AL Arrias de La Bruyère, Les Caractères, livre V, 1696.
Publié le 26/04/2023
Extrait du document
«
Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c'est un homme universel, et il se donne
pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose.
On parle
à la table d'un grand d'une cour du Nord : il prend la parole, et l'ôte à ceux qui allaient dire ce
qu'ils en savent ; il s'oriente dans cette région lointaine comme s'il en était originaire ; il
discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes ; il
récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu'à
éclater.
Quelqu'un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu'il dit des choses qui
ne sont pas vraies.
Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur : « Je
n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d'original : je l'ai appris de Sethon,
ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais
familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance.
» Il reprenait
le fil de sa narration avec plus de confiance qu'il ne l'avait commencée, lorsque l'un des
conviés lui dit : « C'est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive de son ambassade.
»
La Bruyère, Les Caractères, livre V, 1696.
Les Caractères, est une collection de textes brefs de genres variés, écrite par l’écrivain
et moraliste français La Bruyère en 1688.
Dans cette dernière, il peint les défauts humains,
conformément à l'idéal classique qui entend « plaire pour instruire ».
Il propose notamment
une série de portraits satiriques acérés afin d’améliorer la société.
Le livre V des Caractères,
intitulé « De la société et de la conversation », est l'occasion d'évoquer la vie mondaine de
son époque et de dénoncer les travers de ses contemporains.
Dans le caractère 9, La Bruyère
met en scène un personnage dénommé Arrias dans une conversation qui en révèle sa
pédanterie.
I) (ligne 1 à 9) Un pédant:
➔ L'hyperbole de la première phrase définit Arrias comme le type même du pédant : il «
a tout lu, tout vu ».
Le parallélisme de construction renforce la prétention à un savoir
« universel ».
D'emblée, la réalité de ce savoir est mise en doute puisqu'Arrias cherche
à en « persuader » les autres et qu'« il se donne comme tel ».
Le personnage est donc
présenté, dès le début du caractère, comme quelqu'un qui feint et joue un rôle.
➔ Dans la seconde partie de la phrase, l'utilisation du présent de l'indicatif à valeur de
vérité générale et des infinitifs donne une portée universelle à ce portrait, et situe
Arrias du côté du paraître (« il aime mieux mentir »).
II) (ligne 9 à 11) Une conversation mondaine:
➔ La Bruyère met ensuite Arrias en situation, dans une saynète emblématique de la vie
mondaine : une conversation « à la table d'un grand ».
Le comportement du
personnage, tel que dépeint par de nombreux verbes d'action (il « prend », « ôte », «
s'oriente » …), permet d'illustrer et d'animer son portrait.
➔ Le pronom personnel indéfini « on », qui ouvre ce deuxième mouvement, désigne les
convives : il s'oppose au pronom....
»
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