ANALYSE LINEAIRE 2 : MELANCHOLIA « Melancholia » commentaire linéaire
Publié le 18/03/2023
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ANALYSE LINEAIRE 2 : MELANCHOLIA
« Melancholia » commentaire linéaire
Introduction au texte
Auteur prolixe d'une stature incomparable et inégalée du XIX ème siècle, Victor Hugo, chef de file du
romantisme a composé une œuvre gigantesque qui témoigne de ses nombreux engagements personnels.
Ecrivain militant, il s'est préoccupé tout au long de sa vie du sort des misérables et a lutté contre toutes formes
d'injustices et d’abus ce qui lui a valu son exil.
Il publie en 1856 le recueil des « Contemplations » dont est
extrait le poème intitulé « Melancholia », mot latin à l’origine du mot français mélancolie, synonyme de
tristesse.
Ce poème monolithique se trouve dans le livre troisième de la première partie du recueil intitulé «
Les luttes et les rêves » qui est consacré à l’engagement du poète.
Dans cet extrait, constitué d’alexandrins à
rimes plates, il fait une peinture réaliste de l’univers misérable et inhumain dans lequel vivent les jeunes
enfants travailleurs.
C’est l’occasion pour lui de dénoncer ce travail dur et pénible, de s’insurger contre les
responsables de cette misère et de dresser un réquisitoire contre cette exploitation qu’il présente comme une
malédiction de la société industrielle de son époque.
Lecture expressive
Nous nous demanderons donc comment l’auteur cherche à convaincre le lecteur du caractère néfaste du
travail infantile.
Annonce du plan
1.
Description des enfants
1.
...
Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
2.
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
3.
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Dans ce 1er mouvement, nous remarquons la succession de trois interrogations rhétoriques qui permettent
d’attirer l’attention du lecteur sur les raisons qui sont à l’origine de l’état des enfants, le lecteur se pose la
question et attend la réponse.
Ces questions créent donc un effet d’attente.
Le déterminant démonstratif « ces » invite le lecteur à les observer.
Les mots accentués par les coupes caractérisent ces enfants en insistant sur leur jeunesse et leur détresse
« enfants »,« ne rit » v1, « pensifs », « maigrit »v2 et « huit ans » ,« seules » v3
Les subordonnées relatives, toutes dépréciatives « dont pas un seul ne rit » (v.1) , « que la fièvre maigrit »
(V.2), « qu'on voit cheminer seules» (v.3) insistent aussi sur leur fragilité et leur faiblesse
Dans ce premier mouvement, c'est avec réalisme que le poète décrit ces enfants sans que l’on sache
précisément ce qui engendre un tel état.
2.
Description de la vie des enfants
4.
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules
5.
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
6.
Dans la même prison le même mouvement.
7.
Accroupis sous les dents d’une machine sombre,
8.
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,
9.
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
10.
Ils travaillent.
Tout est d’airain, tout est de fer.
11.
Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue.
12.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
13.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
14.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Dans ce deuxième mouvement, Victor Hugo insiste sur la durée et les conditions de travail des enfants comme
le soulignent les compléments circonstanciels de temps, « quinze heures » au vers 4 « de l’aube au soir » au
vers 5, « éternellement » ainsi que « jamais » répété au vers 11 qui éclaire le lecteur sur la longue durée du
temps de travail des enfants.
Les deux compléments circonstanciels qui débutent par « sous », « sous des meules » v 4 et « sous les dents »
v7, permettent d’insister sur la soumission dont sont victimes les enfants.
Cela engendre de la pitié chez le
lecteur.
L’aspect répétitif et abrutissant du travail est montré par la répétition d’un déterminant défini et de l’adjectif «
même » dans le vers 6.
Hugo suggère que l’usine où travaillent ces enfants est un univers monstrueux et inhumain et fait ressortir le
caractère quasi fantastique de cet endroit ressemblant à l'antre d'un monstre à travers la métaphore « sous les
dents d’une machine sombre / Monstre hideux » dans les vers 7 et 8, représentant la machine comme une
créature monstrueuse et ainsi susciter la peur et la volonté de protéger la fragilité des enfants.
Dans les vers 9 à 13, le contraste entre le quotidien des enfants et leur fragilité est, comme quelques vers plus
haut, à nouveau souligné.
Les éléments de description sont encore situés aux coupes pour les mettre en valeur
comme « innocent » ou « ange ».
Ce contraste est encore accentué par deux antithèses « Innocents dans un
bagne, anges dans un enfer » qui souligne ainsi l'injustice qui frappe ces enfants, symbole d'innocence.
L’enfermement des enfants est souligné par la gradation « prison » vers 6, « bagne » vers 9 et « enfer » vers 9.
Au vers 10 le rejet « Ils travaillent » permet de rompre le rythme et ainsi d’attirer l’attention sur cette action
des enfants qui sont exploités dans un univers froid et dur où « tout est d'airain, tout est de fer ».
Les vers 11, 12 et 13 contiennent des sonorités particulièrement marquées comme le montrent l’allitération en
« j » « s » et en « r » et l’assonance en « a » qui permettent d’évoquer les vies enfantines dans un rythme
soutenu et menaçant.
« Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
»
L'indignation et la colère du poète s'expriment par l’exclamation et l'adverbe « hélas » au vers 14 qui relève
du pathétique.
Dans ce mouvement, les conditions difficiles de travail des enfants sont évoquées : la soumission dont ils
doivent faire preuve, la durée de leur temps de travail, l’aspect répétitif de ce travail, la crainte engendrée par
le travail, leur enfermement.
3.
Prière
15.
Ils semblent dire à Dieu : - Petits comme nous sommes,
16.
Notre père, voyez ce que nous font les hommes !
Aux vers 15 et 16, le poète fait parler les enfants dans une prière, comme le montre l’invocation directe à
Dieu, « Notre père ».
Cette prière rapportée directement évoque la fragilité des enfants mise en valeur par
l’adjectif « petits » à la suite de la coupe.
L’expression de la tristesse et de la détresse des enfants est renforcée par la phrase impérative « voyez ce que
nous font les hommes ! » qui sert à prendre Dieu à témoin de leur malheur puisque personne ne semble se
soucier de cet esclavage imposé par les hommes.
Tous ces procédés ont pour effet de créer un sentiment de pitié chez le lecteur.
La prière rapportée directement est une stratégie de la part de l’auteur pour susciter la pitié du lecteur.
4.
Invitation à la révolte
17.
Ô servitude infâme imposée à l’enfant !
18.
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
19.
Défait ce qu’a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
20.
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
21.
Et qui ferait - c’est là son fruit le plus certain ! 22.
D’Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
23.
Travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre,
24.
Qui produit la richesse en créant la misère,
25.
Qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil !
26.
Progrès dont on demande : Où va-t-il ? que veut-il ?
27.
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
28.
Une âme à la machine et la retire à l’homme !
Dans ce mouvement le lecteur peut lire de nombreuses phrases exclamatives comme dans les vers 17, 21, 22,
25, 28 qui témoignent de la colère de l’auteur qui présente le travail des enfants comme un esclavage et une
infamie au vers 17 « servitude infâme imposée à l'enfant » et ce faisant invite le lecteur à se révolter contre ces
faits.
Les vers suivants évoquent l’idée selon laquelle ce travail infantile est contre-nature, pour ce faire l’auteur
utilise une série d’oppositions comme au vers 19, ce travail s’oppose à la création divine avec une opposition
sur les verbes au vers 19 « défait » et « fait ».
Le chiasme du vers 20 met en relief les deux attributs de l'être humain, la « beauté » et la « pensée » que ce
travail monstrueux détruit en transformant la beauté en laideur, « Apollon un bossu » et l’intelligence en
stupidité, Voltaire » opposé à « crétin » au vers 22.
Hugo présente aussi au vers 23 le « travail mauvais » sous la forme métaphorique d'un oiseau de proie qui
« prend » les enfants « en sa serre ».
Il souligne ainsi son caractère dévié et immoral.
C’est encore une....
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