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Agrippa D'Aubigné

Extrait du document

A partir de 1668, la vie de ce huguenot est liée à celle d'Henri de Navarre. En 1572, il échappe de peu à la Saint-Barthélemy. Pourtant, il revient à la cour, à peine un an plus tard. En effet, il est l'écuyer d'Henri. Pendant des années, il est de tous les combats et, chaque fois, que ce soit à Jarnac, en 1569, à Coutras, en 1587, ou à Ivry, en 1590, sa bravoure est remarquée. En dépit de sa fidélité à Henri de Navarre, intransigeant, il n'admet pas la moindre compromission avec les catholiques. L'édit de Nantes, publié en 1598 par Henri IV, le déçoit. Reste que la paix lui donne le temps de s'adonner à la controverse théologique et de se livrer à des travaux historiques. Après l'assassinat d'Henri IV, son intransigeance lui vaut d'être appelé " bouc du désert ". Marie de Médicis, qui le supporte de plus en plus mal, supprime les unes après les autres ses pensions et finit par le proscrire. Il s'exile à Genève en septembre 1620. Il songe encore à reprendre les armes. Il meurt sans être revenu en France en 1630. Son texte, Les Tragiques, publié en 1616, est une épopée puissante contre les catholiques, autant que des appels à la justice divine. Quant à l'Histoire Universelle depuis 1550 jusqu'à 1601, qu'il publie de 1616 à 1620, elle est le récit de l'épopée du parti protestant qu'il s'est astreint à composer avec impartialité, dans sa retraite de Vendée. La réserve n'est plus à l'ordre du jour avec Les Aventures du Baron de Faeneste dont le dernier livre semble, en 1630, si virulent contre la cour de Marie de Médicis qu'il est censuré à Genève. L'Histoire universelle, quant à elle, a été condamnée et brûlée. Ses pamphlets multiples n'ont jamais circulé qu'en manuscrits. Est resté aussi jusqu'à la fin de sa vie à l'état de manuscrit, le texte qu'il destine à sa seule famille (dont sa petite-fille, Françoise d'Aubigné, future Mme de Maintenon) Sa vie à ses enfants. La puissance de son style, capable de violence comme de sublime, de raillerie comme de tendresse, fait de D'Aubigné l'un des plus grands auteurs baroques de la langue française.

« A grippa D'A ubigné A partir de 1668, la vie de ce huguenot est liée à celle d'Henri de Navarre.

En 1572, il échappe de peu à la Saint-Barthélemy.

P ourtant, il revient à la cour, à peine un an plus tard.

En effet, il est l'écuyer d'Henri.

P endant des années, il est de tous les combats et, chaque fois, que ce soit à Jarnac, en 1569, à C outras, en 1587, ou à Ivry, en 1590, sa bravoure est remarquée.

En dépit de sa fidélité à Henri de Navarre, intransigeant, il n'admet pas la moindre compromission avec les catholiques.

L'édit de Nantes, publié en 1598 par Henri IV, le déçoit.

Reste que la paix lui donne le temps de s'adonner à la controverse théologique et de se livrer à des travaux historiques.

A près l'assassinat d'Henri IV , son intransigeance lui vaut d'être appelé " bouc du désert ".

Marie de Médicis, qui le supporte de plus en plus mal, supprime les unes après les autres ses pensions et finit par le proscrire.

Il s'exile à Genève en septembre 1620.

Il songe encore à reprendre les armes.

Il meurt sans être revenu en France en 1630.

Son texte, Les Tragiques, publié en 1616, est une épopée puissante contre les catholiques, autant que des appels à la justice divine.

Quant à l'Histoire Universelle depuis 1550 jusqu'à 1601, qu'il publie de 1616 à 1620, elle est le récit de l'épopée du parti protestant qu'il s'est astreint à composer avec impartialité, dans sa retraite de Vendée.

La réserve n'est plus à l'ordre du jour avec Les A ventures du Baron de Faeneste dont le dernier livre semble, en 1630, si virulent contre la cour de Marie de Médicis qu'il est censuré à Genève.

L'Histoire universelle, quant à elle, a été condamnée et brûlée.

Ses pamphlets multiples n'ont jamais circulé qu'en manuscrits.

Est resté aussi jusqu'à la fin de sa vie à l'état de manuscrit, le texte qu'il destine à sa seule famille (dont sa petite-fille, Françoise d'A ubigné, future Mme de Maintenon) Sa vie à ses enfants.

La puissance de son style, capable de violence comme de sublime, de raillerie comme de tendresse, fait de D'A ubigné l'un des plus grands auteurs baroques de la langue française. C 'est étrangement amoindrir la place de l'oeuvre d'Agrippa d'Aubigné dans nos lettres que d'y voir seulement le réquisitoire d'un partisan de génie, la vitupération éclatante et un peu monotone d'un poète fanatique, politique et moraliste.

P ar l'oscillation qui porte l'auteur des Tragiques des pires violences terrestres aux plus hautaines métaphores, par la vigueur des passions qui s'inscrivent sans gêne dans le cadre magnifiquement fleuri de la rhétorique, par la part que s'y donne l'auteur lui-même dans une oeuvre qu'il ne dédie pas à la gloire de héros lointains, mais lance sur ses ennemis comme une machine de guerre, par l'aisance avec laquelle l'auteur y enveloppe dans un même regard, dans un même souffle, tout le territoire de la condition humaine, depuis ses profondeurs de colère et de nuit jusqu'à son sommet théologal, les Tragiques sont plus que les Satires ou les C hâtiments de Hugo, plus que le chef-d'oeuvre français de la poésie polémique, plus que l'épopée du protestantisme : l'ambition du dessin, le flamboiement mêlé de l'actuel et de l'éternel au contact d'une haine et d'un amour également incendiaires, et aussi les faiblesses de l'ensemble, les bavardages anecdotiques ou métaphysiques qui gâtent certaines parties, font de cette oeuvre d'hérétique ce qui, dans notre littérature, se rapproche le plus de la Divine C omédie. Mais le principe féminin, introduit au coeur même de l'épopée religieuse de Dante où il apporte la grâce d'un visage et la clé des sanctuaires supérieurs de la méditation, est absent des Tragiques.

A grippa d'A ubigné, lui, ne lui a donné sa place que dans ses premiers recueils, le P rintemps, l'hécatombe à Diane, c'est-à-dire dans la peinture de ces amours farouches et malheureuses qui a fait l'objet de ses admirables poèmes de jeunesse.

Tout s'est passé comme si A grippa d'A ubigné avait séparé rigoureusement, dans son esprit et dans son oeuvre, le profane et le sacré, de telle façon qu'aucun espoir en Dieu ne vînt apporter sa consolation dans ses fureurs de jeune amant délaissé, qu'aucun tendre visage ne vînt mettre un peu de douceur et de lumière dans sa fureur de guerre sainte, dans ses imprécations de soldat intraitable, dans son combat forcené pour une cause vaincue...

A insi, d'un côté comme de l'autre, A grippa d'A ubigné sut réaliser autour de lui-même et dans son oeuvre le climat, le seul climat où lui-même et son oeuvre pouvaient trouver leur inspiration, leur respiration naturelles, le climat pour lequel il était né, le climat du tragique absolu. Lorsque les T ragiques furent publiés pour la première fois, près de quarante ans s'étaient écoulés depuis la fin des guerres civiles non pour A grippa d'A ubigné la paix régnait entre catholiques et protestants non pour A grippa d'A ubigné.

Le temps d'Agrippa d'A ubigné ne s'était pas écoulé comme le temps des autres hommes, apportant la guérison des blessures, des branches de nouveau verdissantes, l'oubli.

Il avait tourné en cercle, il avait ramené chaque année non l'anniversaire du massacre de V assy, mais le massacre de V assy, non la commémoration de la Saint-Barthélemy, mais la Saint-Barthélemy.

Les Tragiques sont de tous les ouvrages de notre littérature poétique celui qui a le plus directement subi l'empreinte, utilisé l'aliment d'une actualité qui nous étourdit presque de ses tumultes, et ils sont aussi celui qui a porté à l'actualité le défi le plus audacieux, le plus absurde.

D'A ubigné ne se décide à soumettre son livre au public que lorsqu'il est pour ainsi dire certain d'avoir réuni autour de ce livre toutes les conditions de l'échec.

Publié à l'époque où il avait été écrit, il eût pu être, dans l'orage de la guerre, la foudre même.

Jeté dans la paix, dans le silence, dans la prospérité, dans l'oubli presque complet de tout ce qui avait été sa raison d'être, il n'est plus qu'une vieille et mauvaise bombe, qui n'éclate pas.

Les circonstances littéraires ne lui sont pas plus favorables que les circonstances politiques.

Dans le long passage d'un siècle à l'autre, la langue française a changé plus vite qu'en aucune autre période de son histoire.

C e n'est plus l'autorité de Ronsard qui règne sur elle, c'est celle de Malherbe.

La langue et le style de d'A ubigné, comme sa passion et comme sa haine, se sont laissé distancer d'un demi-siècle.

Il est aussi démodé qu'il est possible à un écrivain de le devenir dans le court espace de sa vie.

Par ce qui y est dit, et par la manière dont cela est dit, les Tragiques ne sont plus au moment de la première édition que le radotage d'un vieux poète proscrit et aigri, archaïque et inactuel.

Qui pourrait y prêter attention, sinon quelques vieux compagnons d'armes, rancuniers et fidèles, demi-soldes des guerres de religion, occupés à vitupérer la vilenie du temps dans leurs gentilhommières désertes et à raconter à leurs paysans les glorieuses journées d'A rques et d'Ivry-la-Bataille.

Le cri le plus puissant et le plus pathétique de nos lettres n'est jeté vers les autres hommes qu'au moment où il est assuré de ne plus trouver d'écho. Mais, par la revanche naturelle d'un génie qui portait la défaite inscrite au principe même de sa nature, puisqu'il était voué à faire entendre dans notre poésie, sous la forme la plus pure et la plus sauvage, la protestation de l'homme contre l'injustice et la corruption de l'homme, et plus encore peut-être la protestation de l'homme contre le dédain et l'abandon où toute protestation est laissée, la suprême défaite par laquelle A grippa d'A ubigné a su couronner sa vie de vaincu est aussi celle qui lui assure une victoire plus durable.

Elle refuse aux T ragiques les faveurs de l'actualité pour les jeter dans un anachronisme immortel.

Elle a dès sa naissance donné à ce livre l'inopportunité du cri de toutes les victimes.

Les formidables paroles auxquelles les contemporains restent sourds traversent sans effort tous les murs, et si elles ne se répercutent pas, c'est qu'elles viennent jusqu'à nous.

Dans le matin glorieux d'une époque triomphale, lorsque achèvent de se perdre à l'horizon du siècle écoulé le tumulte hideux des massacres et la plainte des innocents égorgés, lorsque les gitons d'une cour corrompue sont devenus de vieux courtisans honorables, lorsqu'une nation tout entière, pratiquant l'oubli des discordes, et l'oubli des victimes, comme une chirurgie d'ailleurs nécessaire, marche allégrement vers une nouvelle étape, alors retentit l'appel le plus déplacé qui soit, l'appel qui rend une voix à tant de bouches ouvertes et muettes, que la terre a depuis longtemps fini de dissoudre.

Oubli, oubli.

Tout est oublié, disent les maisons neuves, les enfants florissants, les conversations exquises dans les cénacles précieux, les rumeurs de travail et de plaisir d'un monde qui jouit de sa jeunesse.

Rien n'est oublié, rien n'est jamais oublié, répond la voix que nul n'entend et qui pourtant roule vers nous, jusqu'à nous, comme le tonnerre. L'agonie des suppliciés ne cesse pas jusqu'à la fin du monde : jusqu'à la fin du monde, l'accusation de l'homme ne cesse d'être criée contre ce monde même, qui ne se fatigue de condamner le pur et le juste à la défaite que pour leur donner des victoires où ils se corrompent. L'oeuvre d'A grippa d'Aubigné a eu le privilège de recueillir et d'amplifier la protestation éternelle de l'homme contre l'horreur de sa condition et contre sa propre complicité dans cette horreur.

C e qui lui permet de déborder de toutes parts sa fonction polémique pour en faire un des plus grands a c t e s d'accusation métaphysique de la littérature, c'est que, dans les Stances et les Tragiques comme dans les imprécations aux dénouements de Shakespeare, l'indignation dépasse la corruption, les crimes, les douleurs qui en sont les objets immédiats pour mettre en question le monde où ces douleurs, ces crimes, cette corruption sont possibles.. »

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