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Analyse linéaire juste la fin du monde : en quoi ce prologue est-il atypique ?

Publié le 26/04/2022

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Jean-Luc Lagarce (1957-1995) est depuis le début du XXIème siècle un des auteurs contemporains les plus joués en France. Metteur en scène de textes classiques aussi bien que de ses propres pièces, c’est en tant que tel qu’il accède à la reconnaissance de son vivant. Depuis sa disparition, son œuvre littéraire (vingt-cinq pièces de théâtre, trois récits, un livret d’opéra…) connaît un succès public et critique grandissant ; elle est traduite en plus vingt-cinq langues. Une des pièces les plus connues est Juste la fin du monde, où personnage de Louis rend visite à sa famille pour annoncer sa mort prochaine. La pièce regorge de non-dits d’où son rattachement au parcours crise personnelle, crise familiale. Je vais commencer par la lecture du texte. Nous nous posons alors la problématique suivante : en quoi ce prologue est-il atypique ? Pour répondre à cette question, nous proposons de diviser l’extrait en deux mouvements. Le premier s’étendu de la ligne 1 à la ligne 15 : il s’agit de la mort à venir. Le second mouvement s’étend de la ligne 16 à la fin, où il s’agit de l’annonce de la décision de Louis. Plus tard‚ l’année d’après : Le prologue s’ouvre sur deux compléments circonstanciels de temps « Plus tard, l’année d’après », ce sont des repères temporels qui malgré leur précision affichée demeurent confus puisqu’ils ne sont attachés à aucun moment précis, ne s’inscrivent pas vraiment dans une temporalité. Refus d’inscrire cette pièce dans une temporalité réaliste (cf. la didascalie initiale, après la distribution des personnages. « Cela se passe dans la maison de la Mère et de Suzanne, un dimanche, évidemment, ou bien encore près d’une année entière. »). Le champ lexical du temps sera omniprésent dans cet extrait : temps dévorateur. – j’allais mourir à mon tour – :Prolepse : Louis prend une posture de prophète pour annoncer la tragédie à venir (coryphée) et cela perturbe le lecteur car il annonce sa propre mort à venir. Cette annonce semble décrochée du reste de la tirade grâce aux tirets qui l’encadrent. Quel est le sens ? cette annonce est-elle minimisée par cette sorte de parenthèse qui l’encadre ou au contraire mise en relief ? Louis semble à la fois mort et vivant, actif et passif. Ce type d’annonce est propre à la tragédie, c’est un élément traditionnel. j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai :le prologue retrouve ici sa fonction d’exposition puisque Louis, qui connaît bien évidemment son âge, le donne néanmoins : double énonciation, s’adresse au lecteur / public. Mais, une fois de plus les repères sont brouillés à cause de l’adverbe « maintenant ». L’échéance se rapproche et augmente la tension dramatique (« maintenant » / « mourrai » au futur : c’est inéluctable, sorte de compte à rebours fatal qui fait de Louis un personnage tragique). l’année d’après :Leitmotiv, sorte de refrain qui rythme le prologue et lui confère une dimension incantatoire. C’est à la fois tellement loin, et tellement près. Repris 5 fois de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire‚ à tricher‚ à ne plus savoir‚

« Analyse Linéaire 1 – Juste la fin du monde (Jean-Luc Lagarce) LOUIS.

– Plus tard‚ l’année d’après – j’allais mourir à mon tour – j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai‚ l’année d’après‚ de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire‚ à tricher‚ à ne plus savoir‚ de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini‚ l’année d’après‚ comme on ose bouger parfois‚ à peine‚ devant un danger extrême‚ imperceptiblement‚ sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt‚ l’année d’après‚ malgré tout‚ la peur‚ prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre‚ malgré tout‚ l’année d’après‚ je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire le voyage‚ pour annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision – ce que je crois – lentement‚ calmement‚ d’une manière posée – et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un homme posé ?‚ pour annoncer‚ dire‚ seulement dire‚ ma mort prochaine et irrémédiable‚ l’annoncer moi-même‚ en être l’unique messager‚ et paraître – peut-être ce que j’ai toujours voulu‚ voulu et décidé‚ en toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me souvenir – et paraître pouvoir là encore décider‚ me donner et donner aux autres‚ et à eux‚ tout précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore que je ne connais pas (trop tard et tant pis)‚ me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de moi-même et d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître.. »

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