Alain Bosquet, « Défense du poète »
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Alain Bosquet, « Défense du poète »
Ecrire son poème, est-ce une trahison,
comme devant la mise à mort d'un innocent
on détourne les yeux ? Aligner quelques mots
qui lâchent le réel pour un gramme d'azur,
est-ce dresser un paravent contre le monde
affolé dans son bain, parmi l'écume noire ?
Traiter sa fable favorite en libellule
par-dessus la rivière, est-ce oublier le pain
qui manque à l'homme ? Remplacer le vrai printemps
par un printemps verbal aux toucans invisibles
qui sont peut-être un peu de feu, est-ce insulter
notre nature ? Aimer une voyelle blanche
comme on aime sa fille, est-ce être dédaigneux
de notre amour universel, qui nous saccage ?
Liens utiles
- Alain Bosquet, « Le mot par le mot ».
- D'après le texte d'Alain Bosquet, pensez-vous que la poésie consiste à dresser un paravent contre le monde ?
- Bosquet, « Passage d'un poète », Un jour après la vie, 1984.
- Dans sa Défense et Illustration de la langue française Joachim du Bellay a écrit: Celui-là sera véritablement le poète que je cherche en notre langue, qui me fera indigner, apaiser, réjouir, douloir, aimer, haïr, admirer, étonner; bref qui tiendra la bride de mes affections (sentiments)me tournant ça et là à son plaisir. Quel est, parmi les poètes que vous connaissez et aimez, celui qui a le plus complètement réalisé cette définition ?
- Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes.