André CHÉNIER (1762-1794) (Recueil : Elégies) - Ah ! portons dans les bois ma triste inquiétude
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André CHÉNIER (1762-1794) (Recueil : Elégies) - Ah ! portons dans les bois ma triste inquiétude Ah ! portons dans les bois ma triste inquiétude. Ô Camille ! l'amour aime la solitude. Ce qui n'est point Camille est un ennui pour moi. Là, seul, celui qui t'aime est encore avec toi. Que dis-je ? Ah ! seul et loin d'une ingrate chérie, Mon coeur sait se tromper. L'espoir, la rêverie, La belle illusion la rendent à mes feux, Mais sensible, mais tendre, et comme je la veux De ses refus d'apprêt oubliant l'artifice, Indulgente à l'amour, sans fierté, sans caprice, De son sexe cruel n'ayant que les appas. Je la feins quelquefois attachée à mes pas ; Je l'égare et l'entraîne en des routes secrètes ; Absente, je la tiens en des grottes muettes... Mais présente, à ses pieds m'attendent les rigueurs, Et, pour des songes vains, de réelles douleurs. Camille est un besoin dont rien ne me soulage ; Rien à mes yeux n'est beau que de sa seule image. Près d'elle, tout, comme elle, est touchant, gracieux ; Tout est aimable et doux, et moins doux que ses yeux ; Sur l'herbe, sur la soie, au village, à la ville, Partout, reine ou bergère, elle est toujours Camille, Et moi toujours l'amant trop prompt à s'enflammer, Qu'elle outrage, qui l'aime, et veut toujours l'aimer.
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