AL Pamphile Caractères de La Bruyère
Publié le 26/04/2023
Extrait du document
«
Pamphile ne s'entretient pas avec les gens qu'il rencontre dans les salles ou dans les
cours : si l'on en croit sa gravité et l'élévation de sa voix, il les reçoit, leur donne audience, les
congédie ; il a des termes tout à la fois civils et hautains, une honnêteté impérieuse et qu'il
emploie sans discernement ; il a une fausse grandeur qui l'abaisse, et qui embarrasse fort ceux
qui sont ses amis, et qui ne veulent pas le mépriser.
Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l'idée de sa
grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité ; il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses
pièces, s'en enveloppe pour se faire valoir ; il dit : Mon ordre, mon cordon bleu ; il l'étale ou
il le cache par ostentation.
Un Pamphile en un mot veut être grand, il croit l'être ; il ne l'est
pas, il est d'après un grand.
Si quelquefois il sourit à un homme du dernier ordre, à un homme
d'esprit, il choisit son temps si juste, qu'il n'est jamais pris sur le fait : aussi la rougeur lui
monterait-elle au visage s'il était malheureusement surpris dans la moindre familiarité avec
quelqu'un qui n'est ni opulent, ni puissant, ni ami d'un ministre, ni son allié, ni son
domestique.
Il est sévère et inexorable à qui n'a point encore fait sa fortune.
[...]Tantôt il vous
quitte brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis ; et tantôt s'il les trouve
avec vous en conversation, il vous coupe et vous les enlève.
Vous l'abordez une autre fois, et
il ne s'arrête pas ; il se fait suivre, vous parle si haut que c'est une scène pour ceux qui
passent.
Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre : gens nourris dans le
faux, et qui ne haïssent rien tant que d'être naturels ; vrais personnages de comédie, des
Floridors, des Mondoris.
Les Caractères, est une collection de textes brefs de genres variés, écrite par l’écrivain
et moraliste français La Bruyère en 1688.
Dans cette dernière, il peint les défauts humains,
conformément à l'idéal classique qui entend « plaire pour instruire ».
Il propose notamment
une série de portraits satiriques acérés afin d’améliorer la société.
Le livre IX des Caractères,
intitulé « Les Grands », est l'occasion de critiquer l’aristocratie en les dépeignant comme
vaniteux, imprévisibles, corrompus et écrasant les plus” petits”, qui sont obligés de se
soumettre.
Dans le caractère 50, La Bruyère met en scène un personnage dénommé Pamphile,
un aristocrate orgueilleux.
I) (ligne 1 à 6) Portrait méprisant de Pamphile:
- “Pamphile” (l.1), le premier mot de ce texte, annonce que Pamphile est le personnage
principal, voulant dire qu’il occupera une place centrale dans l’ensemble de l’extrait.
Ceci pourrait aussi amorcer l’égocentrisme du personnage.
- Onomastique (=choix des noms) est une ironie comique ⇒ Pamphile
étymologiquement fait référence à une personne qui est aimée de tous, ce qui
sous-entend ironiquement la fadeur et le manque de caractère de Pamphile.
-
De plus, ce portrait débute par la négation totale “ne s’entretient pas” (l.1) qui pose les
jalons d’une description péjorative du personnage.
-
On remarque aussi un jeu des pronoms avec “ils” et “les gens” à la ligne 1, mettant
ainsi en évidence un désir de distanciation de Pamphile du reste des gens.
Pamphile se
distingue alors, par son orgueil, de la foule.
-
Pamphile ne converse donc pas avec les autres.
Plutôt, “si l’on en croit sa gravité et
l’élévation de sa voix, il les reçoit, leur donne audience, les congédie” l3.
La parataxe
(juxtaposition de propositions, sans mots de liaison) restitue le traitement expéditif
qu’il accorde à ses interlocuteurs, qui semblent réifiés.
-
Cela est marqué par l’omniprésence du champ lexical de l'orgueil avec les termes
“hautain”, ”élévation”, ”impérieuse”, ”grandeur", ce qui met en relief les défauts de
Pamphile, notamment son caractère fier et arrogant.
-
De plus, cela est accentué par des antithèses qui l'abaissent, le ridiculisent et
contribuent à tisser ce portrait péjoratif, telles que “civils et hautains” (l.4) et
“grandeur qui l’abaisse” (l.4).
En effet, elles mettent en relief l’écart entre le rang
social et la médiocrité de Pamphile.
II) (ligne 7 à 12) Pamphile, vil imitateur des grands:
- Pamphile devient un nom commun en raison de la présence de l’article indéfini “un”,
nous indiquant un désir de généralisation de la part de l’auteur et la création d’un
stéréotype du caractère du Pamphile.
Cette antonomase universalise le blâme de
Pamphile.
Pamphile n’est en effet qu’un représentant d’une catégorie....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Lecture linéaire de Giton : Les caractères de la Bruyère
- La Bruyère , Les Caractères, 1688
- La Bruyère, Les Caractères, 1688
- La Bruyère, Caractères, Des biens de fortune
- La Bruyère, Les Caractères ou les moeurs de ce siècle. De la mode.1688. Les curieux