Analyse linéaire d'un extrait de la Planète des singes de Pierre Boulle
Publié le 10/03/2024
Extrait du document
«
PLANÈTE DES SINGES
Introduction :
La seconde moitié du XXème siècle est marquée par une rivalité entre grandes
puissances pour la conquête de l'espace, dans un contexte de Guerre Froide.
La
thématique du voyage intersidéral gagne alors la littérature et notamment le
genre de la science-fiction, en plein développement.
Dans La Planète des singes, son œuvre la plus connue et publiée en 1963, le
romancier Pierre Boulle imagine précisément une planète où les singes sont les
êtres les plus évolués, alors que les hommes, à l'inverse, n'ont pas dépassé leur
état primitif.
Dans l'extrait que nous allons étudier, le narrateur, un astronaute
terrien du nom d’Ulysse Mérou, qui est parvenu à apprendre leur langage et à
faire reconnaître son intelligence, est invité à visiter le laboratoire d'un institut
scientifique où l'on pratique des expériences sur les humains.
Sous la conduite de
Hélius, le responsable du site.
Problématique : Comment, en inversant, les rôles entre l'homme et le singe, le
romancier s’y prend-il pour faire réfléchir le lecteur sur les dérives de la
science et la cruauté des expériences de laboratoire sur les animaux ?
Annonce du plan : Pour répondre à cette question, nous analyserons dans un
premier temps les conceptions soi disant scientifiques énoncées par le savant
(jusqu’à « aujourd’hui »), puis nous analyserons les expériences scientifiques
barbares décrites dans le texte avec les problèmes moraux qu'elles soulèvent (de
« si vous désirez » à la fin).
Premier mouvement :
Hélius est le directeur de la section de l'Institut consacrée aux expériences sur le
cerveau : il est donc à la tête d’un laboratoire, donc d’un lieu scientifique, or on
voit déjà le décalage, puisque le narrateur parle d’une double rangée de cages,
comme si on était dans un zoo ou une ménagerie, ce qui suggère déjà un
comportement dégradant de la part des scientifiques concernés (privation de
liberté et manque d’espace).
Cette idée se confirme avec la précision donnée par
la suite, selon laquelle les opérations chirurgicales sont « maintenant exécutées
sur des sujets endormis » ; l'adverbe « maintenant » suggère que ça n'a pas
toujours été le cas.
On peut imaginer l'horreur d'une intervention chirurgicale à
vif, sans anesthésie, même si le ton utilisé par le savant est neutre et dépourvu
de tout sentiment.
Le fait que le texte soit écrit en focalisation interne (toute la scène est vue à
travers les yeux d’Ulysse Mérou, donc d’un homme) permet à l’auteur d’y insérer
une une distance critique chargée d'ironie, que l'on sent dans une expression
hyperbolique telle que « prouvant le haut degré atteint par la civilisation
simienne" : elle souligne avec force le décalage entre la réalité de pratiques
barbares et la conviction du singe, pleine de fierté et de sérénité, d'œuvrer pour
le bien et pour le progrès de la science.
Cependant, bien qu'il présente le fruit de ses expériences à un être humain,
Hélius ne dissimule pas son mépris pour ces créatures (mépris que trahit
l'expression « même chez les hommes »).
Lorsqu'il affirme fièrement avoir
supprimé « toute souffrance inutile », on peut se demander s’il est vraiment de
bonne foi.
Est-il parfaitement aveugle sur les conditions de vie de ses sujets, ou
considère-t-il simplement que l'infériorité de ces personnes pour elsquelles il n’a
aucune considération justifie ces sacrifices pour permettre à la science de
progresser ? Le texte ne tranche pas mais permet de susciter chez le lecteur
une prise de conscience : de manière générale, le discours scientifique dissimule
souvent les problèmes éthiques soulevés par les inventions ou expériences,
comme c’est le cas ici.
Enfin, l'attitude d'Hélius vis-à-vis du narrateur peut paraître ambigüe : est-il
vraiment heureux de lui faire part de ses découvertes scientifiques, ou n'y a-t-il
pas dans cette visite une forme de cruauté mentale, un plaisir un peu pervers à
mettre Ulysse mal à l'aise face à des expériences infamantes pour ses
semblables ?
On voit du reste le malaise éprouvé par l’interlocuteur d’Hélius devant cette
attitude (« Je pouvais donc être rassuré.
Je ne l'étais qu'à moitié.
Je le fus
encore moins quand il conclut… »), d’autant que le directeur évoque une
exception : certaines opérations visent à « localiser » la naissance de la
souffrance.
Il est donc évident que contrairement à ce qui est préntendu certains
sujets sont bien torturés.
Second mouvement :
Le récit suit la progression du narrateur, guidé par le discours explicatif d'Hélius,
vers des découvertes de plus en plus horribles : Ulysse voit d'abord une cellule
vide, puis « un cas banal », et enfin toute « une suite » d'expériences.
L’auteur nous présente alors des hommes déshumanisés, un champ lexical
animal est utilisé pour les décrire : ils n'ont pas un lit mais une « litière »,
mangent dans une « écuelle » de la « bouillie de céréales » qu'ils ne....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Analyse Linéaire Moesta et errabunda
- Lecture linéaire de l’extrait 3, du Rouge et le Noir : le procès : « Voilà le dernier de mes jours qui commence […] des bourgeois indignés… », II, XLI, pp.538-539.
- Analyse linéaire juste la fin du monde : en quoi ce prologue est-il atypique ?
- Analyse linéaire Le bal des voleurs Premier Tableau Jean Anouilh
- P.BOUILLE, La Planète des Singes