Candide de Voltaire: Comment Voltaire parvient-il à partager son indignation envers l’esclavage ?
Publié le 27/10/2023
Extrait du document
«
CANDIDE DE VOLTAIRE
INTRODUCTION
Voltaire est un poète, écrivain, dramaturge, historien et
philosophe français né en 1694 et mort en 1778
Homme influent des Lumières il fut connu pour ses
combats politiques.
c'est aussi un grand humaniste qui
s'est battu toute sa vie contre le fanatisme religieux et la
liberté d'opinion Il écrivit de nombreuses œuvres
comme Candide ou l’Optimisme, Zaire ou d’autres de sa
littérature d’idées.
Cet extrait est tiré de son conte
philosophique Candide.
Il relate le parcours du
personnage éponyme qui, après avoir été élevé dans les
théories optimistes de Pangloss découvre l’existence du
Mal.
Après avoir parcouru le monde et connu de nombreuses
aventures, Candide et son compagnon Cacambo arrivent à
Surinam.
Cet épisode, extrait du chapitre 19, marque un
retour brutal à la réalité puisque les deux personnages
reviennent de l’Eldorado, société idéale, et la première
vision d’un être humain est celle d’un esclave C’est une
œuvre Picaresque.
Problématique :
Comment Voltaire parvient-il à partager son indignation
envers l’esclavage ?
En approchant de la ville, ils
rencontrèrent
un nègre étendu par terre, n'ayant plus
que la moitié de son habit, c'est-à-dire
d'un caleçon de toile bleue ; il manquait
à ce pauvre homme la jambe gauche et
la main droite.
L’extrait peut être découpé en trois mouvements.
1 Le premier consiste en un bref passage descriptif qui fait
suite à un passé simple relevant de la narration (« ils
rencontrèrent »).
2 Le deuxième est composé d’un
dialogue entre Candide et le « nègre »
qui prend longuement la parole (on
peut même isoler dans la prise de
parole de l’esclave un mouvement
supplémentaire.
Nous le montrerons à
ce moment).
3 Le dernier paragraphe qui est une
prolongation du dialogue apporte une
conclusion qui éclaire le titre Candide ou
l’Optimisme.
On montrera l’ironie de ce réquisitoire qui prend la forme
d’un dialogue.
L’auteur emploie un début de phrase tonique par le biais
du gérondif ; avec la technique de “In media res” (au
milieu des choses).
Le lecteur se retrouve en immersion
dans le récit.
Ce premier mouvement fait se succéder le passé simple
(« ils rencontrèrent »), temps de la narration, et l’imparfait
(« manquait »), temps de la description.
Le portrait qui est
fait de l’esclave est caractérisé par le dénuement (voir la
restrictive « ne...
que », le verbe « manquait ») qui suscite
la compassion du narrateur, comme le montre le groupe
nominal « ce pauvre homme ».
Il faut dire que cet homme
ne pouvant aisément se tenir debout du fait de son
infirmité suscite l’effarement
En effet, la caractérisation du personnage le place en
position de victime.
La position au sol est révélatrice avec
le complément circonstanciel de lieu : « un nègre étendu
par terre ».
Elle marque la dégradation de l’homme mis
en état d’esclavage, par opposition à Candide, homme
libre.
Le portrait brossé de l’esclave est marqué par la
mutilation et la privation : privation vestimentaire,
signifiée par la négation restrictive, la mutilation physique
signifiée par le verbe « manquer ».
Ce tableau est
susceptible de provoquer la compassion par son horreur.
Dès lors, le lecteur va ressentir un sentiment de culpabilité
qu’il va compenser en se mettant du côté de la victime.
"Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en
hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans
l'état horrible où je te vois ? - J'attends
mon maître, monsieur Vanderdendur, le
fameux négociant, répondit le nègre.
- Est-ce M.
Vanderdendur, dit Candide,
qui t'a traité ainsi ?
- Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage.
On nous donne un caleçon de toile pour
tout vêtement deux fois l'année
Ce sentiment est confirmé par la réaction de Candide,
seule médiation émotionnelle de ce spectacle : « Eh ! mon
Dieu! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon
ami, dans l'état horrible où je te vois ? ».
Cette
intervention au discours direct permet de rapprocher le
lecteur de l’action le dialogue est entrepris dans la langue
du colonisateur (hollandais).
Sur le plan de
l’argumentation, elle donne une image positive de
Candide qui écoute le discours de l’esclave et compatit à
son malheur.
Comme le personnage éponyme est
sympathique au lecteur, ce dernier adopte son point de
vue sur l’esclavage.
Cette question permet de lancer un dialogue qui va lancer
la critique de l’esclavage :
— J’attends mon maître, M.
Vanderdendur, le fameux
négociant, répondit le nègre.
— Est-ce M.
Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité
ainsi ?
L’ironie est un moyen d'argumentation
Par le jeu sur l’onomastique (« celui qui a la dent dur »
signifie "celui qui est agressif notamment en affaire") est
redoublé par l’euphémisme puisque l’agressivité se
caractérise en l’occurrence par l’agression physique sur
l’esclave.
Par cette dérision à peine voilée, Voltaire
dénonce la violence de l’esclavage et accuse directement
les esclavagistes.
Elle est renforcée par la qualification
faussement méliorative « mon maître, M.
Vanderdendur,
le fameux négociant ».
La relation d’autorité entre maître
et esclave est posée comme si elle était une évidence par
l’esclave, mais le narrateur en dénonce la cruauté.
Au sol, dans le dénuement, doublement amputé,
producteur de richesse (celle-là même qui fait de
Vanderdendur un « fameux négociant »), son infériorité
s’exprime également dans le vouvoiement qui est le sien
quand Candide le tutoie, s’adresse à lui en disant
« monsieur ».
La brièveté des phrases (« c’est l’usage ») traduit
l’acceptation des faits et d’une situation qui devrait être
considérée comme inacceptable.
« Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage.
On nous donne un caleçon de toile pour
tout vêtement deux fois l'année.
Quand
nous travaillons aux sucreries, et que la
meule nous attrape le doigt, on nous
coupe la main ; quand nous voulons nous
enfuir, on nous coupe la jambe : je me
suis trouvé dans les deux cas.
C'est à ce prix que vous mangez du sucre
en Europe »
Cependant, lorsque ma mère me vendit dix
écus patagons sur la côte de Guinée, elle
me disait : "Mon cher enfant, bénis nos
fétiches, adore-les toujours, ils te feront
vivre heureux ; tu as l'honneur d'être
Ce second mouvement symbolisé par le discours de
l’esclave est l’essentiel du texte.
- En mettant en avant la dénonciation du code noir
Contrairement au début du texte, le discours de l’esclave
est marqué dans un premier temps par un certain objectif.
Il fait un récit factuel de l’asservissement Voltaire fait
référence au code noir, à la fin du XVIIe qui pose les
principes de l’esclavage et les sanctions que les esclaves
peuvent encourir.
Ce constat remet en cause la
banalisation de la cruauté et de la violence.
C’est aussi un
moyen pour Voltaire de susciter l’horreur et l’indignation
vis-à-vis de cette pratique.
La phrase qui suit en témoigne
: « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ».
Le contraste entre la violence des mutilations et le plaisir
lié à la sucrerie ne peut laisser indifférent le lecteur.
Dans
l’Esprit des Lois, Montesquieu se servira du même
produit symbolique.
En effet, les échanges avec les
colonies sont en plein développement et s’accompagnent
de ce que l’on appelle le commerce triangulaire.
• Pourtant, les choses se déroulent selon un
mécanisme que....
»
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