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La Grande révolte kabyle

Publié le 15/01/2025

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« Khôlle histoire 1 La Grande révolte kabyle de 1871 "Le colonisé est un persécuté qui rêve en permanence d'être un persécuteur.

Il rêve de violences pour se venger des humiliations subies" écrit Frantz Fanon dans Les Damnés de la Terre.

C'est ainsi que nous pouvons illustrer l'embrasement de la Kabylie en 1871 contre l'ordre colonial français; car au-delà d'une rébellion contre la domination étrangère, cette révolte incarne un cri de dignité pour des populations dépouillées, marginalisées et rejetées à la périphérie d'une société coloniale qui les traite comme des étrangers sur leurs propres terres. L'année 1871 représente une ligne de partage entre deux époques: l'Algérie de l'administration militaire et l'Algérie du régime civil.

Cependant, si l'avènement du régime civil aurait dû impliqué la fin du "régime du sabre et être plus conforme aux idéaux républicains, la vérité en est tout autre.

Jusque-là circonscrit aux grandes villes, le régime civil est étendu à l’ensemble du territoire, notamment aux zones rurales de Kabylie et du Constantinois, avec pour objectif de réduire l’influence militaire et de faciliter l’implantation des colons.

En réalité, ce changement de système s’accompagne d’une politique de colonisation agraire intense, au mépris des droits et des coutumes locales.

Le décret Crémieux d’octobre 1870, qui naturalise les Juifs d’Algérie, devient le symbole d’une politique qui transforme les structures de la société autochtone et cristallise un mécontentement général. La révolte commence le 14 mars 1871, dans un climat de tensions exacerbées, et embrase rapidement toute la Kabylie.

De nombreuses tribus rejoignent le mouvement, espérant mettre fin aux pressions fiscales et aux expropriations.

Cependant, après des mois de résistance, la répression s’abat de façon implacable.

Accusés de sédition, les insurgés sont jugés, condamnés, et leurs terres sont confisquées au nom de la « responsabilité collective ».

Le régime civil, désormais maître de l’administration de la région, impose la confiscation des terres comme châtiment collectif, en distribuant les terres des révoltés aux colons européens.

Par cette expropriation systématique, le régime civil, qui prétendait incarner les valeurs républicaines de justice et d’intégration, se transforme en instrument de dépossession.

Les Kabyles sont dépossédés de leurs terres ancestrales, contraintes de devenir des « communes mixtes » administrées directement par les autorités coloniales françaises.

Ainsi, au lieu de représenter un progrès ou une ouverture, le régime civil se révèle être le bras armé de la colonisation agraire.

En introduisant les communes de plein exercice pour les populations européennes et les communes mixtes pour les territoires kabyles, il institutionnalise une ségrégation administrative, où l’indigène est soumis à des lois distinctes et demeure en marge des droits de citoyenneté.

Les promesses d’intégration républicaine se révèlent une façade, sous laquelle s’opère la spoliation des terres et l’assimilation forcée.

Cette nouvelle administration, malgré la fin de l’autorité militaire directe, perpétue l’oppression des populations locales, et l’insurrection de 1871 devient alors le témoignage de la résistance kabyle face à un pouvoir colonial dont les méthodes et les objectifs n’ont cessé de se durcir. Problématique: Quelle est l’importance de la Grande révolte kabyle de 1871 sur le plan identitaire I.

Les motifs de l’insurrection a) El Mokrani et le régime civil El-Hadj Mohamed El-Mokrani, chef influent de la région de Bou Arreridj, descendait d’une famille de notables respectée en Kabylie.

Fidèle à Napoléon III, il voyait en l’Empire un garant de stabilité pour sa communauté, malgré l’autorité militaire exercée par la France sur l’Algérie.

Cette loyauté fut d’ailleurs reconnue par la France, qui l’honora du titre de bachaga et lui accorda la Légion d’honneur.

Cependant, les décrets Crémieux de septembre 1870, promulgués par le ministre de l’Intérieur Adolphe Crémieux, changèrent radicalement la situation.

Ces décrets, bien que principalement connus pour avoir accordé la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie, instaurèrent également le régime civil dans la colonie, démantelant l’administration militaire.

Il est important de noter que contrairement à ce que prétendent les antisémites français de l’époque et même parfois encore aujourd’hui, ce n’est pas la naturalisation des juifs qui amène la révolte mais bien la transition vers un régime civil qui réduit le pouvoir des chefs indigènes et supplante les coutumes locales.

Le passage au régime civil donna aux colons civils un accès accru au pouvoir local, leur permettant de gérer directement les terres et de mettre en place des conseils municipaux qui facilitaient l’appropriation de nouvelles terres.

Mokrani, déchu de son rôle de bachaga et réduit au rang de simple conseiller municipal dans son propre fief, perçut ce changement comme une humiliation.

Il voyait le pouvoir tomber entre les mains de colons européens, avides de terres et souvent insensibles aux coutumes kabyles, menaçant ainsi l’autonomie de sa communauté et de son lignage.

Ce déclassement, couplé à la perte de la protection de l’Empire après la chute de Napoléon III, affecta profondément Mokrani.

Alors qu’il s’était vu honoré par l’Empire, il était désormais contraint d’accepter une situation où son influence et celle de ses pairs se trouvaient marginalisées par des administrateurs civils.

Cette rupture avec les autorités coloniales marqua un tournant pour Mokrani, qui, voyant son pouvoir érodé et son honneur bafoué, décida de se rebeller pour défendre les intérêts de sa communauté. b) Crises économiques et impact sur les notables kabyles La situation économique en Kabylie contribua également à alimenter le ressentiment de Mokrani et de la population locale.

Dans les années 1860, la région fut frappée par des sécheresses, des invasions de sauterelles et des épidémies de choléra et de typhus, des catastrophes naturelles regroupées sous le terme de karith (« catastrophe » en arabe).

Ces fléaux détruisirent les récoltes et provoquèrent une famine importante, déstabilisant l’économie kabyle et plongeant de nombreuses familles dans la misère.

Pour survivre, les paysans kabyles, ainsi que des notables comme Mokrani, accumulèrent d’importantes dettes.

La pression fiscale ajoutée par l’administration coloniale, sous forme d’impôts comme l’achour et le zekkat, fut particulièrement éprouvante.

Mokrani, déjà endetté, se retrouva contraint de payer ces taxes en même temps que les paysans ordinaires, ce qui représentait pour lui une déchéance insupportable.

Cette situation économique difficile renforça son ressentiment envers les autorités coloniales, qui n’apportaient aucun soutien aux populations locales, tout en favorisant les colons civils dans l’accès aux terres.

Pour Mokrani, la révolte devenait une solution pour défendre ses terres et échapper aux pressions économiques.

En dépit de la dégradation des conditions économiques, les colons insistèrent pour que les Kabyles s’acquittent de leurs dettes envers l'État et les usuriers.

Les créanciers européens, sans pitié, accentuèrent la pression pour recouvrer les créances.

À la fin de 1870, selon des témoignages, certains paysans avaient même vendu leurs semences à vil prix pour acheter des armes et préparer une rébellion.

Ces circonstances contribuèrent à enflammer l’esprit des débiteurs et à alimenter l’idée d’un soulèvement imminent, la population cherchant un moyen de rompre avec un système devenu oppressant. c) L’alliance avec la confrérie Rahmaniyya : mobilisation religieuse et sociale Conscient qu’il ne pourrait pas lutter seul contre l’administration française, Mokrani chercha l’appui de la confrérie Rahmaniyya, une organisation religieuse influente en Kabylie.

Fondée au XVIIIe siècle par le cheikh Sidi M’hamed Bou Qobrine, la confrérie Rahmaniyya s’était développée comme un mouvement religieux ancré dans les valeurs de l’islam et profondément lié aux coutumes locales.

Elle jouait un rôle essentiel dans la vie spirituelle et sociale de la Kabylie, assurant un réseau de solidarité entre ses membres, appelés khouan (frères).

Sous la direction de Cheikh El-Haddad, la Rahmaniyya exerçait une influence grandissante en Kabylie, particulièrement dans la région de Seddouk, dans la vallée de la Soummam.

Après la conquête de la Kabylie en 1857, la confrérie devint un symbole de résistance culturelle contre l’autorité coloniale, attirant les Kabyles désireux de préserver leur identité.

Cheikh El-Haddad, charismatique et respecté, savait mobiliser les masses par ses prêches.

Au début de 1871, il intensifia son message, appelant les Kabyles à la résistance.

En avril, il proclama officiellement le djihad contre les autorités françaises, donnant à la révolte une dimension sacrée. II - Un embrasement populaire; le déroulement de l’insurrection de 1871 A.

La démission de Mokrani et le déclenchement de la révolte Le basculement de Mokrani vers l’insurrection est lié à sa démission en mars 1871. Cette décision résulte de l’imposition du régime civil en Algérie en 1870 par les décrets Crémieux, qui mirent fin à l’autorité militaire et transférèrent le pouvoir aux civils, favorisant ainsi les colons européens.

Mokrani, autrefois bachaga, se voyait désormais réduit au rôle de simple conseiller municipal, un déclassement qu’il considérait comme une humiliation.

Ce changement dévalorisait l’autorité traditionnelle des chefs kabyles, leur retirant une partie de leur influence, et mettait la structure sociale kabyle en péril face aux ambitions des colons.Avec la chute de l’Empire et la perte de Napoléon III, en qui il voyait un protecteur, Mokrani estima qu’il n’avait plus rien à attendre de la France républicaine, et sa loyauté fut ébranlée.

Sa démission marqua un acte de rupture symbolique avec les autorités coloniales et déclencha un mouvement de résistance.

En mars 1871, Mokrani lança un appel au soulèvement, rassemblant autour de lui de nombreux chefs de tribus qui partageaient son.... »

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