Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) (Recueil : Méditations poétiques) - Ode
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Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) (Recueil : Méditations poétiques) - Ode Peuple ! des crimes de tes pères Le Ciel punissant tes enfants, De châtiments héréditaires Accablera leurs descendants ! Jusqu'à ce qu'une main propice Relève l'auguste édifice Par qui la terre touche aux cieux, Et que le zèle et la prière Dissipent l'indigne poussière Qui couvre l'image des dieux ! Sortez de vos débris antiques, Temples que pleurait Israël ; Relevez-vous, sacrés portiques ; Lévites, montez à l'autel ! Aux sons des harpes de Solime, Que la renaissante victime S'immole sous vos chastes mains ! Et qu'avec les pleurs de la terre Son sang éteigne le tonnerre Qui gronde encor sur les humains ! Plein d'une superbe folie, Ce peuple au front audacieux S'est dit un jour : " Dieu m'humilie ; Soyons à nous-mêmes nos dieux. Notre intelligence sublime A sondé le ciel et l'abîme Pour y chercher ce grand esprit ! Mais ni dans les flancs de la terre, Mais ni dans les feux de la sphère, Son nom pour nous ne fut écrit. " Déjà nous enseignons au monde A briser le sceptre des rois ; Déjà notre audace profonde Se rit du joug usé des lois. Secouez, malheureux esclaves, Secouez d'indignes entraves. Rentrez dans votre liberté ! Mortel ! du jour où tu respires, Ta loi, c'est ce que tu désires ; Ton devoir, c'est la volupté ! "Ta pensée a franchi l'espace, Tes calculs précèdent les temps, La foudre cède à ton audace, Les cieux roulent tes chars flottants ; Comme un feu que tout alimente, Ta raison, sans cesse croissante, S'étendra sur l'immensité ! Et ta puissance, qu'elle assure, N'aura de terme et de mesure Que l'espace et l'éternité. "Heureux nos fils ! heureux cet âge Qui, fécondé par nos leçons, Viendra recueillir l'héritage Des dogmes que nous lui laissons ! Pourquoi les jalouses années Bornent-elles nos destinées A de si rapides instants ? Ô loi trop injuste et trop dure ! Pour triompher de la nature Que nous a-t-il manqué ? le temps" Eh bien ! le temps sur vos poussières A peine encore a fait un pas ! Sortez, ô mânes de nos pères, Sortez de la nuit du trépas ! Venez contempler votre ouvrage ! Venez partager de cet âge La gloire et la félicité ! Ô race en promesses féconde, Paraissez ! bienfaiteurs du monde, Voilà votre postérité ! Que vois - je ? ils détournent la vue, Et, se cachant sous leurs lambeaux, Leur foule, de honte éperdue, Fuit et rentre dans les tombeaux ! Non, non, restez, ombres coupables; Auteurs de nos jours déplorables, Restez ! ce supplice est trop doux. Le Ciel, trop lent à vous poursuivre, Devait vous condamner à vivre Dans le siècle enfanté par vous ! Où sont-ils, ces jours où la France, A la tête des nations, Se levait comme un astre immense Inondant tout de ses rayons ? Parmi nos siècles, siècle unique, De quel cortège magnifique La gloire composait ta cour ! Semblable au dieu qui nous éclaire, Ta grandeur étonnait !a terre, Dont tes clartés étaient l'amour ! Toujours les siècles du génie Sont donc les siècles des vertus ! Toujours les dieux de l'harmonie Pour les héros sont descendus ! Près du trône qui les inspire, Voyez-les déposer la lyre Dans de pures et chastes mains, Et les Racine et les Turenne Enchaîner les grâces d'Athène Au char triomphant des Romains ! Mais, ô déclin! quel souffle aride De notre âge a séché les fleurs ? Eh quoi ! le lourd compas d'Euclide Etouffe nos arts enchanteurs ! Elans de l'âme et du génie ! Des calculs la froide manie Chez nos pères vous remplaça Ils posèrent sur la nature Le doigt glacé qui la mesure, Et la nature se glaça ! Et toi, prêtresse de la terre, Vierge du Pinde ou de Sion, Tu fuis ce globe de matière, Privé de ton dernier rayon ! Ton souffle divin se retire De ces coeurs flétris, que la lyre N'émeut plus de ses sons touchants ! Et pour son Dieu qui le contemple, Sans toi l'univers est un temple Qui n'a plus ni parfums ni chants ! Pleurons donc, enfants de nos pères ! Pleurons ! de deuil couvrons nos fronts ! Lavons dans nos !armes amères Tant d'irréparables affronts ! Comme les fils d'Héliodore, Rassemblons du soir à l'aurore Les débris du temple abattu ! Et sous ces cendres criminelles Cherchons encor les étincelles Du génie et de la vertu !
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