Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) (Recueil : Harmonies poétiques et religieuses) - L'idée de Dieu - suite de Jehova
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Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) (Recueil : Harmonies poétiques et religieuses) - L'idée de Dieu - suite de Jehova Heureux l'oeil éclairé de ce jour sans nuage Qui partout ici-bas le contemple et le lit ! Heureux le coeur épris de cette grande image, Toujours vide et trompé si Dieu ne le remplit ! Ah ! pour celui-là seul la nature est son ombre ! En vain le temps se voile et reculent les cieux ! Le ciel n'a point d'abîme et le temps point de nombre Qui le cache à ces yeux ! Pour qui ne l'y voit pas tout est nuit et mystères, Cet alphabet de jeu dans le ciel répandu Est semblable pour eux à ces vains caractères Dont le sens, s'ils en ont, dans les temps s'est perdu ! Le savant sous ses mains les retourne et les brise Et dit : Ce n'est qu'un jeu d'un art capricieux ; Et cent fois en tombant ces lettres qu'il méprise D'elles-même ont écrit le nom mystérieux! Mais cette langue, en vain par les temps égarée, Se lit hier comme aujourd'hui; Car elle n'a qu'un nom sous sa lettre sacrée, Lui seul! lui partout! toujours lui ! Qu'il est doux pour l'âme qui pense Et flotte dans l'immensité Entre le doute et l'espérance, La lumière et l'obscurité, De voir cette idée éternelle Luire sans cesse au-dessus d'elle Comme une étoile aux feux constants, La consoler sous ses nuages, Et lui montrer les deux rivages Blanchis de l'écume du temps ! En vain les vagues des années Roulent dans leur flux et reflux Les croyances abandonnées Et les empires révolus En vain l'opinion qui lutte Dans son triomphe ou dans sa chute Entraîne un monde à son déclin ; Elle brille sur sa ruine, Et l'histoire qu'elle illumine Ravit son mystère au destin ! Elle est la science du sage, Elle est la foi de la vertu ! Le soutien du faible, et le gage Pour qui le juste a combattu ! En elle la vie a son juge Et l'infortune son refuge, Et la douleur se réjouit. Unique clef du grand mystère, Otez cette idée à la terre Et la raison s'évanouit ! Cependant le monde, qu'oublie L'âme absorbée en son auteur, Accuse sa foi de folie Et lui reproche son bonheur, Pareil à l'oiseau des ténèbres Qui, charmé des lueurs funèbres, Reproche à l'oiseau du matin De croire au jour qui vient d'éclore Et de planer devant l'aurore Enivré du rayon divin! Mais qu'importe à l'âme qu'inonde Ce jour que rien ne peut voiler ! Elle laisse rouler le monde Sans l'entendre et sans s'y mêler ! Telle une perle de rosée Que fait jaillir l'onde brisée Sur des rochers retentissants, Y sèche pure et virginale, Et seule dans les cieux s'exhale Avec la lumière et l'encens !
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