEUXIEME PARTIE. La femme dans le mariage traditionnel
Chapitre III. La femme et les pesanteurs sociales
III.1. Les rapports hommes/femmes
III.2. L’homme : ses attributions et ses domaines de compétences dans
l’institution du mariage traditionnel.
III.3. Le mariage, la femme et la société
Chapitre IV. La satire sociale dans le mariage traditionnel africain
IV.1. La survivance des coutumes anciennes
IV.2. L’écartèlement de l’individu
IV.3. La cupidité
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
INDEX DES AUTEURS
PREMIERE PARTIE
L’HISTORICITE DU
THEÂTRE AFRICAIN
Dans les années 1960, le théâtre, issu des écoles coloniales, se développe
principalement dans les villes où des lieux sont construits pour l’accueillir et où des
festivals sont organisés. L’apparition d’un théâtre essentiellement historique répond au
besoin impulsé par le développement du mouvement de la Négritude pour revaloriser la
culture africaine, ses traditions et son histoire. Les auteurs réhabilitent la mémoire des
grands chefs guerriers résistants, et font du théâtre un lieu de règlement de compte avec les
anciens colonisateurs. Parallèlement, le théâtre se veut porteur d’un message d’espoir pour
inciter les peuples à construire leur propre avenir. Les auteurs, témoins du changement de
leurs sociétés, remettent en question, voire dénoncent, certaines moeurs nouvelles et
certains aspects de la tradition : la satire de moeurs prend peu à peu de l’ampleur pour
s’imposer finalement dans les années 1970.
CHAPITRE I. Le théâtre traditionnel
Dans le passé comme dans l’époque contemporaine, l’histoire a toujours occupé une
place majeure dans la vie des peuples africains. C’est pourquoi, le théâtre considéré comme la
représentation de la vie, surtout en Afrique traditionnelle, en fait sa principale source
nourricière. Du théâtre traditionnelle au théâtre moderne, en passant par le théâtre colonial,
l’histoire ne cesse d’inspirer les différentes formes dramatiques africaines qui lui doivent ces
thèmes, sa mise en scène et sa signification profonde. Mais, avant d’avoir cela, il nous faut
d’abord explorer les origines et manifestations de ce théâtre traditionnel.
1.1 Origines et manifestations
Il est toujours difficile de situer les origines d’un phénomène dans une société
traditionnelle orale. L’exemple du théâtre en Afrique traditionnelle en est un exemple
révélateur. En effet, les archéologues et les historiens du théâtre n’ont pas pu déceler dans les
fouilles les deux buts et le développement du théâtre connus dans les sociétés de tradition
écrite.
Cependant, des comparaisons entre les théâtres antique et médiéval et les formes de
spectacles traditionnelles permettent de parler dans une certaines mesure de l’existence de
représentations dramatiques en Afrique. C’est ce que justement, jacques Scherer nomme les
spectacles parathéâtraux dans son étude sur le théâtre en Afrique noire francophone7. En effet,
dans son étude, Monsieur Scherer a montré que certaines manifestations qu’on trouvé à
Ziguinchor, sont des spectacles bien adaptés au public et apparemment fixés par la tradition
dans tous ces détails significatifs étaient de véritables représentations dramatiques plus ou
moins comparables à ceux qu’organisaient mes Grecs à l’époque antique.
Selon la signification historique du terme théâtre et ses manifestations dans ces
sociétés qui l’on jadis pratiqué, le théâtre vient de théatron qui, en grec représente le lieu où
se déroule une représentation ou étymologiquement on regarde avec étonnement. Donc, en
pratique, le terme théatron renvoie à l’organisation d’un spectacle où il y a un public qui
regarde ce spectacle.
Par ailleurs, les encyclopédistes « Quillet8 » nous renseignent aussi sur les origines du
théâtre antique, attestant les définitions étymologiques du terme. Selon eux, le théâtre est né
7 SCHERER, Jacques. L e théâtre en Afrique francophone. Paris : PUF, 1992.
8 Encyclopédie Quillet. Librairie Aristide Quillet. Paris, 1970.
sous la forme de la tragédie célébrant le culte de Dionysos, dieu de la végétation et de la
vendange. Ils ajoutent qu’au VIème siècle, l’introduction des personnages costumés et
masqués, par Thespis et Eschyle, relègue le choeur au second plan, laissant le dialogue des
personnages. Cette méthode introductive n’intervient que pour marquer les différentes phases
de l’action (Drama) à l’aide du mouvement scénique accompagné de chants. En plus de ces
cérémonies sacrées, il y avait des spectacles profanes. Après les banquets, les convives se
répandaient à travers la ville et dans les campagnes pour chanter les louanges de Dionysos.
L’ambiance joyeuse qui mêlait rires, plaisanteries, injures, appelés lazzis, conférait à ces
spectacles un aspect comique.
Robert PIGNARE, dans son Histoire du théâtre9 donne des précisions sur le mode de
représentation de ce théâtre antique. Selon lui, ce théâtre joué en plein air était dédié à
Dionysos. Les illustrations de l’ouvrage donne à voir une immense construction de gradin
semi-circulaire où se plaçait le peuple en demi cercle appelé orchestre ; au milieu se dresse
l’autel de dieu : c’est là où le choeur venait chanter et danser en tournant autour de l’autel. Le
choeur représentait le peuple jugeant en son nom les faits moralisant à leur sujet.
Ainsi on peut constater que le théâtre grec est un théâtre religieux ou profane qui met
en scène un spectacle regardé par un public participant directement ou indirectement au
déroulement de l’action. Qu’en est –il du théâtre français ?
En français, le terme théâtre se rapporte à l’ensemble de la littérature dramatique. On
parle ainsi des règles du théâtre classique codifiée par Boileau dans son Art poétique. Il se
rapporte aussi à l’ensemble des pièces d’un pays, d’un continent, d’un auteur. Dans ce cadre
parle-t-on de théâtre sénégalais, théâtre africain ou théâtre de Wole SOYINKA ou encore de
Guillaume OYONO qui font l’objet de notre étude. Théâtre en français renvoie, en outre, à
l’espace du jeu dramatique : théâtre de Danièle Sorano par exemple.
Mais en remontant les origines lointaines du théâtre français, on voit aussi ; qu’il est
né sans la célébration des cultes religieux. Selon le point de vue de beaucoup de chercheurs en
théologie, il a une double origine. Au XIème siècle, les prêtres chantaient pendant la messe de
la vigile de Noel une traduction d’un texte grec du IIIème siècle. Dans cette messe, la sibylle
prophétisait la venue du christ. Par la suite d’autres sibylles s’ajoutaient au premier en
9 PIGNARE, Robert. Histoire du théâtre. Paris : PUF, 1967, p.56.
chantant chacune sa strophe. Ainsi, naquit le drame des prophètes du christ10 ; Le jeu d’Adam
et d’Eve11. A la fin du VII ème siècle, le passage du drame religieux au drame laïc manifestait
sur les tréteaux donnait naissance au théâtre français.
Ainsi, si la religion est à l’ origine du drame grec, elle marque aussi les débuts du
théâtre médiéval né dans les cathédrales avant d’être célébrer de façon profane. En Afrique,
les recherches sur les origines du théâtre ont montré ce caractère religieux et profane. En effet,
la religion couvre ici tout le domaine de l’espace culturel. C’est cette religiosité dont parle
Bakary TRAORE dans son article Les tendances du théâtre négro-africain12. Il dévoile la
place du théâtre dans la société traditionnelle où le drame religieux était au coeur de
l’existence des africains. En effet, un grand nombre de manifestations étaient liées aux
cultes : les initiations, les fêtes de moisson, les cultes des ancêtres et des entités supérieures. Il
en va de même avec les rites liés aux actes primordiaux de l’existence comme la naissance, le
mariage, la célébration de ces spectacles sont autant de manifestations qui témoigne de la
théâtralité de ces formes de représentation pour employer le terme de Roland Barthes.
Le théâtre traditionnel tire ses origines aussi des cérémonies de processions de
masques dans les rites secrets du bois sacré par exemple ou après les séances vaudou : il s’agit
là d’un théâtre de geste car les personnages qui incarnent les esprits les miment en même
temps. L’organisation des scènes de danse engendre aussi des formes de drames gestuels
comme me défini Robert PIGNARE : la danse est un drame rituel organisé sous la forme
d’une mise en scène.13En Afrique traditionnelle, elle se manifeste par les gestes du cultivateur,
du chasseur ou d’une personne en quête d’amour ou de pouvoir.
En plus de ce théâtre gestuel et mimique, il y a un théâtre où la parole domine. Ce sont
souvent les récits mimés de hauts faits d’une personne ou d’un groupe familial, mais
précisons qu’ils sont faits lors des cérémonies religieuses. D’aucuns parleront même de
théâtre sacré, dans la mesure où ils font partie intégrante de la cérémonie qu’il donne sens et
signification.
Par ailleurs, comme dans la Grèce antique et dans la France médiévale, il existait en Afrique
traditionnelle, le théâtre profane dont le but était le divertissement. En effet, se sont
10 Le drame des prophètes du Christ. Bibliothèque de l’école des chartes, Année 1867, volume 28, Numéro 1,
pp.211-264.
11 Le jeu d’Adam et d’Eve. Revue histoire des religions. Volumes 214, 1997, pp.311-335.
12 TRAORE, Bakary. Les tendances du théâtre négro-africain. Présence Africaine, no 75, 1970, p.39.
13 PIGNARE, Robert. Op.cit.
des manifestations qui sortaient du cadre religieux. Ils sont comparables aux grecs et à la
Commedia dell’arte italienne connu en France, car les textes improvisés par des personnages
fixes, sont joués sur le style de la farce et de la comédie.
Enfin, l’Afrique traditionnelle a connu et développé, elle aussi, des formes de
représentations qui sont dignes d’être vues et considérées comme théâtre au sens théorique et
pratique du terme. Autrement dit, un théâtre qui nécessite l’organisation d’un spectacle en y
participant directement ou indirectement. Il suppose aussi que ces manifestations s’organisent
dans le cadre des célébrations religieuses ou tout simplement profanes. Il reste que nous
verrons en quoi ce théâtre demeure profondément historique sur le double plan des sources
d’inspiration, de sa thématique et de sa mise en scène.
I.2 Sources d’inspiration et thèmes du théâtre négro-africain
Dans son contenu comme dans sa forme, le théâtre traditionnel est un spectacle
historique. Il présente dans tous ses aspects les marques de la tradition. Non seulement, il
s’inspire de l’oralité, mais aussi, sa mise en scène repose essentiellement sur des canons
esthétiques et des structures institutionnelles hérités du passé.
Même s’il est défini comme la représentation des activités de la vie quotidienne, le
théâtre traditionnel s’inspire principalement de l’histoire du peuple qui se met en scène. Or,
dans une société sans écriture, les sources historiques sont essentiellement constituées de
d’éléments oraux. En effet, elles sont consignées dans les contes, légendes et épopées, etc. qui
servaient de patrimoine culturel. Il n’est pas superflu de rappeler que le théâtre traditionnel
s’exprimait aussi à travers ces contes et légendes. Montrons pour le moment le caractère
historique qu’ils attribuent au théâtre, au double point de vue de l’inspiration et de la
thématique.
Le conte est défini en général comme un récit de faits, d’aventures imaginaires,
destinés à distraire. Cette définition lapidaire ne doit pas occulter l’aspect didactique du conte
dans une société traditionnelle où il était un moyen puissant de transmissions des valeurs
positives du passé. C’est pourquoi, malgré son caractère distractif, le conte puise ses thèmes
dans l’histoire du peuple qui l’exprime. Le conte met en scène une histoire qui révèle la vie
des peuples et les éléments historiques qui ont marqué leur époque : guerres, cérémonies
quotidiennes, rituelles et religieuses.
Ainsi, la plupart des contes africains nous transportent dans un univers traditionnel par
l’emploi de langues anciennes dans les chants, les indications géographiques qui renvoient à
l’époque de la forêt dense, et les noms de figures historiques.
Par ailleurs, dans l’esprit des africains comme le souligne Bernard DADIE : « il n’y a
pas de divergences entre les différents genres14 ». Dans cette même perspective, Léopold
Sédar Senghor ajoute : « il n’y a en Afrique noire, ni douaniers, ni auto indicateurs aux
frontières. Du mythe au proverbe, en passant par la légende, le conte, la fable, il n’y a pas de
frontières15 ».
Aussi, même si certains critiques décèlent des différences, force est de constater sue
ces différents moyens d’expression se nourrissent tous de l’histoire et inspirent le théâtre
traditionnel africain. Comme le conte, la légende met en scène des événements historiques :
La Légende du Baoulé par exemple, exalte les exploits de la reine Abra Pokou. En outre, il y a
des légendes qui relatent les hauts faits d’ancêtres, évoquent les actes de dévouement des
héros historiques à leur peuple.
Nous retrouvons les marques de l’histoire dans les mythes qui aussi, inspire le théâtre
africain traditionnel. Le mythe est défini par Mircea ELIADE comme : « une histoire sacrée,
relatant un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des
commencements16 ».
L’épopée s’inscrit dans cette même mouvance historique car elle met en scène les
hautes figures légendaires ou mythiques, qu’elle glorifie à travers leur héroïsme d’hier.
Dans ce sens, L’épopée de Soundiata nous retrace les combats historiques de ce grand roi
mandingue et sa conquête glorieuse du trône. L’épopée peule découvre elle aussi, la croisade
extraordinaire du grand Cheik Toucouleur, El Hadji Omar Tall, pour la propagation de
l’Islam.
Enfin, qu’il s’agisse du conte, de la légende, du mythe ou de l’épopée, les sources
orales charrient avec elles tout un pan de l’histoire du peuple africain. Aussi, elles impriment
14 DADIE, Bernard. « Min Adjao ». Le théâtre populaire en République de Côte d’Ivoire. Pp.91-11. Abidjan.
Cercle culturel et folklorique de côte d’Ivoire, 1967-27cm.
15 SENGHOR Sédar, Léopold. Préface des nouveaux contes d’Amadou Koumba de Birago DIOP. Présence
africaine, 1958.
16 ELIADE, Mircea. Analyse du mythe. Paris : Gallimard, 1963, p.82.
un cachet historique, particulier au théâtre africain qu’elles inspirent. C’est cette empreinte
visible même au niveau de la mise en scène qui lui donne sens et signification.
Aussi, il est important d’explorer l’apport du théâtre colonial qui a été catalyseur dans
l’élaboration d’un théâtre africain institutionnalisé.
I.3 Le Théâtre colonial
Au début, le théâtre africain s’est pratiqué sous la supervision des colonisateurs des
dramaturges africains ont pris leur plume non pas pour protester contre les abus de
l’occupation coloniale, mais pour les légitimer et les soutenir. Ils mirent ainsi l’expression
théâtrale au service de la cause coloniale. La naissance de ce théâtre intervient dans un
contexte marqué par une certaine politique culturelle colonisatrice et s’est manifesté par son
adhésion au discours colonial.



↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles