Alors qu'il cherchait vainement un éditeur pour A la recherche du temps perdu, Proust écrivait en 1913, à la Nouvelle Revue française : Le point de vue métaphysique et moral prédomine partout dans l'oeuvre. Quelles réflexions vous inspire cette affirmation, si vous considérez plus particulièrement Du côté de chez Swann, qui parut à la fin de cette même année ?
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Alors qu\'il cherchait vainement un éditeur pour A la recherche du temps perdu, Proust écrivait en 1913, à la
Nouvelle Revue française : Le point de vue métaphysique et moral prédomine partout dans l\'oeuvre.
Quelles
réflexions vous inspire cette affirmation, si vous considérez plus particulièrement Du côté de chez Swann, qui parut
à la fin de cette même année ?
Pourquoi cette affirmation?
L'écrivain accumule pendant les premiers mois de 1913 les démarches auprès des éditeurs pour faire publier le début
de son ouvrage.
Il s'adresse en vain à la N.R.F., au Mercure de France, à Fasquelle et à Ollendorff.
Finalement, Du côté de chez Swann paraîtra le 8 novembre chez Grasset, à compte d'auteur.
PROUST s'était vu
opposer tous ces refus, parce que chacun critiquait la minutie de ses analyses.
011endorff ne voyait pas l'intérêt de
consacrer tant de pages — et les premières — aux impressions de quelqu'un qui se réveille.
On pouvait aussi trouver
bien étroit le monde dépeint dans le roman.
L'affirmation de PROUST rejette toute réduction de son oeuvre au simple
récit de souvenirs, à l'analyse psychologique ou à la peinture de moeurs.
Dans son esprit, elle s'applique sans doute
à tout le monument qu'il projette, A la recherche du temps perdu; mais il est certain qu'il songe plus spécialement à
la partie qui en est alors achevée, c'est-à-dire à Du côté de chez Swann, et aux dernières pages, qui constitueront
le Temps retrouvé.
La recherche du plan
PROUST répondant implicitement à des critiques précises, l'examen de ces critiques s'imposera dans le premier point.
On essaiera de comprendre les reproches adressés à l'analyse proustienne des sentiments et à la peinture de la
société (monde disparu, etc.).
Ce début ne sera pas bien difficile, car l'écrivain demeure aujourd'hui en butte aux
mêmes incompréhensions.
Il suffira de se demander quelles impressions produit une lecture superficielle du roman.
Comment procéder ensuite? Tout d'abord on se gardera bien de séparer les adjectifs métaphysique et moral.
Un
plan se présentant ainsi : a) les critiques; b) le point de vue moral; c) le point de vue métaphysique, se révélerait,
en effet, irréalisable.
D'abord, parce que la morale n'est jamais, qu'on le veuille ou non, que la manifestation, dans
l'action, d'une métaphysique.
Ensuite, parce que l'isolement du terme moral risquerait de conduire à la recherche de
préceptes éthiques dans Du côté de chez Swann, alors que tel n'est guère le point de vue de PROUST.
MAURIAC a
critiqué, justement, l'absence de conscience morale chez Swann : aucun effort sur soi, aucun repentir; les héros qui
sont grands (la mère du narrateur) le sont comme naturellement, sans lutte apparente, sans chute, ceux qui sont
bas le demeurent.
On est ce qu'on naît.
Nous ne sommes pas ici chez CAMUS.
La perspective proustienne est bien plus secrète : ce sont le regard et les attitudes du narrateur qui laissent
constamment rayonner, en quelque sorte, l'aspiration à une certaine richesse métaphysique dont la recherche
marquera toutes les grandes décisions de la vie.
PROUST répond ainsi à des questions essentielles : l'homme est-il
fort ou infirme? Y a-t-il une possibilité de communion entre les êtres? Qu'est-ce que l'amour? Savons-nous pourquoi
nous agissons?, etc.
On s'aperçoit que ces questions sont toutes indissolublement métaphysiques et morales.
Introduction
Si le chef-d'oeuvre proustien, A la recherche du temps perdu, apparaît de plus en plus clairement, à mesure que
passent les années, comme une des plus belles créations littéraires du XXe siècle, les réactions des lecteurs demeurent contradictoires.
PROUST lasse les uns, fascine les autres.
En 1913, les éditeurs faisaient partie des «
fatigués » et multipliaient déjà les critiques qu'on entend encore aujourd'hui : souvenirs trop « spéciaux », minutie
excessive, peinture d'une société fossile.
L'écrivain nous a peut-être livré la clé de son monument, dans sa réplique
à la N.R.F.
: Le point de vue métaphysique et moral prédomine partout dans l'oeuvre.
Est-ce que, dupes des apparences, les lecteurs trop pressés ne passent pas sans voir, presque à chaque page, la
misère de l'homme au sein de l'universelle fluidité et — fragile lumière — sa grandeur cachée qui rend la joie
possible et l'immortalité vraisemblable?
I.
Les critiques du lecteur pressé
PROUST est un maître à ce point reconnu que beaucoup, le snobisme aidant, le considèrent comme un auteur « qu'il
faut avoir lu ».
Oubliant qu'il s'agit d'un roman poétique, c'est à-dire d'une oeuvre qui ne se dévore pas comme un
récit policier, mais se médite presque comme un poème, ils butent rapidement sur une série d'obstacles qui ne
tardent pas à les décourager.
1.
Le livre apparemment le plus individuel.
Dès les premières pages, nous assistons au réveil du narrateur, à ces
quelques secondes où il voit tournoyer autour de lui les souvenirs des anciennes chambres qu'il a occupées, avant.
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