Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) (Recueil : Harmonies poétiques et religieuses) - Eternité de la nature, brièveté de l'homme
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Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) (Recueil : Harmonies poétiques et religieuses) - Eternité de la nature, brièveté de l'homme Roulez dans vos sentiers de flamme, Astres, rois de l'1immensité! Insultez, écrasez mon âme Par votre presque éternité! Et vous, comètes vagabondes, Du divin océan des mondes Débordement prodigieux, Sortez des limites tracées, Et révélez d'autres pensées De celui qui pensa les cieux! Triomphe, immortelle nature! A qui la main pleine de jours Prête des forces sans mesure, Des temps qui renaissent toujours! La mort retrempe ta puissance, Donne, ravis, rends l'existence A tout ce qui la puise en toi; Insecte éclos de ton sourire, Je nais, je regarde et j'expire, Marche et ne pense plus à moi! Vieil océan, dans tes rivages Flotte comme un ciel écumant, Plus orageux que les nuages, Plus lumineux qu'un firmament! Pendant que les empires naissent, Grandissent, tombent, disparaissent Avec leurs générations, Dresse tes bouillonnantes crêtes, Bats ta rive! et dis aux: tempêtes : Où sont les nids des nations? Toi qui n'es pas lasse d'éclore Depuis la naissance des jours. Lève-toi, rayonnante aurore, Couche-toi, lève-toi toujours! Réfléchissez ses feux sublimes, Neiges éclatantes des cimes, Où le jour descend comme un roi! Brillez, brillez pour me confondre, Vous qu'un rayon du jour peut fondre, Vous subsisterez plus que moi! Et toi qui t'abaisse et t'élève Comme la poudre des chemins, Comme les vagues sûr la grève, Race innombrable des humains, Survis au temps qui me consume, Engloutis-moi dans ton écume, Je sens moi-même mon néant, Dans ton sein qu'est-ce qu'une vie? Ce qu'est une goutte de pluie Dans les bassins de l'océan! Vous mourez pour renaître encore, Vous fourmillez dans vos sillons! Un souffle du soir à l'aurore Renouvelle vos tourbillons! Une existence évanouie Ne fait pas baisser d'une vie Le flot de l'être toujours plein; Il ne vous manque quand j'expire Pas plus qu'à l'homme qui respire Ne manque un souffle de son sein! Vous allez balayer ma cendre; L'homme ou l'insecte en renaîtra! Mon nom brûlant de se répandre Dans le nom commun se perdra; Il fut! voilà tout! bientôt même L'oubli couvre ce mot suprême, Un siècle ou deux l'auront vaincu! Mais vous ne pouvez, à nature! Effacer une créature; Je meurs! qu'importe? j'ai vécu! Dieu m'a vu! le regard de vie S'est abaissé sur mon néant, Votre existence rajeunie A des siècles, j'eus mon instant! Mais dans la minute qui passe L'infini de temps et d'espace Dans mon regard s'est répété! Et j'ai vu dans ce point de l'être La même image m'apparaître Que vous dans votre immensité! Distances incommensurables, Abîmes des monts et des cieux, Vos mystères inépuisables Se sont révélés à mes yeux! J'ai roulé dans mes voeux sublimes Plus de vagues que tes abîmes N'en roulent, à mer en courroux! Et vous, soleils aux yeux de flamme, Le regard brûlant de mon âme S'est élevé plus haut que vous! De l'être universel, unique, La splendeur dans mon ombre a lui, Et j'ai bourdonné mon cantique De joie et d'amour devant lui! Et sa rayonnante pensée Dans la mienne s'est retracée, Et sa parole m'a connu! Et j'ai monté devant sa face, Et la nature m'a dit : Passe : Ton sort est sublime, il t'a vu! Vivez donc vos jours sans mesure! Terre et ciel! céleste flambeau! Montagnes, mers, et toi, nature, Souris longtemps sur mon tombeau! Effacé du livre de vie, Que le néant même m'oublie! J'admire et ne suis point jaloux! Ma pensée a vécu d'avance Et meurt avec une espérance Plus impérissable que vous!
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