André Breton
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André Breton
Breton naquit en Normandie.
La morosité de sa scolarité fut brisée par la révélation de la poésie, au travers des œuvres de Mallarmé et de Valéry.
Pendant
la guerre, il travailla dans des centres psychiatriques, où il s'initia aux théories de Freud.
Dans ses efforts pour sauver le dadaïsme, mouvement nihiliste qui
tournait en dérision les valeurs sociales, il fonda le surréalisme (baptisé ainsi par A pollinaire), esprit dominant du Paris de l'entre-deux guerres.
En 1919,
son ami le surréaliste Jacques V aché se suicida.
Ce drame accéléra la création de la revue Littérature, organe des surréalistes.
Ils pensaient que
l'inconscient tel qu'il se manifeste dans les rêves est supérieur au monde réel et que son exploitation créerait une " super-réalité ".
Breton formula cette
théorie dans le Manifeste du surréalisme (1924) et Qu'est-ce que le surréalisme (1936).
Avec Philippe Soupault, il inventa le principe de l'écriture
automatique permettant d'atteindre et de libérer l'inconscient.
Dans sa vision optimiste visant à créer une nouvelle perception de la vie en débridant
l'inconscient, le surréalisme s'éloignait de la négation dadaïste.
Breton fut très critique à l'égard de ceux qui ne partageaient pas sa théorie.
Il pensait
sincèrement que ce mouvement pourrait être la réponse à la libération de l'homme.
Son œuvre la plus puissante, Nadja, tentait de percer le mystère de la vie
dans la description du quotidien d'une étrange femme.
Breton resta fidèle à ses idées jusqu'à sa mort en 1966.
Présenter André Breton comme l'un des " grands écrivains " ou des " écrivains célèbres " de ce temps serait le trahir, disons cela tout d'abord, et vouloir
sous ce seul point de vue le regarder serait se duper intentionnellement, ou accepter d'être dupé.
Breton est un écrivain qui n'a cessé de proclamer son
mépris de la littérature et qui montre depuis toujours que l'écrivain chez lui est accessoire à l'homme (tandis que les autres surréalistes, sauf A rtaud, ont
été des écrivains avant d'être des hommes) ; cependant, la merveille est que l'œuvre écrite de Breton prend du poids et de la portée continuellement, à
mesure que les années passent, et qu'à la plupart de nous elle apparaît aujourd'hui comme le meilleur don, littérairement aussi et même, que nous ayons
reçu de l'esprit moderne.
Il faudrait donc, au début de ce que les limites de cet ouvrage réduisent à n'être qu'une petite note, essayer de marquer la
singularité absolue de l'homme et de l'écrivain à qui nous avons affaire, souligner autant qu'il se peut tout ce qui le rend incommensurable par rapport à ses
contemporains.
Un livre, pour A ndré Breton, je crois que c'est avant tout une expérience et un message (car le domaine intérieur ne lui importe pas moins que le monde
extérieur, et je ne sais personne chez qui la soif d'introspection et l'appétit de communication soient aussi prononcés et aussi parfaitement équilibrés que
chez lui).
Or ces messages et ces expériences sont habités par une sorte de charge, ou ils sont traversés par une sorte de courant, à si haute tension que
dans l'ordre de la pensée originale et dans celui de la beauté formelle ils brillent d'un éclat dont on chercherait vainement le similaire.
Le lecteur est ébloui ;
son consentement est enthousiaste, ou bien son regard est blessé par le violent feu, et il se détourne de ce qu'il ne peut supporter.
On n'insistera jamais
assez sur ces notions de " charge " de " tension " et de " magnétisme " (déjà signalées par Julien Gracq dans son bel essai, que je recommande une fois
pour toutes, sur A ndré Breton).
Elles valent aussi bien pour la personne de l'écrivain, pour son caractère et pour son aspect, que pour son œuvre ou pour le
style de son œuvre.
Il n'est que de regarder les nombreuses photographies prises de lui depuis son adolescence jusqu'à son âge actuel.
L'iconographie
d'André Breton est une longue suite d'éclairs.
Nul, dans l'histoire de la littérature, ne laissera pareilles traces de son passage, ce qui nous assure encore
que c'est beaucoup plus que d'un simple écrivain qu'il s'agit.
De qui, ou de quoi, s'agit-il donc ? Répondre brièvement est malaisé, si l'on ne veut pas se contenter des subterfuges qui ont cours à son sujet et au sujet
du groupe qu'il inspire.
A ndré Breton, comme on sait, est inséparable du surréalisme, auquel il a donné naissance en rompant de sa propre autorité avec le
dadaïsme, en 1922 ; il n'a pas cessé de le diriger depuis lors.
" Le langage a été donné à l'homme pour qu'il en fasse un usage surréaliste ", écrivait-il dans
le Premier Manifeste, publié en 1924, et le ton est déjà caractéristique de ce besoin d'absolu qui ne faiblira jamais chez lui.
Du même ouvrage, tirons encore
cette définition à l'usage des futures encyclopédies : " Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d'associations
négligées jusqu'à lui ; à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée.
Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes
psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie.
" Une citation encore, extraite du Revolver à che blancs (1932),
donne un cinglant démenti à ceux qui s'obstinent à voir en Breton un évocateur ou un meneur de fantômes : " L'imaginaire est ce qui tend à devenir réel.
"
Nullement amateur de fantastique, Breton, à travers le merveilleux, est en quête d'une réalité supérieure.
De toute évidence, l'esprit d'André Breton se signale par une forte dualité ; sa pensée s'est toujours exercée sur deux plans principaux, qui ne sont
contradictoires qu'au regard des naïfs.
Je veux dire qu'A ndré Breton est un poète et un moraliste en des proportions sensiblement égales, et si ce jugement
s'applique au passé de quelques autres écrivains surréalistes, si l'on peut dire du surréalisme lui-même qu'il est morale (à rebours de la morale commune)
et poésie, je crois que ce n'est qu'à l'influence du fondateur du mouvement, et à son autorité, qu'il le faut attribuer.
L'attitude (politiquement) révolutionnaire
d'André Breton est une attitude éminemment morale.
Nul appétit de pouvoir ou même d'influence sur les masses (par voie de presse, par exemple) n'y fut
jamais mêlé.
Mais la justice et la liberté sont des valeurs qu'il a toujours défendues et qu'il défendra, je crois, jusqu'à son dernier souffle.
L'"
affranchissement total de l'homme " est le but que depuis l'origine il propose au surréalisme.
D'une façon ou d'une autre, chacune de ses œuvres est tournée
en direction de ce but ultime, avec un espoir qui persiste malgré la bassesse de l'époque.
A l'égard du marxisme, dont il a retiré tout l'enseignement
possible, il ne se gêne pas pour prendre ses aises, et l'on trouve dans Point du jour (la parole étant cette fois au poète), cette phrase charmante : "
L'histoire tombe au-dehors comme la neige.
"
Caractéristique encore de cette dualité (que l'on s'abstiendra, j'espère, de rapprocher du manichéisme) est le goût d'A ndré Breton pour une formule qui
revient souvent en ses écrits : " le pour et le contre ".
Dans un de ses poèmes les plus connus, Tournesol, le pour et le contre se sont incarnés ; devenus
personnages, ils sont entrés au restaurant du C hien qui fume.
A illeurs, ils s'équilibrent aussi justement que les plateaux d'une balance ; l'on songe qu'André
Breton, qui tient l'astrologie en haute estime, nous a fait remarquer qu'en son horoscope l'ascendant était au 26e degré du signe de la Balance, Saturne et
Uranus étant conjoints significateurs, Mars et Vénus conjoints, Jupiter au milieu du ciel.
Le poète et le moraliste ne se sont jamais si bien accordés en lui que pour soutenir et pour illustrer deux causes, qui dans son esprit n'en font qu'une : celle
de la femme et celle de l'amour.
" Cet amour, rien ne m'empêchera de persister à y voir la vraie panacée, pour combattue qu'elle soit, décriée et moquée à
des fins religieuses et autres ", écrit-il dans Arcane 17.
Antérieurement déjà, dans l'A mour fou et dans Nadja, pareille pensée avait été exprimée, liée à
pareil espoir et à pareille protestation, si bien que l'on pourrait considérer ensemble ces trois livres comme un triptyque de miroirs dont les panneaux l'un
vers l'autre inclinés jouent à multiplier infiniment les reflets de ce qui se réduit enfin à une image unique, qui est le bien essentiel de l'homme.
Avec les
Vases communicants, essai sur les rêves, où l'inconscient parfois s'illumine au feu de l'éthique révolutionnaire, ceux-là sont l'essentiel de l'œuvre en prose
d'André Breton.
Dissocier (fût-ce pour la louer davantage, comme certains ont tenté de faire) cette partie de son œuvre de l'autre que l'écriture en vers ou en versets
distingue, serait absurde.
Depuis les poèmes de C lair de Terre jusqu'à la Moindre Rançon ou Sur la route de San Romano (par exemple), la même tension
demeure, avec les mêmes exigences spirituelles, avec une beauté formelle qui gagne en poli dans la plus récente époque.
Et si l'on avait l'(étrange) idée de
ne vouloir lire qu'un livre d'André Breton, c'est l'Ode à C harles Fourier, je crois, qu'il faudrait choisir, car on y trouve le promoteur du surréalisme sous tous
les aspects qu'il a montrés tout au long de son œuvre, penseur, poète, révolutionnaire, sectateur et parmi les hommes l'un des très rares dont la leçon soit
superbement exemplaire et le restera..
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